LE TIRAGE AU SORT DES CONSCRITS À BIARRITZ EN 1905.
Jusqu'en 1905, l'étape qui suit le recensement est le tirage au sort.
TIRAGE AU SORT 1904 |
C'était la première étape ritualisée des jeunes hommes pour le passage à l'âge adulte, avant le
Conseil de révision.
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 20 Janvier 1905, sous la plume de Georges Rocher :
"Le Tirage au sort.
L'armée d'autrefois et l'armée d'aujourd'hui. L'histoire du tirage au sort.— Billets blancs et billets noirs. — Superstitions des conscrits. — Le remplacement et le racolage. — Pour séduire la belle jeunesse. - Les affiches de recrutement et les boniments des sergents.
La semaine dernière se sont faites à Biarritz les opérations du tirage au sort. Drapeaux et clairons en tête, les conscrits ont empli les rues de clameurs et de couplets héroïques et tel qui pleurera, novembre venu, à la pensée de la caserne prochaine, accueillit comme une inoubliable fête, cette opération de recrutement qui, maintenant, ne signifie pourtant pas grand’chose. Le temps est passé, en effet, où la chance y jouait un rôle, où le numéro abattu vous envoyait pour cinq ans au régiment ou bien vous dispensait de tout service. Maintenant la loi a nivelé le sort des jeunes gens et si les obligations militaires ne sont pas encore les mêmes pour tous, tous les valides du moins passent par la chambrée.
Jusqu'en 1629, le recrutement fut effectué suivant le bon plaisir des gouverneurs de provinces. A cette date, Louis XIII prescrivit qu’une levée de 200 hommes serait faite dans chaque canton en vue de constituer une armée capable d'être mise en campagne au cas de besoin. La première moitié de ce contingent qu'on appelait le ban devait fournir trois mois de service actif à l'intérieur et quarante jours seulement à l’étranger. L’autre portion, nommée arrière ban avait pour mission de garder les châteaux en temps de guerre et de ravitailler l’armée combattante.
TIRAGE AU SORT BON POUR LE SERVICE |
C’est pour opérer la sélection que fut institué le tirage au sort auquel prenaient part tous les hommes désignés par le seigneur. Les domestiques des nobles et des prêtres, ainsi que les gens d’église étaient exempts de droit.
L’opération s’effectuait devant le bailli, le clergé local et un soldat de la maréchaussée, et, chaque conscrit tirait d'une aumônière un numéro blanc ou noir. Le premier désignait l’homme pour l’arrière ban, le second pour le ban.
Déjà, on se consolait comme on pouvait de la mauvaise chance. Il faut ajouter que les heureux qui tiraient un billet blanc versaient chacun quelques écus destinés aux possesseurs de billets noirs. C’était, en somme, le premier pas vers la prime de remplacement qui fut instituée après la Révolution.
Mais, cette philosophie des recrues du ban était feinte, et en ce temps là il n’était pas de combinaison extravagante qu’on ne risquât pour conjurer la guigne. C’est ainsi que les gars de Bretagne mettaient dans leur poche une aiguille ayant nervi à coudre le linceul d’un enfant mort-né. Ceux du Poitou se munissaient d’os de morts qu'ils ramassaient dans le cimetière à minuit, quand la lune était claire. Dans le Berry et en Normandie, on se garnissait de médailles variées. Dans le Béarn, coudre l’anneau nuptial d'une veuve dans les vêtements d’un conscrit, à son insu, passait pour assurer les plus grandes chances. Et nous ne parlons point, bien entendu, des neuvaines entreprises et des cierges brûlés !
TIRAGE AU SORT BON POUR LE SERVICE |
On le voit, l’attrait de la caserne était médiocre, et cependant, la servitude n’était ni bien longue ni bien dangereuse, puisque les milices n’étaient appelés à combattre qu’à la dernière extrémité.
En effet, les troupes de première ligne étaient, à cette époque, composées tout entières de volontaires engagés par les sergents recruteurs et qui formaient une armée de professionnels appointés, composée aussi bien d’étrangers que de nationaux.
Le recrutement de ceux-là était relativement facile. Il faut dire que les avantages qu’on faisait miroiter à leurs yeux n’étaient pas sans lus influencer.
Vers 1760, on informait en effet les conscrits que dans le régiment de Picardie on dansait trois fois par semaine, qu’on jouait deux fois aux battoirs et le reste du temps aux quilles, aux barres et aux armes. Les soldats avaient la haute paye et le moindre gradé touchait 60 livres par mois.
CARTE POUR TIRAGE AU SORT |
On comprend que la jeunesse se soit laissé tenter par de tels avantages que mettaient en valeur les boniments des recruteurs. Nous avons retrouvé le texte d'un de ces discours qu’on serinait aux sergents et qu’ils débitaient sur les places à l’époque des enrôlements de la guerre de sept ans :
"Par l’autorisation de Sa Majesté, je viens ici pour expliquer aux sujets du Roy, les avantages qu'il leur fait en les admettant dans ses colonies. Jeunes gens qui m'entourez, vous n’êtes pas sans avoir entendu parler du pays de Cocagne. C’est dans l’Inde qu’il faut aller pour le trouver, ce fortuné pays. C'est là que l’on a tout à gogo. Souhaitez-vous de l’or, des perles, des diamants ? Les chemins en sont pavés. Il n’y a qu’à se baisser pour en prendre ; et encore ne vous baissez-vous pas, car les sauvages prennent plaisir à les ramasser pour vous. Je ne vous parle pas du café,des limons, des grenades, des oranges, des ananas et de mille fruits délicieux qui viennent sans culture, comme dans le Paradis terrestre.
Si je m’adressais à des femmes ou à des enfants, je pourrais leur vanter toutes ces friandises, mais je m’explique devant des hommes. Fils de famille, je n’ignore pas les efforts que font ordinairement les parents pour détourner les jeunes gens de la voie qui doit les conduire à la fortune. Mais soyez plus raisonnables que les papas et surtout que les mamans. Ne les écoulez pas quand ils vous diront que les sauvages mangent les Européens à la croque au sel, tout cela était bon à servir au temps de Christophe Colomb ou de Robinson Crusoé. Maintenant les sauvages sont nos très humbles et très dévoués serviteurs..."
CARTE POUR TIRAGE AU SORT |
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