Libellés

dimanche 22 octobre 2017

LA TEMPÊTE DE JANVIER 1924 AU PAYS BASQUE (première partie)


UNE TRÈS FORTE TEMPÊTE SE DÉCHAÎNE AU PAYS BASQUE NORD EN JANVIER 1924.

Des dégâts très importants ont lieu sur tout le littoral Atlantique d'Hendaye jusqu'en Bretagne.


Un premier article fut publié le 9 janvier 1924, par  la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du 

Pays Basque, au sujet des dégâts à Biarritz, Bayonne et Anglet.


"La Tempête dévastatrice.


Est-ce une mer formidablement démontée, est-ce un raz-de-marée qui sévissent sur la Côte Basque ? 


Ce qui est sûr, c’est que toute ta Côte de l’Atlantique, depuis la Bretagne jusqu’au sud de l’Espagne, a terriblement souffert.


Les dégâts à Biarritz - Les Inondations à Bayonne.


  • A Biarritz :

Les Biarrots ont eu ce matin à leur réveil une bien pénible surprise, bien entendu ceux que le bruit effrayant de la tempête et de la mer furieuse n'avaient point troublés dans leur sommeil. 


Toute la nuit, en effet, la mer fut très forte ; mais, soudain, vers 4 heures et demie, ce matin, des vagues d’une violence inouïe se ruèrent à l’assaut de toute notre Côte Basque, s'acharnant particulièrement contre Guéthary, Bidart, Biarritz, Anglet, la Barre, Cap-Breton. 



pays basque autrefois tempêtes labourd faits divers
BARQUE SAUVETEURS BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN

A Biarritz, en moins de temps qu’il ne faut pour y songer, une dizaine d’embarcations du Port des Pêcheurs sont brisées en mille morceaux. De lourdes barques se trouvent transportées sur le quai. Quand le jour se lève, le spectacle est navrant : ce ne sont que débris de bois de toutes couleurs, des morceaux bleus surtout qui rappellent les jolies petites barques d’azur qui égayaient jadis les eaux calmes. Les eaux calmes !... n’est-ce pas un rêve et peut-on imaginer que cette mer démontée, d'un gris de plomb, aux lames tumultueuses et agressives qui retombent en formidable et splendide cascade blanche, sera peut-être demain apaisée, sereine et bleue comme le plus calme des lacs. 


Tous ces pauvres bouts de bois sont là épars, lamentables et sinistres, flottant sur les eaux basses du port, ou bien semés sur le quai, et tout à l’heure nous en retrouverons tout le long de la Grande-Plage et jusqu’au Palais, achevant de donner à tout l'ensemble du tableau un aspect d’inexprimable désolation.




pays basque autrefois tempêtes faits divers labourd
GRAND PLAGE BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Dès ce matin, de nombreux curieux, bravant la bourrasque, allaient se rendre compte.



 A la Côte des Basques.


L'établissement des bains de la Côte des Basques est complètement détruit. Quelques cloisons de bois restent seules debout. Le parapet de la jetée qui remonte vers la villa "Belza" est emporté sur les deux tiers de sa longueur. 


La villa "Belza" elle-même n’a que peu souffert. 


pays basque autrefois tempêtes faits divers labourd
CÔTE DES BASQUES ANGLET - ANGELU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Au Port-Vieux.


Mais au Port-Vieux le spectacle est lamentable. 


La mer s’engouffrant dans la crique est allée d’abord détruire tout ce qui se trouvait dans la voûte de l’horloge; puis, à son retour, elle a emporté toute la partie inférieure des deux ailes de l’établissement dans la partie la plus rapprochée des grands escaliers. C’est ainsi que la partie la plus voisine de la mer est celle qui a le moins souffert. 


Cependant. le départ de l’escalier qui se trouve du côté du Château des Falaises a été complètement enlevé. 


pays basque 1900
PORT-VIEUX BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Au Rocher de la Vierge.


