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vendredi 23 février 2018

LE CHANT BASQUE "GUERNICACO ARBOLA" EN 1893

"GUERNICACO ARBOLA" EN 1893.


"GERNIKAKO ARBOLA" est le titre d'une chanson écrite par José Maria Iparraguirre à Madrid en 1853, au café San Luis de la rue de la Montera, accompagné au piano par Juan Maria Blas Altuna. 

PAIS VASCO ANTES
CHANT "GUERNIKAKO ARBOLA"
PAYS BASQUE D'ANTAN

En 1893, plusieurs journaux nationaux racontèrent l'histoire de cette chanson, hymne non 

officiel des Basques :


  • Le Journal des débats littéraires et politiques, du 30 août 1893 :

"Le chant basque.


C'est en chantant le Guernicaco Arbola que les manifestants de Saint-Sébastien sont allés devant l'hôtel, où était descendu M. Sagasta, protester contre la suppression des "fueros". 


Bien que le peuple basque soit fixé sur les deux versants des Pyrénées, depuis de longs siècles, son chant national ne date que de la première moitié de ce siècle. 


Iparraguirre, né le 12 août 1820, à Villareal (Guipuzcoa), lui a donné ce chant. 



Carliste, comme la plupart des fils du Guipuzcoa et de la Biscaye, Iparraguirre combattit vaillamment pour la cause de Charles VI. 



L'insurrection vaincue, il dut s'enfuir et il émigra en France et fut bientôt connu et recherché par les salons les plus aristocratiques de Paris, où il allait chanter d'une voix mâle et vibrante les chants qu'il composait. 


guernica antes
GUERNICACO ARBOLA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais, sur la demande de l'Espagne, le gouvernement français l'expulsa et Iparraguirre se réfugia à Londres. 



Le général Mazarredo, l'ayant entendu un jour, fut pénétré d'admiration, et, le considérant comme l'un des enfants dont l'Espagne pourrait, à bon droit, s'estimer fière, il obtint de son gouvernement que l'accès de la patrie fut de nouveau permis au chanteur et poète basque. 



Là, on lui conta, un jour, la légende de l'arbre de Guernica, dont la tradition fait remonter l'existence au neuvième siècle. Cet arbre est situé prés de l'église du Serment, bâtie sur le territoire de la commune de Luna. Dans la plaine qui s'étend à ses pieds, les Basques remportèrent une sanglante victoire sur les gens de Léon et c'est sous sa ramure, qu'après la bataille, ils acclamèrent pour chef le plus vaillant d'entre eux, Lope Fortun, le "Seigneur blanc". 


Ce récit enthousiasma à tel point Iparraguirre, que dans la même nuit il écrivit le Guernicaco Arbola dont voici la traduction : 


1 L'arbre de Guernica est (un symbole) béni, aimé de cœur par tous les vascongados. 

Arbre saint, étends et propage ton fruit à travers le monde. Nous autres, nous t'adorons. 


2 Il y a plus de mille ans, dit-on, que Dieu planta le chêne de Guernica, 

Tu te maintiens, fier, depuis, arbre sacré : ne vas tomber à cette heure, car sans ton ombre protectrice nous serions irrémédiablement perdus. 


3 Non, tu ne tomberas pas, arbre chéri, si du moins, comme elle le doit, se conduit la Junte de Biscaye. 

Les quatre (provinces sœurs), nous te prêterons notre appui, afin que vive en paix le pays vascongado. 


4 Pour demander à Dieu qu'éternellement vive ce symbole sacré, jetons-nous tous à genoux ; si nous le demandons du fond du cœur, le chêne séculaire vivra aujourd'hui et toujours. 


5 Dans la terre vascongada nous savons tous qu'on a tramé d'abattre l'arbre (de Guernica). L'heure est venue pour nous de grouper nos efforts et de donner notre appui afin de le maintenir droit.  


6 Toujours tu resteras feuillu, comme en un éternel printemps, chêne séculaire et immaculé, heureux témoin des âges antiques. 

Aie pitié de nous, puisque nous t'aimons de cœur ; offre-nous vite et de nouveau ton fruit savoureux. 


7 Le vénérable chêne nous dit de nous tenir prêts, de prier Dieu du plus profond de notre cœur pour sa conservation. 

Nous ne désirons pas la guerre ; nous voulons une paix inaltérable, afin de vivre tranquilles à la chaleur de nos lois séculaires et dans le doux amour de ces lois. 


8 Demandons tous à Dieu qu'il nous octroie la paix éternelle, qu'il féconde la terre qui maintient l'arbre de nos libertés, et qu'il répande sa bénédiction sur le pays basque."




GUERNICA 1966
ARBRE DE GUERNICA 1966
PAYS BASQUE D'ANTAN

  • le Figaro, dans son édition du 30 août 1893 :

"Au Pays Basque.


Les fêtes, les courses de taureaux, les nombreuses attractions que la bonne ville de Saint-Sébastien offrait aux étrangers, venus par milliers de l'autre côté de la frontière, viennent d'être brusquement interrompues par des événements sanglants. Ce beau pays aux mœurs douces et tranquilles est, depuis deux jours, en proie à une surexcitation sans pareille. La charmante reine Christine, qui comptait passer trois mois ici loin des soucis de la politique, fait, dit-on, ses malles, et peut-être, à l'heure où cette lettre paraîtra dans le Figaro, elle aura repris le chemin de Madrid, où il fait quarante-trois degrés de chaleur à l'ombre. 


A qui la faute ? 


