LA CONTREBANDE AU PAYS BASQUE EN 1929.
Je vous ai parlé à plusieurs reprises de douaniers et contrebandiers, des douaniers en 1931, voici aujourd'hui un article sur les contrebandiers en 1929.
CIDRE DE CONTREBANDE ASCAIN - AZKAINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le Journal des débats politiques et littéraires, dans son édition du 28 octobre 1929, en fit un
article :
"La contrebande et les contrebandiers.
La frontière d'Espagne.
... "Quinze contrebandiers, échelonnés sur une cinquantaine de mètres, dans le noir épais de la montagne, sous l'arrosage incessant de l'averse nocturne... Tout à fait devant, chargés de marchandises d'un moindre prix, marchent deux hommes qui sont les éclaireurs..." On se rappelle cette page de Ramuntcho, ce défilé des vétérans de la contrebande, prenant des passages de chèvre, heurtant leur fardeau à des choses noires qui sont des branches de hêtre, chancelant, glissant des deux pieds, se raidissant, se rattrapant en piquant au hasard leur bâton ferré dans la terre...
Il y a une région où la contrebande a encore du pittoresque, c'est celle de la frontière d'Espagne. Là, elle ne s'est pas pour ainsi dire industrialisée comme sur la frontière belge. Les hommes qui la pratiquent "l'ayant dans le sang", par un très ancien atavisme, n'empruntent que peu de procédés modernes. La plupart d'entre eux, pour qui la montagne n'a pas de secrets, usent toujours des vieux moyens. Moins occupés qu'autrefois, on retrouverait dans leurs rangs des figures caractéristiques comme le vieux chef de bande Itchoua et l'agile Arrochkoa, dessinés par Loti.
Moins occupés ? Une raison majeure a diminué la contrebande : le cours de la peseta. Ce n'est pas la peine d'aller chercher en Espagne, des marchandises qu'on y paye plus cher qu'en France. Il n'en est que certaines qu'on a intérêt à faire passer frauduleusement. A cette atténuation, il y a aussi un autre motif : les habitants des villages de la frontière trouvent à s'employer honnêtement plus de facilités que jadis. Il s'en faut, toutefois, que la contrebande ait disparu et que la surveillance puisse se relâcher, bien que, pour des économies budgétaires, on ait réduit, dans une contrée dont la configuration rend la répression particulièrement malaisée, le nombre des agents du service actif de la douane, les uns ayant à explorer leur rayon d'action, leur "pantière", les autres formant des brigades ambulantes. Le Basque, notamment, de race nerveuse et souple, instinctivement indépendant, est né contrebandier : il le serait peut-être sans profit, par habitude, par tradition: "Faire les mêmes choses que, depuis des âges sans nombre, ont faites les ancêtres" est en quelque sorte sa devise. Il y a, dans Ramuntcho, le type de ce contrebandier amateur, ce Jean Detcharry, qui a de bonnes terres au soleil, mais qui a ce goût de la ruse, de la lutte, du danger. La vérité est, cependant, que ce type s'efface peu à peu, et que c'est pour le bénéfice qu'il attend de ses opérations que le contrebandier court des risques.
Mais il est assuré d'une discrétion générale qui ressemble à une complicité. Est-il soupçonné et invoque-t-il un alibi ? Personne ne le contredira ! Récemment, un fraudeur "professionnel" échappa à une embuscade, mais tout indiquait qu'il avait pris part à une expédition, et il fut interrogé. Il déclara qu'aucune imputation ne pouvait être portée contre lui, car à l'heure du soir où avait eu lieu le passage incriminé il était à confesse. Avec moins de grandeur d'âme que Mgr Bienvenu, des Misérables, car il connaissait l'homme et, sans doute, avait-il plus ou moins directement profité de son trafic, le curé du village, questionné pour la vérification de cette assertion, ne le démentit point.
Ce curé était Basque lui-même et la contrebande, selon lui, n'était pas un gros péché. Il eût fallu, s'il eût eu d'autres idées, qu'il se montrât sévère pour toutes ses ouailles, car, s'il y a ceux qui font de la contrebande un métier, tout le monde, ou à peu près, fait de la petite fraude.
Nous parlions d'atavisme. En 1794, les représentants du peuple en mission dans les Basses-Pyrénées estimèrent qu'ils avaient trouvé un moyen radical pour supprimer la contrebande qui s'exerçait avec les Espagnols, alors ennemis. Ils firent évacuer les villages d'Ascain, de Sare, de Biriatou, dont la population fut transportée ailleurs. Il n'y avait plus là que des déserts. Moins de quinze jours après, la contrebande était pratiquée, aussi active, sur les mêmes points de la frontière.
FANDANGO A ASCAIN - AZKAINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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