LA PÊCHE À LA BALEINE AUTREFOIS.
La pêche ou la chasse à la baleine est l’une des
activités les plus curieuses et les plus importantes de la Côte Basque au
Moyen-Age.
CHASSE A LA BALEINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dès le 12ème siècle, elle se pratique dans tous les ports du golfe de Gascogne mais surtout à
Biarritz et à Anglet.
Je vous ai déjà parlé de cette pêche dans un article précédent.
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 5 février 1904 :
"La Pêche à la Baleine.
L'Operne nous avait conviés, vendredi dernier à venir entendre M. Laccourreye, directeur de l’école Ponsolle, nous parler de la pêche à la baleine par les Biarrots.
Connaissant à fond son sujet, possédant une remarquable érudition, avec la simplicité, la bonne grâce qui lui sont coutumières, le distingué conférencier nous a vivement intéressés pendant plus d’une heure.
Il nous dépeint tout d’abord l’état prospère de Biarritz dès le XV et XIIe siècles jusque vers le XVIIe, époque à laquelle la baleine ne reparut presque plus sur nos côtes.
Cette pêche fut en effet un élément de prospérité extraordinaire, ces cétacés étaient nombreux dans nos parages, et chacun d’eux rapportait en moyenne 7 à 800 livres (14 à 16 000 fr.).
Il est vrai que nos baleiniers biarrots ne profitaient pas de la totalité de leur capture ; comme bien on pense les impôts pleuvaient et disséquaient à qui mieux mieux le malheureux animal. C’était d abord, à tout seigneur, tout honneur, la dîme en faveur de l’Evêque de Bayonne ; puis un droit perçu par le maire de Bayonne ; enfin une allocation au profit du châtelain de Bayonne, et qui servait, paraît-il à subvenir aux frais d’entretien des fortifications.
Le passage des baleines, — suivant comme tous les poissons migrateurs leur route du Groenland au Sénégal, — avait lieu entre l’équinoxe d’automne et l’équinoxe du printemps.
Les cétacés s’avancent en bataillon serré, ordonné ; les mâles ouvrant la marche; les femelles, à l'arrière garde, poussant devant elles leur baleineaux, qui, malgré la vigilante attention des mères baleines, s'échappent parfois, et vont (nous dit le conférencier) prendre leurs ébats jusque dans la Méditerranée.
Nos marins, postés sur les tours d’observations construites sur les points culminants et avancés de la Falaise, au château Ferragus par exemple ; s’élancent dans le bourg ; les gosses s’arment de tambourins, trompes, et bientôt un vacarme épouvantable anime la cité tout entière, tandis que toute la population accompagne les hardis marins jusqu’à leur bateau.
TOUR DE L'ATALAYE BIARRITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
La baleinière est armée, prête à prendre la mer ; la voilà lancée et à force de rames elle vole vers l’endroit où l’on a aperçu le cétacé. Le harponneux, choisi parmi les plus forts et les plus adroits, est debout, à l’avant, son harpon à la main. Il attend, puis quand la baleine vient à la surface, il lui lance à la tête, de toute sa vigueur son arme terrible, retenu au bateau par une corde. Le sang coule, abondant, et bien vite, le monstre, épuisé, vogue, inerte, remorqué par les hardis marins.
Du rivage, les banderoles s’agitent, des cris de joie déchirent l’air et saluent la barque victorieuse qui ramène à la côte son précieux trophée.
Tout de suite, on procède au dépeçage ; des fours sont construits près de la plage, et c’est là que se fait la fonte du lard.
M. Laccourreye nous lit un document fixant la part de chacun par prise : le harponneux reçoit 12 livres ; la pinasse 30 livres ; puis on divise le reste en parts égales réservant au patron 3 d’entre elles.
Tout était bon dans la baleine. — sans parler du lard qui fournissait de nombreux tonneaux d’huile ; de la chair, succulente dans nos parages, — la langue du cétacé était un mets vraiment royal, et quelle provision Grands Dieux ! quand on pense que le poids moyen d’une langue de baleine est de 15 à 16 quintaux.
Les vertèbres remplaçaient avantageusement les moëllons, et d’après des documents qu’on a tout lieu de croire véridiques, le château Ferragus, dont on voit encore les ruines sur la pointe de l’Atalaye, était presque entièrement construit avec des vertèbres de baleine ; les côtes qui mesuraient de 1 m. 80 à 2 m., servaient de solives ; et nulle toile de tente n’avait la solidité de la peau du cétacé.
C’est vers le XVIe siècle que les Biarrots réussirent le mieux dans cette pêche ; plusieurs auteurs prétendent qu’à la suite d’une invention d’un marin, Jean Sopite, qui permettait de dépecer et fondre sur le bateau ; nos baleiniers partaient pour des croisières de plusieurs jours, poursuivant les monstres jusqu’aux côtes du Groenland, et jusqu’aux confins de l’Amérique. Et, à l’appui de ses dires, il nous rappelle qu’au Groenland, on trouve la pêcherie Chapeau Rouge, et à Terre-Neuve, le cap Biarritz.
A cette époque, le Port-Vieux était le véritable centre de la cité, et cela s’explique puisque le port, protégée par le Boucalot, se trouvait dans cette jolie crique, aujourd’hui abandonnée.
Mais dès le XVIIe siècle la prospérité de Biarritz diminue, la baleine fuit nos côtes ; nos marins émigrent en foule, et dans les archives de Pasajes, on trouve un document de cette époque qui relate l’existence dans cette ville d’une colonie biarrotte, ayant conservé son existence propre avec sa langue originelle.
La dernière trace que nos archives portent de la capture d’une baleine remonte à 1698, et déjà les gens de Bayonne vinrent en foule pour admirer et "s’esbaudir".
BALEINE EN 1863 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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