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vendredi 20 octobre 2017

L'ÉMIGRATION DES BASQUES EN 1857


L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1857.


En 1857, les autorités Françaises s'inquiètent du nombre de Basques cherchant à émigrer.


Voici ce qu'en rapporte le Journal des Débats Politiques et Littéraires du 10 octobre 1858 :


"Le Mémorial des Pyrénées publie les passages suivants du rapport adressé par le préfet au conseil général ; ils sont relatifs à l'émigration dans le département des Basses-Pyrénées : 

"Depuis la dernière session, M. le ministre de l'intérieur m'a fait connaître que son attention a été appelée sur le développement inusité de l'émigration dans les Basses-Pyrénées durant l'année 1857, et spécialement pendant le mois de septembre.


Les états pour ce mois signalent en effet le départ de 564 émigrants, presque tous à destination de la Plata.


pays basque 1900
BATEAU URAL MONTEVIDEO
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ce chiffre dépasse de beaucoup les proportions habituelles. En septembre 1855, on avait constaté 341 départs, et en septembre 1856, 194 seulement,


S. Exc. m'a engagé à rechercher si l'augmentation signalée ne proviendrait pas de causes particulières utiles à noter, et m'a demandé un rapport spécial et les réponses à diverses questions que je vais avoir l'honneur de vous exposer. 


Désirant que mon rapport fût, autant que possible, l'expression de la vérité, j'ai prié MM. les sous-préfets des arrondissements de Mauléon et de Bayonne, où l'émigration est très active, de m'adresser leurs observations. J'ai consulté en outre leurs collègues des arrondissements d'Oloron et d'Orthez, où l'émigration commence à prendre des proportions marquées. 


Voici le résumé de la situation, communiqué à M. le ministre le 28 novembre dernier :

"Il n'est que trop vrai que le courant de l'émigration a pris en 1857, et plus spécialement dans le mois de septembre, une recrudescence notable et doublement fâcheuse au point de vue de l'agriculture et de l'armée, dans les rangs de laquelle les départs antérieurs à l'appel des classes laissent chaque année des vides nombreux."


Ceci posé, voici les questions et les réponses : 


1ère question. "Doit-on penser que les populations, à la suite d'une meilleure récolte ont pu réaliser plus facilement les sommes nécessaires pour émigrer, et que les envois de fonds transmis par les Basques déjà établis à la Plata auraient été plus considérables ?"




pais vasco antes
MAR DEL PLATA ARGENTINA

Les émigrations ont précédé la récolte du maïs, principal produit du pays basque, récolte qu'on vient à peine de rentrer : et cette récolte eût-elle eu lieu plus tôt, le produit en eût été presque complètement absorbé par l'acquittement des dettes que la disette des céréales a forcé les cultivateurs de contracter pendant les dernières années. 


Dans les arrondissements de Mauléon et de Bayonne, l'émigration est uniquement excitée par les appels incessants que les Basques installés dans les provinces argentines adressent à leurs compatriotes de tous les âges et de tous les sexes, et par les envois de fonds que les premiers émigrants font à leurs familles quand ils ne reviennent pas eux-mêmes avec des fortunes plus ou moins considérables acquises dans ces régions lointaines. 


Les mêmes causes commencent à produire les mêmes effets dans les arrondissements d'Oloron et d'Orthez, où l'émigration a notablement augmenté."




pais vasco antes
MAR DEL PLATA ARGENTINE

2ème question. "Faut-il croire que les ouvriers des campagnes ne reçoivent point des salaires assez élevés, et que le découragement les pousse à l'expatriation ? 


D'une part, la médiocrité du salaire des journaliers, pendant les dernières années surtout; de l'autre, l'insuffisance des produits du morceau de terre patrimonial pour le petit cultivateur, dont chaque héritage divise la propriété, constituent la première cause de l'émigration basque.


