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jeudi 18 avril 2019

LA PEÑARROYA À ANGLET EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1929 (deuxième et dernière partie)


LA PEÑARROYA À ANGLET EN 1929.



Dès 1925, il y a à Anglet, en bordure de l'Adour, un projet d'implantation d'une usine pour la production électrolytique du zinc.



pays basque autrefois
LA POUDRERIE ANGLET BLANCPIGNON
PAYS BASQUE D'ANTAN



Une très forte opposition se manifesta dès l'annonce du projet, de la part des Conseils 


municipaux des villes concernées, ainsi que des associations de défense de l'environnement...




Je vous ai déjà parlé de ce projet  d'implantation de la Pennaroya, dans un article précédent.





Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans plusieurs 

éditions :


  • le 3 août 1929 :

"L’Affaire de la Penarroya.


Le danger est conjuré. Mais il convient de veiller encore.


Voici une bonne, une heureuse nouvelle, que nous tenons de M. Garat, député, maire de Bayonne


M. le Préfet des Basses-Pyrénées n’a pas signé l'autorisation qu'on lui demandait aux fins d’installer la Penarroya à Blancpignon, tout proche de Bayonne, d’Anglet et de Biarritz. 


Les habitants de ces villes et les habitués de la Côte Basque ; les commerçants, de qui le Tourisme est une des principales ressources, ne pourront jamais être assez reconnaissants à M. Mireur de sa décision en cette circonstance. Nous ne le disons pas à la légère. 



A côté de lui, il faut aussi féliciter, nous nous plaisons à le dire, M. Garat, qui a mené une campagne magnifique d’énergie et de précisions documentaires, qui ne furent pas sans exiger de gros efforts ; M. Le Barillier, maire d’Anglet, qui fit preuve, lui aussi, d’une énergie et d’un esprit de persuasion qui ne nous surprennent point, mais que tout le monde doit reconnaître ; les conseils municipaux des deux villes ; puis M. le Dr Dulout, conseiller général, ainsi que l’administration municipale et le Conseil de Biarritz


Si, pour notre part, au cours de la campagne que nous avons menée et qui se manifesta, pour la première fois, il y a trois ans avec le remarquable article que nous avait donné M. le Dr Croste, nous avons aidé à ce résultat, nous en serons heureux, puisque défendre les intérêts de Biarritz et de la Côte Basque fut toujours notre première, nous pourrions sans doute dire, notre unique préoccupation. 



M. le Préfet n’a pas signé. 



L’autorisation n’est pas donnée. 



Et bientôt, dans quelques jours, une démarche de M. le Préfet et de M. Garat, député-maire, achèvera de remporter la victoire définitive irrémédiable pour une industrie, que nous ne combattons, à Blancpignon, que parce qu'elle est une menace pour notre Côte. 



On n’a pas oublié que la question de l’école de Blancpignon était liée à celle de la demande de la Penarroya. La santé des enfants était gravement menacée, comme celle de tout le monde, et on n’eût pas compris, alors que le gouvernement même fait campagne pour "la plus grande natalité", qu’il ignorât ce danger. 



Le ministre de l’Instruction publique refusera son autorisation. 



Et ce projet néfaste aura vécu, surtout si l’on prend les précautions utiles contre toutes velléités nouvelles.



anglet autrefois
APPONTEMENT SUR L'ADOUR ANGLET BLANCPIGNON
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le rapport du Dr Dulout au Conseil Municipal de Biarritz. 



Hier soir, au Conseil municipal de Biarritz, M. le Dr Dulout a donné à ses collègues communication du rapport suivant qui a été unanimement approuvé : 

Messieurs, 


J’ai l’honneur de vous rendre compte de la mission que vous m’avez confiée, de protester auprès de M. le Préfet des Basses-Pyrénées, contre l’installation de l’usine de Penarroya, à proximité de Biarritz. 


Il résulte de ma démarche, que M. le Préfet a paru fortement impressionné par votre protestation. J’ai développé votre thèse de défense des intérêts de notre cité avec toute mon énergie et ma profonde conviction que l’installation d’un établissement semblable serait désastreuse pour Biarritz en particulier et la Côte Basque en général. 



M. le Préfet m’a répondu qu’il était en période de réflexion et qu’il lui était impossible, pour le moment, de me faire connaître sa décision.


Il nous faut donc attendre quelques jours, en espérant que les arguments développés par mes collègues de Bayonne, Anglet et par moi-même, auront permis à M. le Préfet de se rendre un compte exact de la situation et de nous donner satisfaction. 


Si par malheur, il en était autrement, il vous appartiendrait, messieurs, en collaboration avec les conseils municipaux des villes voisines, de prendre énergiquement toutes mesures utiles pour sauvegarder l’avenir de nos stations. Il vous paraîtra certainement inadmissible que les pouvoirs publics puissent léser gravement les intérêts d’une population de plus de 80 000 habitants, pour donner satisfaction à une Société financière internationale. 