A ceux qui ont voulu s'attaquer aux fueros. Ce mot de fueros est terrible. Quand une fois on en a fait un drapeau de guerre, c'est fini, il faut donner la parole à la poudre. Les fueros sont, pour les Basques, quelque chose comme l'air qu'ils respirent dans leurs montagnes. Et comme depuis quelques jours on parle à tort et à travers des fueros de ce pays et que l'on dit à ce sujet pas mal de sottises, il sera peut-être utile d'expliquer à nos lecteurs ce que c'est que l'organisation des provinces dans lesquelles un vent de révolte souffle de puis deux ou trois mois. Une fois pour toutes, nous allons poser les termes du problème et dire pourquoi des provinces hier encore paisibles sont aujourd'hui absolument sens dessus dessous. 



Les lois qui règlent l'organisation politique, militaire et financière des provinces basques (Alava, Guipuzcoa, Biscaya, Navarra) sont applicables à tout le royaume. Cependant, elles souffraient des exceptions en vertu des franchises ou privilèges, en espagnol fueros, dont jouissaient certaines provinces depuis le moyen âge. 



Donc, le pays basque, c'est-à-dire l'ensemble de ces quatre provinces, au lieu d'avoir autant d'assemblées provinciales que de provinces, n'en comptait qu'une seule, renouvelable tous les trois ans. Cette assemblée se réunit encore, par respect de la tradition, sous l'arbre séculaire de la petite ville de Guernica. Cet arbre symbolise toutes les libertés de la contrée. C'est un chêne immense et l'hymne local, à la fois chant de liberté et de guerre s'il le faut, porte son nom : Guernicaco arbola, c'est-à-dire, en langue basque, arbre de Guernica. Chaque fois que le pays s'est soulevé pour don Carlos et a fait la guerre civile, le Guernicaco arbola a retenti dans les montagnes immédiatement transformées en forteresses. Le pays est essentiellement carliste et ses fueros constituent tout son programme politique. 



Les Basques étaient exemptés de l'impôt personnel, du service militaire tel que l'établissait la loi sur le recrutement, du monopole des tabacs, de l'emploi du papier timbré. Les droits de douane étaient remplacés par une redevance équivalente. Après la première guerre civile, en 1839, les fueros basques furent définitivement consacrés par les Cortès. La reine Isabelle a toujours dit qu'il ne fallait jamais toucher à ces privilèges qu'elle considérait comme sacrés.



En 1876, au début du règne d'Alphonse XII, ces franchises, c'est-à-dire l'exemption du service militaire et du papier timbré, la liberté du commerce des tabacs, furent abolies. Très attachés à leurs fueros, les Basques protestèrent avec chaleur et obtinrent un délai de dix ans pour arriver à l'application totale des lois du royaume. On leur accorda ce délai pour éviter un soulèvement qui aurait profité à don Carlos. En 1886, nouvelles menaces, nouveaux apprêts de guerre de la part des Basques. Il s'ensuivit une décision royale maintenant pour un temps indéterminé le régime exceptionnel inauguré en 1876. 



M. Gamazo a cru devoir appliquer ses réformes à tous les Espagnols sans exception. Vous savez les résultats. Le Guernicaco arbola retentit de nouveau, les carlistes parcourent le pays criant à l'attentat, à la violation de la foi jurée, et, au cri de : Vivent les fueros ! hommes, femmes, vieillards et enfants ne font plus qu'une armée disposée à combattre contre tout gouvernement qui voudra porter une main sacrilège sur le traditionnel palladium. Le pire est que la foule rendra responsable la Régente de cet état de choses et que dans ce pays basque, le portrait de don Carlos occupe la place d'honneur, à côté des saintes images du Christ en croix et de la Vierge dans toutes les campagnes. La situation est très grave et le ministère actuel (ou le gouvernement qui lui succédera) seront forcés de céder s'ils ne veulent pas compromettre les intérêts de la dynastie régnante. 



Déjà, de tous les côtés, de Bilbao à Vitoria et de Pampelune à Alava, on voit les curés se remuer, parler carrément d'indépendance et de guerre sainte. Le curé dans ces contrées est maître absolu. Il prêche en langue basque et peut, par conséquent, dire, du haut de sa chaire, tout ce qu'il veut, sans que les agents de l'autorité centrale comprennent un seul mot. Il sait que de toutes ses ouailles il n'y en a pas une seule qui n'ait pas profondément gravés au cœur ces trois mots qui sont la devise du pays et de la race : Dieu, Patrie, Roi. Et quand on les a prononcés, ces trois mots, on chante en buvant du bon chacoli (le petit vin doux du pays), l'éternel Guernicaco arbola, dont les paroles sont à peu près celles-ci et peuvent intéresser ceux qui aiment les dialectes étranges et les sentiments patriotiques : 

Guernicaco arbola

Da bedincatuba 

Euskaldunen artian 

Gustiz naitatuba ! 



bilbao antes
CHACOLI BILBAO - BILBO
PAYS BASQUE D'ANTAN

La chanson, dont la musique est fort entraînante, a cinq strophes : "Ô arbre béni de Guernica, Des Basques bien-aimé, Donne et répands tes fruits dans le monde entier. Dieu te planta, il y a mille ans, et tant que les Basques vivront, tu ne tomberas pas. A ton ombre, les quatre provinces unies veilleront pour la paix commune !" 


Cet amour du sol, de la mère-patrie, de la montagne et de la vallée ne serait rien sans les fueros qu'on ne pourra jamais enlever à une population à la fois fanatique et belliqueuse. Espérons que la prudence et le bon vouloir d'une reine qui se plaisait tant dans sa solitude et qui s'était fait une coquetterie d'apprendre la dure langue basque éviteront des événements qui seraient funestes pour la paix nationale." 






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