Les premières planches de la passerelle ayant cédé sous la pression de l’eau, un barrage a été établi dès la première heure et on ne peut se rendre sur le musoir ; mais on aperçoit cependant des dégâts considérables, notamment dans la partie sud où le parapet est démoli. 



pays basque autrefois tempêtes labourd
ROCHER DE LA VIERGE BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Au Port des Pêcheurs.


Nous avons déjà parlé des barques brisées dont les débris ont été projetés de toutes parts. Ce sont celles qui étaient à flot. Les autres ont peu souffert. 


Cependant la violence de la mer s’est fait particulièrement sentir à cet endroit. 


Dans la partie du Port-Vieux la plus rapprochée de l'Atalaye. les terre-pleins de ciment ont été soulevés et brisés. 


pays basque 1900
PORT DES PECHEURS BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


L'eau du grand collecteur, refoulée avec violence, a fait sauter les plaques de fonte des regards, soulevant le dallage environnant. 


C’est le dernier bassin, en allant vers le Casino, qui est le plus éprouvé, ainsi que le parapet du chemin allant vers le pont du Basta. Des blocs énormes encombrent la voie et d'autres ont été projetés sur le talus planté de tamaris.


Au Basta, l'entrée de la passerelle a sauté, ainsi que la balustrade de la petite esplanade qui précède immédiatement le rocher.


A la Grande-Plage.


Ici les dommages sont considérables. Les vagues frappant de plein fouet ont défoncé toutes les portes du rez-de-chaussée du Casino Municipal.


Les bains des femmes n'ont pas été très atteints; mais les salles du café de la Plage, l'entrée du Casino, la salle des répétitions, la salle de danse des artistes et les bains des hommes offrent un spectacle de désolation extraordinaire.


Les portes n'existent plus ; tables, chaises, fauteuils, canapés, glaces, jonchent le sol fracassés ou jetés pêle-mêle contre le mur opposé à l'entrée. Le sable a tout envahi et s'est amoncelé jusque dans les couloirs qui font suite aux salles en question. 



pays basque 1900
CASINO MUNICIPAL BIARRITZ -MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les sous-sols sont pleins d’eau et les dalles de recouvrement qui se trouvaient le long de la galerie couverte ont sauté. 


Sur la plage elle-même, plusieurs rampes d’escalier sont détruites. La première muraille bordant le promenoir a résisté à cause probablement de sa forme incurvée ; mais la seconde est détruite sur presque toute sa longueur. 


Des becs de gaz sont abattus ; d’autres à demi arrachés. Bancs et chaises ont été lancés dans le square dont les tamaris sont cependant presque tous debout. 


Par endroits, le sol a été soulevé comme par un tremblement de terre et creusé sur une assez grandie étendue. 


Près de la grille du Palais, des blocs de ciment provenant de la seconde muraille du promenoir ont été emportés à plus de cinquante mètres. 


Vers onze heures, la municipalité qui avait fait établir dès le matin des barrages aux points les plus dangereux, a organisé un service d’ordre à l'entrée de la Grande-Plage pour éviter tout accident. 


Nous rencontrons M. Petit, maire de Biarritz, désolé de ce désastre. 


"Nous allons, nous dit-il, nous mettre immédiatement à l’œuvre pour réparer les dommages causés cette nuit ; mais dites bien que tout, sera remis en état pour la saison prochaine."



Ce soir, la haute mer se produira vers cinq heures et on craint quelle ne fasse encore des siennes. Espérons qu’il n’en sera rien. Biarritz si coquette et si fière de la beauté de ses plages n’a été que trop éprouvée. 



La tempête et l'orage cet après-midi.



A Biarritz, nous nous trouvons cet après-midi complètement isolés téléphoniquement. Par suite de la tempête qui souffle furieusement, de l’orage qui gronde sinistre, les communications téléphoniques sont interrompues avec Bayonne, Pau, Bordeaux. La lumière électrique éclaire par intermittence et, à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous nous demandons avec inquiétude si votre journal pourra paraître tout à l’heure. 


