LES BASQUES DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE.
De nombreux auteurs français ont écrit, au cours de l'histoire, sur le Pays Basque.
LA ROSE DE SEPTEMBRE DE DEVAL |
Voici ce que rapporta à ce sujet le Figaro, Supplément littéraire du dimanche, dans son édition
du 3 avril 1926, sous la plume de Paul Vinson :
"Le pays basque et la littérature française.
Le charme un peu étrange qui saisit le voyageur au pays basque, les vertus et le mystère de la race antique qui réside sur ses deux versants montagneux, devaient naturellement inspirer l'écrivain et l'artiste. Plusieurs romans, dont il a été parlé dans ce Supplément littéraire, viennent justement de ramener l'attention du lecteur sur ce peuple et sa région. Je citerais seulement, parmi ceux-ci, Une fille d'Euzkadi, de M. Poueydebat ; Bilbilis, de M. Pierre Lhande, et Sang basque, de M. André Lichtenberger, et je tiendrais à y joindre la gracieuse Rose de Septembre, la pièce de M. Jacques Deval, qui évoque heureusement l'un des coins les plus ravissants du terroir euscarien.
LIVRE UNE FILLE D EUZKADI DE POUEYDEBAT |
LIVRE BILBILIS DE PIERRE LHANDE |
LIVRE SANG BASQUE D'ANDRE LICHTENBERGER |
Ce n'est pas la première fois que les Basques et leur langue ont intéressé par leur angoissante originalité les auteurs de tout ordre. Il se trouve que le premier texte basque imprimé en France est le petit discours basque de Panurge à Pantagruel, au neuvième chapitre du deuxième livre de Rabelais (1542). On peut citer ensuite une comédie fort oubliée de Raimond Poisson, Le poète basque, de 1679, et il faut rappeler que Voltaire a parle en plusieurs endroits du pays basque. Victor Hugo, frappé, dans sa jeunesse, au passage, se rendant à Madrid, par l'étrangeté des noms du pays, a aimé lui en emprunter divers, dont Hernani, et celui du bouffon Elespuru, dans Cromwell, tandis qu'il se plaisait à faire une place à la langue des Basques dans l'Homme qui rit.
PANTAGRUEL EN BASQUE DE FRANCOIS RABELAIS |
De nos jours, Ramuntcho, de Pierre Loti ; Gorri le forban, de M. André Lichtenberger ; Maï la basquaise, de M. André Geiger, évoquèrent puissamment cette zone attirante dont d'excellents peintres venaient de faire connaître les types et la lumière qui ont inspiré aussi plusieurs compositeurs, Laparra par exemple. M. Brieux daigna intercaler dans La robe rouge, où son personnage Etchepare a bien la fierté native, quelques phrases basques, assez incorrectes d'ailleurs. Si bien qu'on pourrait dire que si le pays basque et la langue basque disparaissaient, nous serions mieux renseignés sur eux par les œuvres littéraires qu'ils ont suscitées que nous ne sommes instruits des mœurs et de la langue des populations puniques, que le petit texte du Pœnulus de Plaute, ne nous fait guère connaître, et sur lesquels les auteurs latins ont gardé un silence excessif.
LIVRE RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
LIVRE GORRI LE FORBAN DE LICHTENBERG |
Par malheur, il se trouve que presque tous les écrivains qui ont été séduits par le pays basque ont commis, lorsqu'ils en ont parlé, d'impardonnables erreurs que leur bonne foi ne peut excuser. La principale, où presque tous sont tombés, consiste à introduire dans un décor basque qu'ils excellent à décrire, au milieu de détails de mœurs assez vrais, une intrigue ou des passions trop étrangères à la mentalité basque. ̃
Ces auteurs se méprennent aussi, presque toujours sur les caractéristiques de la langue, de la race et des traditions basques.
Trop d'entre eux s'en sont remis en effet à des notes de voyage prises rapidement, et enrichies des racontars d'interlocuteurs basques, souvent peu lettrés, qui leur ont répété les légendes que des esprits inventifs ont souvent lancées au sujet du pays et de ses mystères. Les grands journaux se font quelquefois l'écho de ces hypothèses séduisantes, et c'est ainsi qu'à propos de la brûlante question des patois et idiomes locaux, on a vu affirmer à nouveau la parenté des Basques avec les Japonais, les Khmers du Cambodge, les Samoyèdes, etc...
Les nombreux travaux scientifiques auxquels on s'est livré depuis cinquante années sur la race et la langue des Basques ont dissipé ces rumeurs. Les études de Francisque Michel, de Luchaire, de MM. Camille Jullian, Julien Vinson, en France celles de Mahn et Schuchardt, en Allemagne et en Autriche ; de MM. de Urquijo et Gomez Moreno, en Espagne, pour ne citer que quelques noms, si elles ne sont pas parvenues à élucider le problème de l'origine des Basques, ont rectifié bien des théories fallacieuses ou fantaisistes.
