L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1885.
Pendant plus d'un siècle, des centaines de milliers de Basques ont quitté leur terre natale en espérant trouver une vie meilleure, souvent de l'autre côté de l'Océan Atlantique.
EMIGRATION BASQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai déjà parlé de l'émigration Basque dans de nombreux articles : le 5/12/16, le 6/12/16,
le 23/01/17, le 14/02/17, le 25/05/17, le 8/06/17, le 13/08/17, le 9/09/17, le 12/10/17, le 20/10/17, le
24/10/17, le 25/11/17, le 2/12/17, le 11/01/18, le 29/01/18, le 17/02/18, le 11/04/18, le 17/04/18,
le 16/08/2018, le 28/09/2018, le 22/11/2018, le 05/02/2019, le 30/03/19, le 21/05/19, le 28/05/19 et
le 9/06/19.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Français, dans son édition du 1 septembre 1885 :
"Le Journal officiel publie un rapport adressé au ministre de l'intérieur par M. Levaillant, directeur de la sûreté générale sur le mouvement de l’émigration pendant les années 1882, 1883 et 1884.
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M. Levaillant rappelle d’abord que trente-six agences autorisées, dont 10 sont établies à Paris, 8 au Havre, 7 à Bordeaux, 6 sur divers points du département des Basses-Pyrénées, 3 à Marseille et 2 à Modane, se livrent actuellement à l’industrie de l’émigration. Leur nombre était, au moment de la rédaction du dernier rapport, de 33. Il n’a donc augmenté qu’en des proportions insignifiantes. Les opérations de ces agences s’étendant au delà de la frontière, la statistique à laquelle elles donnent lieu comprend l'émigration française proprement dite et l’émigration étrangère, dont les résultats réunis font connaître l’importance du mouvement de 1’émigration générale par les ports français.
En ce qui concerne spécialement l’émigration française, il est parti de nos ports, au cours des années 1882, 1883 et 1884, sous le contrôle du service, un total de 12 637 émigrants : en 1882, 4 858 ; en 1883, 4 011 ; en 1884, 3 678.
En rapprochant ces résultats de ceux qui ont été constatés durant les années précédentes, on constate que le mouvement de l'émigration française, qui est allé en décroissant de l'année 1874 à l’année 1878, pour s’accentuer pendant les années 1879 et 1880, s’est maintenu à peu prés dans les mêmes proportions l’année suivante, a pris une nouvelle intensité en 1882, s'est ralenti en 1883 et a continué de décroître en 1884.
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Il y a lieu toutefois de considérer que la faiblesse du contingent fourni par le dernier exercice provient de causes accidentelles. Au témoignage unanime des rapports, il faut l’attribuer à l’épidémie du choléra, qui a ralenti les opérations dans tous les ports et les a presque entièrement annulées dans le port de Marseille pendant les mois d’août, septembre, octobre et novembre.
Les 12 637 émigrants embarqués sous le contrôle du service au cours de la période de trois ans. qui fait l’objet du présent rapport, se classent ainsi, d’après l’âge, le sexe et la profession :
Au-dessous de 2 ans, 179 ; de 2 à 10 ans, 1 490 ; de 10 à 20 ans, 1 871 ; de 20 à 50 ans, 8 376, et au-dessus de 50 ans, 721.
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Quant au sexe, on a compté 8 632 hommes et 4 005 femmes.
3 555 émigrants sont fournis par les professions industrielles, 3 823 par les professions agricoles et 5 259 par d’autres professions.