M. Dulout ajoute : 


Messieurs, je viens de vous donner le compte rendu résumé de la mission dont vous m’avez fait l’honneur de me charger. Il me reste maintenant à vous faire connaître mes impressions, ceci, avec un esprit dégagé de toute passion et les conclusions, qu’à mon avis strictement personnel, il convient peut-être d’en tirer. 


L’attitude de M. le Préfet, dont nous connaissons la loyauté, la difficulté qu’il semble avoir à prendre une décision, m’ont fait comprendre combien doit être considérable l’effort que nous avons à faire pour lutter efficacement contre la Penarroya. 


J’ai la sensation très nette que des influences considérables agissent en ce moment et j’ai le regret de vous dire qu’elles ne me paraissent pas du tout être en notre faveur. 


J’estime que nous devons nous méfier de l’état d’esprit de jalousie poussé peut-être jusqu’à l’hostilité, des stations concurrentes. Si nous étions vaincus dans cette lutte, nul doute que ces mêmes stations ne prendraient demain contre nous l’argumentation que nous avons employée à notre défense. Comme j’ai eu l’honneur de le faire remarquer à M. le Préfet, donner l’autorisation à cette usine, aurait certainement, pour l’avenir touristique de la Côte Basque, des conséquences déplorables. 


Sans vouloir discuter le point de vue hygiène, il me paraît tout de même regrettable que lorsqu’il s’agit de la santé publique, le Conseil d’hygiène départemental n’ait pu juger à l’unanimité. En effet, une eau est potable ou elle ne l’est pas; une usine est nocive ou elle ne l’est pas. On peut être pour, on peut être contre. Mais il paraît difficile qu’une commission d’hygiène se trouve départagée par neuf voix contre cinq quand il s’agit de juger si des gaz sont nocifs ou non. 


Actuellement, nous sommes dans la position d’attente. S’ensuit-il que nous devions nous endormir ? Je ne le crois pas. Il faut songer à l’avenir et envisager toutes les éventualités, même les pires. 


Deux hypothèses se posent : 

1. Le préfet autorise : A mon avis, il convient alors, par une réunion commune des trois Conseils municipaux principalement intéressés, de mener aussitôt une action formidable sur le terrain judiciaire et même, si nécessaire, par manifestation publique. 

2. Le préfet n’autorise pas : Du coup, arrêt immédiat de notre campagne. Mais toutefois, il convient de surveiller étroitement l’avenir pour éviter toute installation similaire. 


En plein accord avec mes collègues du Conseil général, MM. Garat, député ; Simonet, nous sommes décidés à porter la question devant l’Assemblée départementale, afin de nous prémunir contre toute autorisation téméraire dans l’avenir. 


Voici, messieurs, à la fois le compte rendu de ma mission et l’enseignement, ceci à titre tout à fait personnel, que je crois que nous avons à en tirer. 


A vous, messieurs, de me dire si j’ai rempli ma tâche à votre entière satisfaction. 



anglet avant
PAROISSE OUVRIERE D'ANGLET BLANCPIGNON
PAYS BASQUE D'ANTAN



La réponse du Syndicat de Défense au Dr Gallard.



En réponse à la lettre du Dr Gallard, le Comité de défense de Blancpinnon répond


Je n’ai pas l’intention, moi non plus, de me livrer ici à une polémique avec M. le docteur Gallard ; qu’il me permette cependant de répondre aux explications qu’il vient de nous donner, par cette lettre ouverte au ton et à la correction de laquelle il ne trouvera, je l’espère, rien à reprendre... : n’ai-je pas, paraît-il, à me racheter d’un "manque total de courtoisie" où il n’aurait dû voir qu’un peu de vivacité et de force dans l’expression, bien compréhensible et bien excusable, de la part d’un convaincu comme moi, en une aussi grave matière. 



M. le docteur Gallard nous renvoie à la décision du Conseil d’hygiène de l’arrondissement... Il est exact, en effet, que par cinq voix contre trois, ce conseil s’est prononcé pour la Penarroya. Mais sur ce terrain, comme sur celui du Conseil départemental, ces trois voix protestataires ne sont-elles pas une preuve indiscutable du doute très grave qui subsiste quant aux dangers des trois industries projetées? Nous sommes loin, en effet, de l’unanimité des avis favorables qui, seule permettrait d’affirmer l’innocuité absolue. Et je ne cesserai de le répéter, parce que toute la conclusion est là : la conclusion du rapporteur de l’enquête de commodo et incommodo (ancien polytechnicien, ingénieur comptant de longues années de pratique dans l’industrie métallurgique) est formelle... "mais si cela n’est pas formellement reconnu comme tel (perfection absolue des moyens de production et absence totale de tout inconvénient ou danger) par une commission compétente... s’il y a le moindre doute, mon avis sera nettement défavorable." 



Vous voyez donc, Monsieur le Docteur Gallard, qu'il n’y a pas lieu pour vous d'exciper ici d’une décision qui, au fond, nous fournit un argument très fort en faveur de notre cause. 