Malgré les éléments déchaînés, les curieux se sont portés en foule pour contempler le sauvage et merveilleux spectacle de la mer en furie, la mer dévastatrice qui, malgré toutes les tragédies que ses caprices terribles peuvent causer, demeure éternellement belle pour la plus grande joie de nos yeux qui ne se lassent de l’admirer. 



Ce que nous dit M. le Maire de Biarritz.


Nous avons rencontré M. le Maire qui, parcourant la côte, constatait avec consternation les dégâts causés. Il se félicitait cependant qu’il n'ait pas été jusqu’ici signalé aucun accident de personne. 


"Les pertes matérielles, quoique sérieuses, malheureusement, se réparent toujours, vous dit-il. Le gros collecteur qui a supporte un assaut formidable, a parfaitement résisté grâce aux bouches de dégagement d'air ; mais de nombreux parapets ont été enlevés à la Grande-Plage, à la Côte des Basques. 


Quant au Port des Pêcheurs, en plus des dégâts causés à une partie des quais, il nous faut déplorer la perte de onze barques, privant ainsi nos marins de leurs moyens d’existence. Mais Biarritz saura, certes, prouver en faveur dès siens cet esprit de solidarité qu'il a manifesté dans- des circonstances nous touchant de moins près.


L'essentiel, maintenant, est de prendre les mesures immédiates pour que tout soit réparé avant la saison prochaine. 


Nous ferons notre devoir, termine M. le Maire. Et la population, peut compter sur la 

municipalité." 



  • A Bayonne :


Les effets de la tempête de cette nuit se sont fait sentir jusqu’à Bayonne. Des barques ont été emportées au-delà des quais. 


Tous les bateaux du port ont demandé du secours, les câbles, qui les retiennent à quai menaçant de se briser. Inutile d’ajouter que la Barre, absolument impraticable, oblige les navires à demeurer au port.


 L’Adour et la Nive ont, hélas ! suivi le mouvement et, sortant de leur lit, ont envahi les rues avoisinantes. 


pays basque avant
NAVIRE ECHOUE BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN


La foudre sur la Cathédrale.


Vers une heure trois quarts, la foudre est tombée sur la Cathédrale de Bayonne. Les plombs et les porcelaines isolants sont fondus. Quelques vitraux ont été fêlés. 


  • A Anglet.

La commune d'Anglet a, elle aussi, subi les assauts terribles des vagues. L'établissement de bains de la Chambre-d'Amour a souffert énormément. Les cloisons intérieures sont brisées et les ravages sont considérables. 


Contrairement au bruit qui en a couru, la villa du Dr Gentille est indemne, la mer l’a contournée seulement. 


Les établissements Bernet sont sérieusement menacés. Une excavation s’est produite face à la route qui donne accès à la plage. 


M. le Sénateur Le Barillier, maire d’Anglet, a parcouru tous les lieux sinistrés de sa commune. 


A la Barre, les établissements Landrieu sont complètement bouleversés, un mur de clôture du restaurant Caupenne est démoli. 


A l’Hippodrome de la Barre, le flot s’est avancé dans les terres ; pénétrant jusque sur la piste et démolissant tout sur une longueur de cinquante mètres. Puis L’eau est allée se déverser dans les lacs intérieurs de l'Hippodrome. Le président de la Société des Courses a été immédiatement prévenu. 



pays basque 1900
HIPPODROME DE LA BARRE ANGLET - ANGELU
PAYS BASQUE D'ANTAN


A la Barre.


J’écris de l’abri du tramway, attendant le convoi qui me ramènera à Bayonne. Des ouvriers ont allumé un feu de bois pour se chauffer qui enfume la petite pièce et fait pleurer les yeux. 