Le classement des émigrants par département d’origine fait connaître le contingent fourni par chacune de ces circonscriptions territoriales, et par là il aide à découvrir les véritables causes de l’émigration, qui ne saurait être considérée, chez nous, ainsi quelle l’est chez d’autres peuples, comme l’écoulement naturel du trop plein de la population. Les renseignements fournis par la compagnie des Messageries maritimes, qui est exempte du contrôle du service de l’émigration, ont permis pour la première fois, en 1884, de dresser une classification complète des passagers d’entrepont embarqués par cette compagnie dans le port de Bordeaux, qui n’avait figuré jusqu’à ce jour qu’au total de l’émigration générale par les ports français. En ajoutant aux 3 768 émigrants embarqués, au cours de cette année, sons le contrôle du service de l’émigration, les passagers d’entrepont partis par les paquebots de la compagnie des Messageries maritimes, on obtient pour Vannée 1884 un total de 6 100 émigrants français, qui se répartissent ainsi qu’il suit entre nos départements :
Ain, 17 ; Aisne, 64 ; Allier, 22 ; Alpes (Basses-), 14 ; Alpes (Hautes-), 169 ; Alpes-Maritimes, 15 ; Ardèche, 28 ; Ardennes, 12 ; Ariège, 69 ; Aube, 22 ; Aude, 15 ; Aveyron, 244 ; Bouches-du-Rhône, 32 ; Calvados, 27 ; Cantal, 9 ; Charente, 144 ; Charente-Inférieure, 88 ; Cher, 10 ; Corrèze, 30 ; Corse, 133 ; Côtes d’Or, 13 ; Côtes-du-Nord, 31 ; Creuse, 6 ; Dordogne, 133 ; Doubs, 204 ; Drôme, 25 ; Eure, 19 ; Eure-et-Loir, 10 ; Finistère, 20 ; Gard, 33 ; Garonne (Haute-), 107 ; Gers, 91 ; Gironde, 270 ; Hérault, 20 ; Ille-et-Vilaine, 23 ; Indre. 4 ; Indre-et-Loire, 27 ; Isère, 60 ; Jura, 21 ; Landes, 67 ; Loir-et-Cher, 30 ; Loire, 47 ; Loire (Haute-), 30 ; Loire-Inférieure, 53 ; Loiret, 28 ; Lot, 40 ; Lot-et-Garonne, 69 ; Lozère, 11 ; Maine-et-Loire, 20 ; Manche, 10 ; Marne, 26 ; Marne (Haute), 13 ; Mayenne, 6 ; Meurthe-et-Moselle, 80 ; Meuse, 28 ; Morbihan, 6 ; Nièvre, 21 ; Nord, 40 ; Oise, 16 ; Orne, 8 ; Pas-de-Calais, 20 ; Puy-de-Dôme, 12 ; Pyrénées (Basses-), 1 386; Pyrénées (Hautes-), 383 ; Pyrénées-Orientales, 43 ; Rhin (Haut-), 70 ; Rhône, 90 ; Saône (Haute-), 88 ; Saône-et-Loire, 29 ; Sarthe, 17 ; Savoie, 204 ; Savoie (Haute-), 76 ; Seine, 364 ; Seine-Inférieure, 41 ; Seine-et-Marne, 27 ; Seine et-Oise, 47 ; Sèvres (Deux-), 9 ; Somme, 19 ; Tarn, 28 ; Tarn-et-Garonne, 13 ; Var, 23 ; Vaucluse, 29 : Vendée, 9 ; Vienne, 21 ; Vienne (Haute-), 21 ; Vosges, 38 ; Yonne, 27 ; Algérie, 14. — Total : 6 100.
Un fait à signaler est mis en lumière par ce relevé : c’est que sur 6 100 émigrants français qui, pendant l’année 1884, se sont embarqués dans les ports du Havre, de Marseille ou de Bordeaux, près de 2 000 sont originaires des départements frontières de la région des Pyrénées et qu’un département de la même région, celui des Basses-Pyrénées, a fourni à lui seul près du quart de la totalité des émigrants soit 22.72 0/0.
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Or, il est à noter que ce département ne figure ni au dernier rang sur les tableaux de la richesse publique, ni au premier pour la densité de la population. L’émigration n’y est donc pas provoquée par les causes qui la produisent ordinairement dans les pays pauvres et populeux Il faut l’attribuer à l’entraînement auquel se livrent les agents recruteurs et à la contagion de l’exemple. Les montagnards des deux versants des Pyrénées sont très recherchés comme colons par les Etats de l’Amérique du Sud, qui mettent tous les moyens en œuvre pour les attirer. Les premiers émigrants séduisent leurs compatriotes restés sur le sol natal par le récit des succès obtenus de l'autre côté de l’Océan.