La seconde cause se trouve dans les facilités accordées aux émigrants pour faire effectuer leur passage. Précédemment les capitaines de navires exigeaient ou le paiement du passage en espèces ou une caution solvable. Aujourd'hui, pour peu qu'un émigrant ait un état, même celui de simple laboureur, ils se contentent de son engagement de leur payer le prix du passage, qui dans ce cas est un peu plus élevé, dans les six mois de son arrivée, et cela sur ses gages, salaires ou bénéfices du semestre. Il arrive souvent aussi que le prix du passage est payé à l'avance par les parents déjà établis en Amérique. Ainsi tous les avantages possibles étant offerts aux populations déjà très disposées à s'embarquer, le mouvement de l'émigration me parait destiné à prendre des proportions plus considérables encore. Peut être s'atténuerait -il cependant si le gouvernement autorisait le refus de passeport à tout individu qui n'aurait pas atteint sa majorité. Je m'expliquerai tout à l'heure sur cette condition.


 La troisième et principale cause de l'émigration, celle qui devrait être supprimée dans l'intérêt de la morale, c'est la propagande incessante faite dans le département par des embaucheurs, c'est-à-dire des sous-agents de recrutement qui ne reculent devant aucun moyen de séduction pour agir sur des esprits faibles qu'ils entraînent par des promesses fallacieuses, par l'exhibition de lettres plus ou moins authentiques et par l'énumération des fortunes assez nombreuses, il faut le reconnaître, rapportées notamment dans le pays basque par les premiers émigrants désignés sous le nom d'Indiens. 


Parmi ces agents de recrutement, dont le décret de 1835 a légalisé la situation, il y en a certains qui s'attachent, dit-on, plus spécialement à l'émigration des femmes et des filles, dans le but de les livrer plus tard à la prostitution. J'ai donné les ordres les plus précis pour que ces individus soient surveillés d'une manière toute particulière. 


Le nombre des femmes qui sont parties en septembre et en octobre derniers est 66 et celui des filles au-dessus de douze ans est de 217. Ensemble 283."


3ème question. Doit-on seulement attribuer l'augmentation remarquée en septembre dernier à  ce fait que les Basques, trouvant à Bayonne des moyens de transport plus réguliers et plus fréquents pour la Plata, renoncent à franchir clandestinement la frontière pour s'embarquer dans les ports espagnols ? 


Incontestablement la détermination prise par les agents d'émigration dans l'intérêt du commerce du pays de détourner le cours d'émigrants qui se portait vers les ports d'Espagne, et de le fixer à Bayonne, en expédiant à l'avenir directement leurs navires de ce port sans leur faire faire échelle dans ceux de la Péninsule, a réduit dans de fortes proportions les passages de frontière clandestins. 


Il est probable, d'un autre côté, que les jeunes gens de dix-huit à vingt ans, auxquels des titres de voyage étaient refusés pendant la guerre de Crimée, ont franchi à cette époque la frontière en plus grand nombre qu'aujourd'hui pour aller s'embarquer dans les ports espagnols. Cependant M. le sous-préfet de Mauléon ne pense pas qu'il en soit parti par cette voie irrégulière plus de 40 à 50, pendant chacune des années 1854 et 1855. Je ne connais pas le chiffre de Bayonne ; celui des des deux autres arrondissements est nul. Ainsi l'accroissement dans le nombre de passeports délivrés en septembre doit être attribué à d'autres causes qu'à la diminution des départs clandestins. Ces causes sont celles indiquées dans la réponse à la deuxième question. 


En somme, l'insuffisance des moyens de vivre sur le sol natal et la propagande aussi active qu'intelligente faite par les agents d'émigration sont les deux causes générales et permanentes de l'émigration dans le département des Basses-Pyrénées.


Tous les moyens employés jusqu'à ce jour pour arrêter ce courant d'émigration, qui prend des proportions effrayantes, n'ont pas atteint leur but. 


Les seules mesures susceptibles d'apporter un remède efficace au mal que nous déplorons consisteraient : 

1° dans la suppression totale des agents d'émigration ; 

2° dans le refus de passeports infligé aux individus qui n'auraient pas atteint leur majorité ; car, il importe de le remarquer, un très grand nombre d'enfants ou d'individus des deux sexes âgés de moins de vingt et un ans sont embarqués par des parents cupides qui les envoient en Amérique pour s'en débarrasser ou pour tâcher de tenter la fortune, espérant la partager avec eux lors du retour. 