CAMILLE JULLIAN PAYS BASQUE D'ANTAN |
JULIEN VISON PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les parentés qu'on a voulu établir entre le basque et les idiomes agglutinants comme lui, le hongrois, le finnois, le japonais, entre autres, se sont révélées impossibles quelques ressemblances phonétiques, sans analogies de signification, excusaient ces rapprochements. Et l'on est arrivé à cette conclusion que si la race basque a quelques similitudes avec d'autres groupes ethniques, sa langue ne peut être apparentée à aucune autre, vivante ou passée. Seul un mot des inscriptions ibères de l'Espagne, encore intraduisibles, illiberris, a paru basque : aussi l'hypothèse de la survivance d'un peuple ibère, encore peu connu, dans ce coin du golfe de Biscaye, a-t-elle été souvent admise contre l'opinion de ceux qui veulent voir, jusqu'à nouvel ordre, un lambeau de race préhistorique dans les populations des sept provinces.
Les Basques, tant Français qu'Espagnols, n'ont en effet rien de très original si ce n'est leur langue - et ceci n'est pas pour les amoindrir, ni pour contester leurs vertus natives. Leur jeu de pelote, leurs danses, leur costume, leur piété, leurs pastorales (représentations populaires de la Soule), ne leur sont pas particuliers, car certaines régions béarnaises, castillanes ou gasconnes ont connu les mêmes traits à d'autres époques. Au contraire, l'idiome basque ou euzkara, très ancien, est des plus captivants. Bien qu'il se soit enrichi de nombreux mots latins, puis gascons, castillans ou béarnais, en raison des besoins successifs de la civilisation, il a conservé un fonds ancien fort curieux, qui permettrait de reconstituer l'état primitif de la vie basque. C'est ainsi que les mots spécifiquement basques ne comportent ni idées abstraites, ni idées religieuses ou morales. Les noms de certains animaux, tels le cheval, la brebis, le bœuf, y ont des désignations anciennes tandis que les animaux de basse-cour et le chat, animaux sédentaires, n'ont que des appellations latines, ce qui semble prouver qu'avant l'arrivée des Romains, les Basques, assez primitifs, étaient nomades et pasteurs. Le très grand nombre d'expressions de détail, à l'encontre de l'absence de mots abstraits (fait assez fréquent chez les primitifs) indiquerait l'ancienneté de la langue. Le mot arbre est un mot latin, tandis que toutes les espèces de chênes ont leur nom original. Dans la famille, on distingue par un nom différent la sœur et la belle-sœur d'un homme de celles d'une femme. D'autre part, l'analogie des termes désignant les instruments tranchants, avec un mot signifiant pierre ou roc, a permis de supposer que ces mots remonteraient à l'époque où les métaux n'avaient pas encore été connus des Basques.
Ceux qui voudraient étudier commodément l'histoire du pays basque, trouveront l'essentiel des résultats de la recherche scientifique dans un volume, tout récent de M. Pierre Lhande, Le pays basque à vol d'oiseau, sur lequel il me semble qu'on ne peut faire qu'une seule réserve importante, et d'ordre seulement littéraire.
LIVRE LE PAYS BASQUE A VOL D'OISEAU DE PIERRE LHANDE PAYS BASQUE D'ANTAN |
En effet, M. Pierre Lhande, qui aime son pays, est tout naturellement porté à exalter les qualités de la race. Il nous dit qu'il existe une littérature basque. On ne saurait le suivre en dehors des ouvrages de piété, nombreux et intéressants quoique presque tous traduits du latin ou d'autres langues, et dont quelques-uns remontent au XVIe siècle, comme le Nouveau Testament, que Jeanne d'Albret fit imprimer en 1571 dans un but de propagande protestante, en dehors d'une littérature populaire orale, mais assez riche (chansons, légendes, improvisations poétiques, proverbes, pastorales), il n'existe aucun, ouvrage de prose ou de vers écrit dans l'un des dialectes basques par un Basque ne sachant que le basque. Les poésies érotiques que Bernard Dechepare publia en 1545 sont le fait d'un curé libertin, mais nourri aux lettres classiques. Les membres de l'Académie de langue basque récemment créée (car il se manifeste un renouveau vivace de, l'activité basque depuis quelques années) ont tous reçu la meilleure éducation française espagnole. On ne peut donc affirmer qu'il existe une littérature proprement basque, au sens exact de ce mot.
LIVRE DE BERNARD DETCHEPARE 1545 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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