Je reviens de la Tour des Pilotes, ahurie encore d’avoir osé l’équipée, mais je voulais voir et savoir. 



pays basque avant
SEMAPHORE ANGLET - ANGELU
PAYS BASQUE D'ANTAN

A la descente du tram, à la Barre, un marin complaisant, un matelot du "Saint-Chamond", amarré aux Forges de l’Adour, m’aide à monter contre le vent. La pluie nous cingle comme le ferait la lanière mince d’un fouet brutal. Nous sommes obligés de descendre en contre-bas de la route pour nous abriter et il me montre des varechs, des bois apportés par la mer. 


Nous passons derrière la maison du pilote-major, le commandant Goalard. Connaissant sa bonne grâce, son aménité, je vais sonner chez lui. Il est absent. Mme Goalard me reçoit aimablement et me montre par une fenêtre du premier étage les dégâts qu’a causés la mer dans son rush formidable. Elle a dévalé par la pente, enlevant wagonnets et matériel dans les chantiers de MM. Landrieu ; enlevant la haie qui défend le jardin  de la maison Caupenne.



pays basque avant
SEMAPHORE ANGLET - ANGELU
PAYS BASQUE D'ANTAN

En dévalant dans le terrain de l'Hippodrome, la mer, en rejoignant le lac, a défoncé profondément la piste. Des débris, des varechs jonchent la route et le cadavre gonflé d'un grand chien.


Je désire aller jusqu'à la Tour de pilotage. Mme Goalard veut m'en dissuader, mais la tentation est trop forte et je me mets en route toute seule cette fois. Le vent d'Ouest brutal me bouscule, enroule et plaque mon manteau : je tombe et me relève, mais le vent est mauvais ; il redouble et pour ne pas être renversée de nouveau, je suis obligée de m'accroupir. 


Dès que j’ai repris mon souffle, je me remets en route, j’atteints la passerelle, je m'accroche à la balustrade et j’arrive à la porte de la Tour. J'entre et le pilote de service n'a pas le cœur de me gronder, malgré l'écriteau qui défend aux profanes l'accès de la Tour. 



pays basque autrefois
SEMAPHORE ANGLET -ANGELU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Avant de m’interroger, il s’empresse et veut me faire asseoir. 


Je dois avoir l’air d'une noyée rescapée ; mon chapeau sous mon bras n'est plus qu'une loque innommable, mes cheveux ruissellent, mon manteau dégoutte tout autour de moi en pluie lourde. Je serre sur ma poitrine mon parapluie inutile, mon sac à main. Je ne peux parler. Je ressens seulement la joie de respirer sans étouffer : cela ne dure qu’un instant. Bien vite, je demande au pilote de voir par la Tour la mer mauvaise, toute grise et écumeuse. Elle se rue et ses assauts contre les digues font le bruit du tonnerre. 


Le pilote à barbe grive ne se souvient pas avoir vu une mer aussi déchaînée. C'est l’équinoxe et un grand vent d'Ouest aggrave les choses ; mais quand même qui aurait pu supposer un pareil flux ! 


Quelquefois, aux fortes marées, un filet d'eau serpentait sut la petite esplanade. Cette fois, c’est la mer elle-même qui s’est ruée, balayant tout ; elle a enlevé des planches à la passerelle, tordu les fers, enfoncé les portes du rez-de-chaussée de la Tour, pour aller se jeter là-bas dans les terrains bas de l'Hippodrome. 


Tout est gris, livide : le ciel et l’eau, l’écume même, le bruit est assourdissant. 


Mais il faut regagner la terre ferme, le tram passera bientôt qui m’emmènera à Bayonne. Le pilote me tient par le bras pour me faire traverser la passerelle, et je lui rends grâce, car j'ai un peu peur. 


Et me voici courant sur la route, le vent en poupe, heureusement. 


Que sera la marée de ce soir ?..."


Dans un article ultérieur, je vous parlerai des dégâts survenus dans les communes voisines de 

la Côte Basque, comme Saint-Jean-de-Luz, Hendaye et Guéthary, entre autres.




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 200 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire