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mardi 21 mai 2019

LES BASQUES "COUREURS DE MER" AUTREFOIS


LES BASQUES "COUREURS DE MER".


De tout temps, les Basques ont parcouru les mers et les océans du monde, pour travailler ou émigrer.



emigracion vasca argentina
EMIGRATION BASQUE EN ARGENTINE

Voici ce que rapporta à ce sujet La Petite Gironde, dans l'édition du 13 décembre 1935, sous la 

plume de Pierre Dumas :


"Les Basques, ces coureurs de mer.



C’était il y a deux ans ; une enquête au Pays Basque espagnol m’avait amené dans l'extraordinaire village d’Ondarroa, dont le petit port pouvait à peine contenir les flottilles de barques légères, serrées dans une sympathique pagaïe. 


vizcaya antes
ONDARROA BISCAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le spectacle était ahurissant, de ces maisons agglutinées au rocher, étagées jusqu'au calvaire et qui déballaient au soleil les invraisemblables couleurs du ciel, des murs terreux, des lessives éclatantes et des filets gris, bleus ou rouges.




A un virage de la routa, mon guide bénévole s’arrêta pour me faire contempler — après le spectacle étriqué du port — le déroulement infini de la mer. M’indiquant l’agglomération minuscule, il me dit : "Ondarroa n’est pas seulement ce village que vous voyez ; il est là-bas (et il me montrait l’océan embrasé) bien plus qu’ici."


pais vasco antes
ONDARROA BISCAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Là-bas... c’était l’Argentine, le Brésil, le Canada, les îles, les Amériques. Et l’homme m’explique. "A chaque siècle, me dit-il, plus d’un million et demi de Basques partent — pour jouer leur chance — vers les terres nouvelles."




Un million et demi d’émigrants ! Ce chiffre fut, pour moi, une révélation. Je venais d’apprendre, les jours précédents, les vertus héroïques de ce peuple, sa résistance à l’assimilation, son courage chevaleresque, son obstination à demeurer lui-même, dans un monde qui standardise les moeurs, les coutumes et les esprits. J’avais vu à Guernica — toujours vivants — les fueros, la loi basque ; j’avais vu, dans les prisons, des hommes souffrant pour l’honneur et pour la liberté de l’Euskarie... mais c’est devant la mer cantabrique qu’il me fut donné de toucher du doigt la vitalité, la vigueur du Pays Basque qui peut, sans affaiblir la souche ancestrale, donner à l’émigration plus d’un million et demi d’individus dans l’espace de moins de cent ans. 


vizacaya antes
CHÊNE DE GUERNICA BISCAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Oui, presque à chaque cent ans, les Basques se dédoublent et la moitié s’en va à la conquête des mers et des terres Inconnues. 




Depuis deux ans, depuis ma révélation d’Ondarroa, j’ai lu maint livre sur l’émigration basque et en particulier celui du Père Lhande. Avec son triptyque : Marins, colons, missionnaires, il a jeté les bases de la grande épopée basque qui sera un jour écrite par un poète issu de ce peuple fécond. 


religion basque
PERE LHANDE A MADAGASCAR



Soif de conquête.



C’est depuis toujours que les Basques voyagent. De toutes les provinces méridionales que nous verrons se lancer vers l’aventure, c’est assurément le Pays Basque qui a le plus émigré. On peut dire que l’émigration est sa spécialité. Il a, par nature, la hantise de la mer. Le Basque est inquiet ; il est l’éternel insatisfait. C’est qu’il porte en lui le goût, la soif de la perfection... Tant qu’il n’a pas atteint à cette perfection (et il est impossible de l’obtenir) il demeure tendu vers elle. Pour le marin, c’est la connaissance des pays nouveaux, or, il faut courir pour voir le monde entier. Pour l'agriculteur, c’est le désir de posséder, de s’enrichir, or, il y aura toujours des richesses à exploiter et à convoiter. Pour le missionnaire, c’est le feu intérieur qui le pousse à conquérir les âmes sa foi, or, il y aura toujours des infidèles. 




On le voit, l'aventure des Basques a commercé avec la fondation de leur race, est-à-dire à la création du monde et elle ne s’éteindra qu’avec eux... c’est-dire à la fin des temps. 




Les raisons à l'exode des Basques sont multiples : Familles très nombreuses, qui, n'ayant pas de place au foyer pour tous les enfants, en poussent quelques-uns vers la mer. Publicité faite, surtout avant la crise mondiale, par les pays à faible densité, comme le Canada et les Etats d’Amérique du Sud. Voyages des marins qui racontent leurs exploits et des "Américains" qui reviennent au village après fortune faite. Goût de la chasse et de la pêche... Enfin, comme je j’écrivais plus haut, l'instinct, l'inquiétude atavique dont Louis XIV disait que "l'envie de la course faisait fuir son service aux matelots basques". 




Oui, les Basques chassent et pêchent d'instinct. Les historiens s’accordent à dire qu'ils pratiquaient probablement dès le Xe siècle et en tout cas certainement depuis le XIIe, la pêche à la baleine. 



baleine autrefois
PÊCHE A LA BALEINE



Cet animal fréquentait alors le golfe de Biscaye. Les veilleurs installés sur les côtes le signalaient par un cri spécial qui mobilisait les pêcheurs et les lançait à la poursuite. Mais peu à peu les baleines désertèrent les parages de France et d'Espagne. Il fallut les poursuivre... ce qui entraîna les Basques dans toutes les aventures, vers tous les continents. 




Au XIVe siècle, ce sont des Basques qui découvrent Terre-Neuve, et quand les Anglais, puis les Hollandais y arrivent, la place est déjà occupée et le pays peuplé d’Européens. 



emigration histoire terre neuve
PLACENTIA TERRE NEUVE



On discute beaucoup pour savoir si des Basques n'abordèrent pas en Amérique et au Canada avant Colomb et les "découvreurs" officiels. 




Il semble que la chose ne fait plus de doute aujourd’hui. Des pêcheurs basques avaient atterri sur divers points de l’Amérique du Nord et du Sud avant Colomb et Cartier, mais ces coureurs d'aventure ignoraient totalement qu’il s’agissait d’un continent inconnu... A cause de cela, aucune publicité ne fut faite autour de ces voyages héroïques. 



Leur trace.



Qu’importe d’ailleurs la date exacte des explorations et des découvertes basques. L’essentiel pour nous est de constater que nos amis furent, de tout temps, des voyageurs épris de "course", d'idéal... et qu'ils s'établirent dans toutes les parties du monde. Si on discute sur des dates, on ne peut discuter sur les noms que les Basques ont donnés à des régions et à des villes dans tous les continents, ni sur les origines des familles Etcheverry, Irigoyen, Atucha, Acebal, Urguiza, piquées au hasard dans toutes les villes du monde. 


emgracion vasca argentina
DON PEDRO LURO ARGENTINE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Car il y a une chose qui ne trompe pas, une pierre de touche efficace et sans contestation possible : la langue basque. 




Différenciée essentiellement de toute autre idiome ou dialecte, pure de tout alliage, originale, unique, elle marque d’indélébile manière les lieux, les familles, les individus. Par elle, on suit la trace des aventures, par elle les hommes gardent le souvenir — et la fierté — de leur origine. 




Or, Canada, Terre-Neuve, Australie, ports de la Baltique, Indes, Chine, où qu'on passe, on est certain de recevoir tôt ou tard dans les oreilles les consonances hardies d’un nom euskarien. 




L’influence des Basques sur la formation intellectuelle, morale et religieuse de certains grands pays est décisive. C'est ainsi que, dans la préface qu'il écrivit pour "l’Emigration basque", M. Pellegrini, ancien président de la République Argentine, nous fait part de son ahurissement en retrouvant sur les cabines de la plage de Saint-Sébastien les mêmes noms qu'on lit sur les tentes de Mar del Plata, dans son Amérique du Sud. 



argentina antes
MAR DEL PLATA ARGENTINE


"De fait, écrit M. Pellegrini, les fondateurs de Montevideo et de Buenos-Aires furent Basques. Tandis que les Espagnols se répandaient dans les centres urbains, pour s’y consacrer au commerce et aux métiers, les Eskualdunacs — hommes aux bras puissants — peuplaient les campagnes, luttaient contre le désert, goûtaient les plaisirs d’une existence forte et libre. Ils se firent éleveurs. Peu à peu ils devinrent les maîtres de la terre. Les familles qu’ils ont fondées ont persisté. Elles forment aujourd'hui notre vieille aristocratie."




Défricheurs plutôt que commerçants, pionniers plutôt que suiveurs, les Basques sont des conquérants, des fondateurs de villes. Leur émigration fut collective. Quelques noms seulement ont vaincu l’oubli et dominent l'histoire féconde de ce peuple en perpétuelle migration. 




Attachement



Aucune région française n’a fourni à l'aventure plus de fervents, mais il n'en est pas non plus qui, en même temps, s'attache ses fils exilés par de plus solides liens.




Où qu’il soit, l’homme qui porte un nom euskarien, celui qui est né en Labourd ou en pays de Mauléon, garde en son coeur la nostalgie de son village, le goût du retour qui ne s’éteindra qu'avec lui... et qui passera ensuite dans le désir de ses fils. 



pays basque autrefois
JEUNES HOMMES AVEC MAKILA
PAYS BASQUE D'ANTAN



S'il y a 250 000 Basques en Argentine, s'il y en a 100 000 en Amérique du Nord et autant au Canada, si les "colonies" basques totalisent plus de population que l’Euskarie tout entière, le cœur, la vie, le cerveau, l’essentiel, demeurent attachés aux confins pyrénéens, à la terre mère. 




Les liens entre les exilés et les autochtones, entre les "coureurs" et les sédentaires sont des plus étroits. Quand un Basque américain meurt loin du pays c’est dans l’église du village qu'on célèbre le service funèbre le plus fervent. Combien parmi les fils de cette terre ont consacré une partie de leur fortune — acquise au loin — à restaurer une église ou à doter un hôpital de la province d'origine. 




Cette affection des Basques pour leur patrie, celle-ci la leur rend bien. On conserve le souvenir des absents, on leur écrit, on s'associe à leurs joies, à leurs deuils, on applaudit à leurs succès, à leurs fortunes. Au Chili, au Mexique, en Californie, comme à Paris, à New-York ou à San-Francisco, les Sociétés basques de secours mutuels, d’art, de sport (pour la pelote surtout) sont prospères, florissantes, unies. La fidélité leur est une vertu première.




Quelle fertile galerie — et combien nombreuse — on édifierait avec les Basques exceptionnels, hors série, qui ont laissé de beaux souvenirs et réalisé d’ahurissantes carrières. Entre le corsaire Pellot — qui mourut à Hendaye en 1843 — chevalier de la Légion d'honneur pour les "tours de renard" joués aux Anglais, et le mystique François Xavier, vieux voyageur, infatigable apôtre des Indes, de Chine, du japon, s’intercalerait une fresque grandiose de Basques sans peur, sinon sans reproche. Ils firent déborder sur le monde entier la langue, le courage, l'audace d'une race qui ne le cède à aucune autre pour les vertus qui font les peuples forts, ni pour le goût de l'aventure où l’on expose sa vie. 


marins corsaires basque autrefois
CORSAIRE PELLOT D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



religion catholique saint sainte
SAINT FRANCOIS XAVIER
PAYS BASQUE D'ANTAN


Pour la beauté du geste, pour la conquête de terres ardentes, pour l'honneur du nom, ces hommes ont inscrit sur les marches de tous les pays un mot devant lequel chacun s'incline respectueux : La patrie basque.

(A suivre.)"




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