LÉON BONNAT PEINTRE DU PAYS BASQUE EN 1900.
Parmi tous les peintres du Pays Basque, Léon Bonnat occupe une place à part.
PEINTRE LEON BONNAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que raconta à son sujet le journal Les Annales Politiques et Littéraires, dans son
édition du 23 décembre 1900, sous la plume de Gustave Larroumet, de l'Institut :
"Silhouettes et Portraits.
Léon Bonnat.
Ce maître peintre, Français et Parisien, est, avant tout, comme fond de nature, un Basque authentique, un homme du Midi, de la mer et de la montagne. Ces sources de vigueur et de franchise l'ont formé pour la vie et l'art.
Regardez-le : de taille moyenne et ramassée, il n'a pas la maigreur nerveuse qui distingue souvent les hommes de sa race ; mais il y a diverses sortes de montagnards : les uns sont faits à l'image du sapin, l'arbre qui escalade les hautes pentes ; les autres rappellent la roche, ossature de la terre. Ecoutez-le : l'accent pyrénéen, fait pour vibrer dans l'air sonore, chante clans sa voix. Fréquentez-le : dans une profession où le dénigrement mutuel, la petitesse d'esprit et l'égoïsme ne sont pas rares, vous le trouverez bon et droit, l'esprit large et le coeur chaud, muni de ces qualités morales que la montagne inspire à ceux qui ont rempli leur poitrine de son air et leurs yeux de ses horizons.
Léon Bonnat emportait du pays natal le sens des formes nettes et des contours solides qui se détachent dans l'atmosphère limpide des Pyrénées. Il n'a pas subi la séduction de la brume légère qui enveloppe l'Ile-de-France ; il a conservé la vision du pays natal. Sa peinture reproduit, avec énergie, des spectacles robustes. Il est allé à Rome et la clarté de l'esprit latin a terminé sa formation. Dans un temps où la façon de peindre devenait fluide et molle, il conservait, lui, la facture vigoureuse et le relief.
"SAINT JEAN DE LUZ" PAR LEON BONNAT |
Bonnat est peintre d'histoire et de portraits, les deux genres qui s'accommodent le moins de l'indécision et du flou. Le recul du temps et le prestige du passé, l'accentuation des caractères et le retranchement des détails secondaires, que les légendes religieuses et les grands faits historiques procurent à la sainteté et à l'héroïsme, favorisaient ses tendances naturelles vers la synthèse puissante. De même, devant le visage humain, dont la structure et la vie intérieure, l'aspect visible et le mystère caché ne se pénètrent que par une longue observation, par la clairvoyance qui va jusqu'au fond des âmes, il s'attachait à rendre, par le dessin et la couleur, cette solidité que le portraitiste doit égaler pour faire vrai. Cette façon de peindre n'est pas toute la peinture, mais elle en est une part nécessaire. Il importe qu'à côté des élégants et des délicats, la mollesse et l'indécision, qui sont leurs écueils ordinaires, soient compensées par les robustes et les vigoureux.
Peintre d'histoire, Bonnat s'est attaqué à ces sujets éternels, où les grands artistes trouvent comme un concours toujours ouvert. Il a traduit les fictions mythologiques et les récits bibliques ; il a évoqué la figure divine qui, depuis dix-huit cents ans, illustre l'art chrétien, le Christ en croix, les bras ouverts sur l'humanité, le symbole d'amour et de souffrance qui se dresse, au-dessus de la civilisation moderne, plane "sur le palais du prince et la maison du prêtre", tempère la justice par la pitié. Entre les plus beaux Christs, le sien est un des plus beaux.
LEON BONNAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et ce puissant artiste, a le sens de la grâce légère ; il sourit avec charme. Le même pinceau a représenté la lutte de Jacob avec l'ange et cette délicieuse scène de genre, les Premiers pas, une mère italienne conduisant vers le spectateur son bambino tout nu, le visage de la mère illuminé de fierté heureuse, le corps du bambino radieux comme aux temps païens, offrant aux yeux la vie en sa première fleur.
Mais c'est par le portrait que Léon Bonnat a surtout marqué dans l'art sa place définitive. L'école française compte peut-être les plus grands noms en ce genre. C'est que nos qualités nationales de vérité attentive et de pénétration morale, notre goût de la précision et de la franchise, trouvent ici leur emploi naturel. Chaque époque a eu, de la sorte, un maître qui a fixé les physionomies les plus expressives, celles que l'âme a le plus fortement marquées de son empreinte et éclairées de son rayon. Le dix-septième siècle, a eu Philippe de Champaigne et Rigault, le dix-huitième Largillière et La Tour. Pour notre temps, Bonnat est le maître incontesté du portrait. Dans ce siècle, qui a vu paraître cette merveille, Bertin l'aîné d'Ingres, il est égal aux plus grands morts et il domine les vivants.
On retrouve dans son oeuvre les grandes figures de ces trente dernières années, dans la politique, l'art et les lettres, les hommes d'action et de pensée, ceux qui mènent, charment, instruisent les autres hommes, Puvis de Chavannes, l'enchanteur par le rêve, à côté d'Alexandre Dumas fils, le moraliste de théâtre par la logique et la passion.
Un jour, pendant la séance de l'Académie des beaux-arts, tandis que, consciencieuse et lente, la discussion suivait l'ordre du jour, Bonnat dessinait à la plume, selon l'habitude des artistes, qui occupent ainsi leur main, tandis que leur oreille écoute. J'avais la bonne fortune d'être son voisin, et, peu à peu, je voyais surgir du papier administratif, merveilleuse de vérité, la tête puissante, ironique avec tristesse, charmante en sa lourdeur ecclésiastique, d'Ernest Renan. A ce moment, en effet, le maître peintre ajoutait l'image du grand écrivain à sa galerie de portraits, les portraits du siècle.
ERNEST RENAN PAR LEON BONNAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
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