Ainsi que nous l’avons rapporté, dans notre précédente édition, les magistrats du Parquet de Bayonne, accompagnés de M. Jean Garat, médecin-légiste, se sont transportés hier à Hendaye pour procéder à une enquête sur le crime qui y fut commis avant-hier soir, et dont une jeune femme de vingt-trois ans, Mme Iraçoquy, et un enfant de sept ans, le jeune Pierrot Ithurbide, furent les malheureuses victimes.
Cette enquête, disons - le tout de suite, n’a pas permis de découvrir l’auteur de ce forfait. Elle a cependant livré à la sagacité des magistrats certains détails qui pourraient peut-être à bref délai apporter quelque lumière sur ce crime plutôt mystérieux. Mais n’anticipons point et restons en aux faits tels que l’audition de certains témoignages reçus et les remarques faites au cours du transport de justice les ont révélés.
La maison du crime.
La maison du crime est située sur la route qui longe la Bidassoa et mène de Hendaye à Behobie, et fait partie du quartier dit Apetenia. Elle est habitée par M. Iturbide et ses enfants et par le ménage Iraçoquy. Les deux familles ont entre elles les meilleures relations et se rendent les services qu'on peut attendre d'un bon voisinage. Depuis quatre jours M. Iraçoquy. surveillant dans un camp d'étrangers, prend le service de nuit et sa jeune femme, très peureuse, dit ne peut demeurer seule. Pour lui être agréable M. Iturbide accepte de lui donner son jeune enfant comme compagnon.
Les circonstances où le crime fut commis.
Dans la soirée de mercredi, après avoir passé quelques instants chez son voisin en compagnie du domestique de ce dernier et d'un autre voisin M. Lecuana, Mme Iraçoquy regagna sa chambre accompagnée de son petit compagnon le jeune Pierrot, non sans avoir prié M. Iturbide de lui prêter une lampe, l’électricité se trouvant en panne dans son appartement... Elle ferma se porte et se coucha ainsi que l’enfant. C'est dans une obscurité totale et peu après l’arrivée des deux victimes que l’assassin accomplit son forfait. Il y a tout lieu de croire qu’il s’était introduit dans la chambre pendant l'absence de Mme Iraçoquy et que d'autre part il était parfaitement au courant des habitudes de la maison.
La malheureuse porte d’horribles blessures à la tête faites à l'aide d'un outil d'acier. La mort ne venant sans doute pas assez vite, le meurtrier eut recours à la strangulation à l’aide d’un foulard. Quant à l’enfant il a été littéralement assommé par la brute.
La découverte du crime.
Ainsi que nous l’avons dit hier c’est en rentrant de son service, vers huit heures du matin, que le malheureux mari découvrit le crime. L’obscurité étant complète encore, il appela sa femme et tout surpris de ne recevoir aucune réponse il s’approcha à tâtons du lit. Sa main rencontra un corps déjà glacé par la mort. Rempli d'effroi il ouvrit la fenêtre. Un spectacle horrible s’offrit à ses yeux. Sa femme et le jeune Pierrot gisaient dans une mare de sang...
Aux cris poussés par l’infortuné, les voisins accoururent. Un indescriptible désordre régnait dans la chambre. Les meubles avaient été fouillés et une partie de leur contenu se trouvait à même le plancher. Une certaine somme d'argent aurait disparu. Est-ce pour donner le change que l'assassin eut recours à cette mise en scène pour laisser croire au vol comme seul mobile de son forfait ?
L’enquête se poursuit.
Bien, qu’entouré de circonstances étranges et pour l’instant quasi-mystérieuses, il convient d’espérer que ce crime abominable ne restera pas longtemps impuni."
PANORAMA DE HENDAYE PRIS DE FONTARRABIE 1942
PAYS BASQUE D'ANTAN
La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, le 9 mars 1942 :
"L'enquête sur le double crime d'Hendaye se poursuit.
Contrairement aux bruits qui circulent sur le double crime d'Hendaye aucune arrestation n'a encore été opérée. L'enquête des policiers de la brigade mobile de Bordeaux se poursuit activement. Cette enquête a déjà établi certains faits nouveaux, mais il convient d’attendre que ces faits basés sur des présomptions graves se voient confirmer par des preuves."
La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, le 12 mars 1942 :
Depuis la fin de la semaine dernière, la brigade mobile de Bordeaux se trouvait à Hendaye avec les gendarmes de cette localité et enquêtaient pour tenter de percer le mystère qui entourait le double crime de la maison Apetenia, sur la route de Béhobie.
Depuis, les policiers, MM. Boisserie, de Lestable, avec lesquels collaborait comme interprète de basque et aussi sans doute comme spécialiste de difficiles affaires criminelles passées, M. Arburu, ancien commissaire de police de Biarritz, s’étaient appliqués à résoudre l’énigme et à confondre l’assassin présumé.
La tâche était d'autant plus difficile qu'il ne s’agissait rien moins que du père du jeune Pierrot Ithurbide, l’enfant de sept ans, assassiné dans la nuit aux côtés de la jeune femme espagnole, Esperanza Irazoqui.
Le tissu des preuves et des présomptions recueillies et vérifiées à défaut des aveux du coupable, a permis l’arrestation définitive et l’inculpation pour meurtre de Virgilio Ithurbide, âgé de 38 ans, né à Aranaz, en Navarre (Espagne), et domicilié en France depuis une vingtaine d'années.
Veuf depuis quatre ans, Virgilio Ithurbide, père de deux petits garçons, un rustre, se disant cultivateur, mais vivant en réalité de la contrebande d’autant plus facile à cet endroit que la maison d'Apetenia est isolée dans les champs qui bordent la Bidassoa et à la frontière.
Habitant la même maison que la dame Esperanza Irazoqui, il savait qu’elle couchait là depuis quelques jours ; il le savait d’autant mieux que la jeune femme lui avait demandé depuis quelque temps, peut-être pour se protéger de ses entreprises — de laisser un de ses enfants dormir avec elle. La présence du petit Pierrot n’allait pas arrêter cependant la passion criminelle du père, car le médecin légiste a été formel dans ses conclusions : Esperanza Irazoqui a bien été violée après avoir été assassinée et étranglée.
L'assassin présumé n’a pas cessé de persister à ne rien avouer aux inspecteurs.
Conduit mercredi après-midi devant M. Deléris, juge d’instruction, qui l’a inculpé de meurtre et fait écrouer à la prison, il a refusé de parler hors de la présence d’un avocat."
La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, le 13 mars 1942 :
"Rien de nouveau en ce qui concerne le drame d'Hendaye.
M. Deléris, juge d'instruction, a procédé uniquement à l’interrogatoire de Iturbide, l’assassin présumé ; il continuera son enquête quand seront parvenus les résultats des analyses."
La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, le 17 mars 1942 :
"Le crime d’Hendaye Ithurbide persiste dans son système de défense.
Ithurbide, inculpé du crime d’Hendaye, a quitté ce matin la prison de Bayonne pour se rendre an cabinet de M. Deléris, juge d’instruction.
Au cours de l’interrogatoire, auquel il a été soumis par le magistrat, Ithurbide était assisté de son défenseur Me Harriague, du barreau de Bayonne.
Ithurbide a persisté dans son système de défense. Il ignore tout du crime auquel il est demeuré complètement étranger et proteste énergiquement de son innocence.
En quittant le cabinet du juge d’instruction, Ithurbide a regagné la prison."
L’Espagnol Virgelio Ithurbide est mis hors de cause.
Bayonne, 2 août. —
Inculpé d'assassinat, l'Espagnol Virgelio Ithurbide était accusé depuis plusieurs mois d'avoir abattu dans sa propre maison les deux victimes du double crime d'Hendaye : son propre fils Pierre Ithurblde, âgé de 7 ans, et la jeune Espagnole Espéranza Irazoqui, âgée de 24 ans.
Depuis son arrestation, l’Espagnol n'avait cessé de protester de son innocence ; son avocat, Me Harriague, partageait cette conviction.
D’autre part, les diverses expertises faites sur des vêtements ne donnèrent aucun résultat.
Dans ces conditions, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non-lieu et fait remettre en liberté Virgelio Ithurbide."
Après un certain "lynchage" médiatique, on apprendra néanmoins en mai 1944 que le
coupable "présumé" était le mari, dans un tout petit article paru dans la Gazette de Bayonne,
de Biarritz et du Pays Basque, le 12 mai 1944 :
"L’assassin d'Hendaye arrêté à Irun va être transféré.
Aux dernières nouvelles les autorités espagnoles de la frontière avaient décidé de remettre directement en France Francisco Irazoqui s'il avouait être l'auteur du double crime dont il est soupçonné. Hier encore, cet aveu n'avait pas été enregistré.
Cependant, les preuves les plus accablantes ayant été réunies par les autorités espagnoles, Irazoqui est attendu à Hendaye par M. Duny, commissaire de police à Saint-Jean-de-Luz-Hendaye, qui a conduit et mené à bien toute l’enquête."
(Source : un clin d'oeil à Daniel sur Facebook qui m'a donné l'envie de faire des recherches sur ce fait divers sordide)
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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