Si l'émigration n'était autorisée qu'après la majorité, on conserverait dans le pays la plupart de ceux qui veulent surtout éviter les chances du tirage au sort, et ceux en grande partie qui auraient appris avant l'âge de vingt et un ans un métier ou pris un état au moyen duquel leur existence serait assurée. 


Dans le cas où le refus de passeport serait adopté comme mesure préservatrice, le voisinage des ports espagnols offrant de grandes facilités pour éluder la prohibition, il faudrait nécessairement que le gouvernement de l'Empereur obtint un concours assuré de la part de S.M. catholique pour l'exécution, dans les ports de la Péninsule, des mesures qu'il aurait arrêtées à l'égard de nos nationaux. 


M. le ministre, dans sa réponse, repousse ces deux derniers moyens. 


L'état numérique et par sexe du mouvement d'émigration qui s'est opéré au port de Bayonne depuis le 1er juillet 1858, comparé avec celui de l'année précédente, donne les résultats suivants :


Du 30 juin 1856 au 30 juin 1857, sept navires ont emmené 800 individus, dont 502 hommes, 198 femmes et 100 enfants ; 


Du 30 juin 1857 au 30 juin 1858, onze navires ont emmené 976 individus, dont 569 hommes, 333 femmes et 74 enfants ; 


Différence en plus pour la dernière année, quatre navires et 176 individus. 


Sur onze bâtiments, quatre ont pris les émigrants au Passage ; ce sont :

 Le Pierre, jaugé pour 125, en a embarqué 154 ;

L'Archibal, jaugé pour 111, en a embarqué 142 ;

Le Maréchal-Exelmans ;

L'Ernestine, bâtiment affrété par des Bordelais.




pays basque autrefois émigration messageries
NAVIRE POUR L'EMIGRATION
PAYS BASQUE D'ANTAN



pays basque autrefois emigration messageries
NAVIRE POUR L'EMIGRATION
PAYS BASQUE D'ANTAN




pays basque autrefois emigration messageries
NAVIRE POUR L'EMIGRATION
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le nombre des passagers embarqués sur ces derniers n'est pas connu; mais en les portant au maximum à 180 pour chacun, la différence en plus dans le nombre des émigrants 1857 serait de 476. 


Il est facile d'admettre qu'en se rendant au Passage, les affréteurs ont l'intention d'embarquer un nombre d'émigrants supérieur à celui déterminé d'après l'emplacement des navires, et d'éluder ainsi les sages dispositions du décret du 15 janvier 1855. 


La police des ports étrangers nous échappe ; mais l'armateur d'un navire étant responsable aux yeux de l'administration de la bonne exécution des lois qui régissent l'émigration, j'ai fait prévenir les agents d'émigration que si le chiffre réglementaire des émigrants à embarquer était dépassé dans un port espagnol, l'administration provoquerait le retrait de l'autorisation qui leur a été accordée. 


Il a été rendu compte de ces faits à M. le ministre. Deux agents d'émigration ont dû fournir des explications, et il a été pris des dispositions pour empêcher les embarquements irréguliers, soit au Passage, soit à Saint-Sébastien, où les navires font souvent escale pour compléter leur chargement après avoir franchi la barre de Bayonne. 



pais vasco antes
PORT DE PASAJES - PASAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

S'il n'a pas été possible à l'administration d'arrêter le courant de l'émigration, si fâcheuse pour l'agriculture et pour l'armée, vous reconnaîtrez, Messieurs, qu'elle n'a rien négligé pour atteindre ce but et qu'elle a pris les dispositions convenables pour assurer en mer le bien être des passagers ; elle s'est assurée surtout que les navires affrétés au port de Bayonne soient pourvus des objets nécessaires pour les éventualités d'une longue traversée."



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