Il est facile d’ailleurs de trouver à ces deux décisions une explication qui s’impose au bon sens et qui n’entache en rien, je le reconnais bien volontiers, la bonne foi des membres du Conseil, adversaires de notre cause : le Conseil départemental d’hygiène était composé de deux éléments essentiels : ingénieurs et techniciens d'une part, docteurs et hygiénistes d’autre part. 



Or, l’ingénieur n’est-il pas a priori, par définition, le défenseur de la Penarroya ? Pour lui, l'industrie prime tout... le reste, arguments d’hygiène, d’esthétique et de tourisme, ne sont qu'enfantillages, exagérations d'esprits prévenus, non compétents et disposés à voir au tragique quelques dégagements de gaz imaginaires, accidentels, inoffensifs. 



anglet autrefois
VUE SUR ADOUR ANGLET - ANGELU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous pouvions à première vue es compter, pour neutraliser leur influence, l’avis des docteurs faisant partie des mêmes conseils : il était naturel de penser que dans une question d'hygiène publique, nous devions trouver en eux des défenseurs convaincus et inébranlables. Il n'en fut rien cependant et pour comprendre leur attitude, il me suffit de me rappeler mon dernier entretien avec le docteur Gallard : "Quand on va, dit-il, me demander mon avis à moi, docteur, tout à fait incompétent en la matière, je ne puis que me tourner vers les ingénieurs et techniciens qualifiés que l’on a précisément choisis pour nous éclairer et s’ils me disent que ces installations ne présentent aucune espèce d’inconvénient ni de danger, je ne puis faire autrement que de les croire." Il eût fallu évidemment qu’au lieu d’accepter, de subir leur autorité et leur verdict comme un dogme intangible, vos collègues et vous-même vous vous soyez fait un devoir d’opposer à leurs affirmations le contrôle de la réalité. 



M. le docteur Gallard nous renvoie à M. Croste dont l'éloquence et la conviction n’ont pas su gagner le Conseil d’arrondissement : nous ne nous attendions pas à lui voir produire à l'appui de sa thèse un exemple qui nous met tout à fait à l’aise et se retourne contre lui : celui d’un collègue, docteur comme lui, qui, convaincu de l'existence d’un danger par lui constaté qui se fit précisément devant le Conseil départemental l'ardent défenseur de notre cause. Que M. le docteur Gallard me permette de lui faire remarquer que cette attitude du docteur Croste le place dans le sens de l'intérêt général avec l’unanimité de nos trois Conseils municipaux et de tous les groupements intéressés, tandis que la sienne s’y oppose ; et ce fut bien là notre grande cause d’étonnement qu’un hygiéniste comme lui, doublé d'un Biarrot, se fût trouvé de l'autre côté de la barricade, contre l’intérêt général de notre région. 



Il nous dit aussi que le Conseil d'hygiène "n'avait pas à se prononcer sur des questions d’ordre social..." Est-ce donc que l'hygiène publique ne touche pas de très près, si elle n’en est partie intégrante, à ces questions d'ordre social dont le Conseil avait le devoir de s’inspirer dans une juste mesure ? 



Il nous parle de "campagne prenant l'allure d’une intimidation", certes, notre défense est vive... mais nous sommes ainsi que l’animal de la fable qui "se défend quand on l’attaque". Le danger, pour nous, est des plus graves : altérer la pureté de notre ciel, intoxiquer notre ambiance, ruiner avec la sanité de nos pins et l’esthétique privilégiée de notre merveilleux cadre, les ressources touristiques qui sont le facteur de prospérité essentiel de notre région... voilà, semble-t-il, des menaces suffisamment graves pour justifier notre énergique réaction. 



Et maintenant, Monsieur le docteur Gallard, permettez-nous de conclure, dans toute la sincérité de nos constatations et déductions que, pour nous, comme pour M. Garat, comme pour notre population, vous avez en toute bonne foi, ainsi que vos collègues du Conseil départemental d’hygiène, été abusé par des affirmations auxquelles vous avez cru par principe sans ouvrir les yeux à la réalité. Or, l'erreur est humaine (comme le dit M. Garat) et homo sum... Il n’y a pas de mal, il y aurait du courage à le reconnaître, et je ne doute pas que ce geste de votre part ne dût être accueilli avec plaisir et soulagement de toute la population de votre ville, comme il le serait de nous-même. A l'exemple du docteur Croste que vous avez cru devoir nous opposer, je vous répondrai par celui de M. Navaillès, conseiller municipal de Biarritz qui, pour avoir voté pour la Penarroya au Conseil d'arrondissement, s’est rendu depuis à des preuves qu’il a jugées suffisantes, puisqu'il vient de voter contre elle, avec l’unanimité du Conseil municipal de Biarritz



Je vous prie. Monsieur le Docteur Gallard, de vouloir bien agréer l'assurance de ma haute considération. 



Le Président du Syndicat : Goulet."





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