L’agriculture et l’industrie locales se ressentent depuis longtemps de ces nombreux départs pour l’étranger, ainsi qu'en fait foi la correspondance échangée entre votre département et l’administration centrale des Basses-Pyrénées. Mais l’émigration est surtout préjudiciable aux intérêts militaires. Le nombre des insoumis s’est élevé, dans ce département, pour la seule année 1884, à 135. L’administration est impuissante à mettre fin, par les voies légales, à cet état de choses fâcheux.
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La direction du mouvement de l'émigration française n’a pas subi de changement notable au cours de la période qu’embrasse le présent rapport. C'est toujours vers l’Amérique que se portent nos nationaux. Ni l’Australie ni l’Afrique ne les attirent. Si un certain nombre figurent sous la rubrique "Côte d’Afrique", ce sont presque tous des ouvriers embauchés pour la construction du chemin de Dakar à Saint-Louis, que les Etats ont classés par erreur dans la statistique de l’émigration.
M. Levaillant exprime de nouveau le regret, déjà formulé dans le dernier rapport, que les émigrants de nationalité française qui vont s'établir dans les pays transatlantiques, ne se reportent pas plutôt vers nos colonies. Un de nos agents consulaires, le consul général de France à Montevideo, dans un rapport à M. le ministre des affaires étrangères, en date du 15 janvier 1884, communiqué à votre département, exprime le même regret à propos des émigrants français appartenant à la catégorie des professions industrielles et de nouveau au sujet des "Basques".
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— "Ce serait à la fois une bonne œuvre et une œuvre utile, dit-il en parlant des premiers, que d’entraver leur départ pour l’étranger d'une part, et de l'autre, de leur assurer, dans les colonies françaises, quelques avantages, de façon à les y entraîner." Il ajoute, au sujet des montagnards du versant français des Pyrénées : "La haute valeur colonisatrice de cette race devrait être utilisée avec un soin tout spécial, en la dirigeant vers nos propres colonies... Il faudrait combattre l’influence des agents des Etats américains chargés de les recruter en leur offrant des contrats de concession de terrain par des concessions plus larges encore, faites en Algérie et en Tunisie, dans les pays sains et dont le climat n’est pas meurtrier. Lorsqu'un noyau basque serait formé et prospère, il se passerait pour ces colonies ce qui se passe aujourd'hui pour l’Amérique du Sud. Les premiers arrivés appelleraient leurs parents et amis, et ce mouvement, énergiquement appuyé par les instructions du ministère de l'intérieur aux préfets et aux maires de la région basque française, ferait tourner à notre profit une tendance qu'il est impossible de comprimer."
L'émigration étrangère par nos ports ne présente guère qu’un intérêt commercial. Mais cet intérêt est important. Pour ce motif, auquel s’ajoutent d’ailleurs des raisons de convenance et d’humanité, il est essentiel d’assurer une bonne police de l’émigration. Cette considération explique les efforts faits par la concurrence étrangère pour attirer vers les ports d’Anvers, Stettin, Brême et Hambourg l’émigration européenne, et les mesures prises par les compagnies françaises pour y résister. L’une de ces dernières a établi dans ces derniers temps, un système spécial de transport qui lui permet de prendre dans ses wagons les émigrants étrangers, dès leur arrivée à la frontière, et de les amener sans désemparer sur le quai du port d’embarquement, quelques heures avant le départ du paquebot qui doit les emporter. Il convient de noter à cette occasion que toutes les fois que votre administration est intervenue, au cours de la période 1882-1884, pour faciliter soit le transit, soit le transport des émigrants, les compagnies se sont montrées empressées à seconder ses desseins.
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