"RAMUNTCHO"LE ROMAN DE LA TERRE BASQUE.
Ramuntcho est un roman français de Pierre Loti.
RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Publié pour la première fois en 1897 par les éditions Calmann-lévy, ce roman a été réédité une
vingtaine de fois jusqu'en 1994.
C'est, avec Pêcheur d'Islande, un des ouvrages les plus connus de Pierre Loti.
C'est un roman d'amour et d'aventure, situé dans le milieu des contrebandiers Basques.
Pierre Loti a ensuite lui-même adapté son roman pour le théâtre et la pièce en cinq actes tirée
du roman "Ramuntcho" a été jouée pour la première fois le 28 février 1908.
Deux films, tirés du roman, seront aussi réalisés en 1937 par René Barberis et en 1958 par
Pierre Schoendoerffer.
FILM RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI 1937 PAYS BASQUE D'ANTAN |
FILM RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI 1958 PAYS BASQUE D'ANTAN |
La presse, dès sa parution, ne tarit pas d'éloges au sujet de ce roman de Pierre Loti.
C'est le cas, par exemple, du Journal des débats politiques et littéraires, dans son édition du 21
mars 1897, sous la plume d'A. Le Braz :
"Le roman de la terre Basque.
Là-bas, dans le Sud, au fond de ce golfe de Biscaye "qui, depuis les origines, est sans trêve mauvais et troublé", s'ouvre un mélancolique estuaire de fleuve dont l'aspect change selon l'heure et la marée, tantôt semblable à un désert de sables jaunes et de vases brunes, où serpente un mince filet d'argent, tantôt pareil à une paisible mer intérieure, à une petite Méditerranée, mirant et mêlant dans son onde l'image renversée des derniers champs de France et celle des premières masures espagnoles. Un stationnaire de l'Etat veille nonchalamment sur ces eaux calmes. Or, le hasard, - ou, je pense, une heureuse inspiration administrative, - a permis que l'officier de marine Julien Viaud fût désigné, voici quelque temps, pour le commandement de ce navire. Que l'administration en soit bénie, ou, si elle n'y est pour rien, le hasard !... Jamais croisière n'aura été plus fructueuse, car elle nous a donné, sous la signature aimée de Loti, un beau livre, une œuvre exquise, d'une tristesse pénétrante et saine, le roman, disons mieux : le poème de la terre basque, et qui sera pour elle ce que Pêcheur d'lslande a été pour la Bretagne.
RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nul encore ne l'avait décrite, la vieille terre des Escualdunac ; elle restait comme enveloppée dans la grande ombre de ses montagnes et la brume bleuâtre de ses vallées ; et l'on ne savait de son âme que ce que nous en avaient conté de vagues et apocryphes légendes. Deux ballades pseudo-historiques, le Chant d'Altabiscar, le Chant d'Abarca, évoquaient seules, et de façon plutôt médiocre, les prestiges de son passé. Pouvait-on se fier davantage au Romancero du pays basque ? L'auteur du recueil avoue lui-même qu'il ne se pique point d'exactitude et qu'il ne s'est guère privé, comme il dit, de "macphersonniser". Non que ces adaptations plus ou moins fidèles soient dépourvues de tout intérêt. Je ne serais pas surpris que Mme d'Abbadie en eût conseillé à Loti la lecture, pendant la monotonie des heures de quart, le long des berges silencieuses de la Bidassoa. Et peut-être, quelque dédain, d'ailleurs, qu'il professe pour le document livresque, n'a-t-il pas été sans feuilleter ces pages ni non plus sans en tirer profit. Il a pu y trouver, s'il les a parcourues, des indications de scènes, de personnages, des germes d'idées, des nuances de sentiments. C'est, par exemple, Catalina la Basquaise, qui a péché, dans sa jeunesse, comme la Franchita du roman, et, comme elle, se meurt de remords.
"A une fenêtre ornée de rideaux de soie plus beaux cent fois que ceux de l'église de Mauléon-en-Soule, Catalina la Basquaise, négligemment accoudée sur du velours, demande un peu de chaude vie au soleil de Paris, aussi pâle qu'elle.
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A qui sourit-elle ainsi ?... C'est à des jeunes hommes qui passent à cheval et qui la saluent familièrement de la main, sans ôter leur chapeau... Elle fixe sur eux des yeux assurés, sans les baisser jamais, ce que ferait une honnête fille.
Pourtant, elle vient de les fermer, et, toute tremblante, elle se rejette en arrière. - Qu'as tu donc vu, Catalina, pour te troubler de la sorte ? --Voyez-vous là-bas ce béret qui passe ? Pyrénées, ô mon pays, comment ai-je pu vous quitter ainsi!.."
Ou bien, c'est Bernat qui, repoussé par Etcheverry, le père de sa fiancée, comme Ramuntcho l'est par la mère de Graciosa, exhale sa détresse sur les quais de Bayonne, en attendant de faire voile pour les Amériques. Et c'est Adam, l'ex-prêtre, devenu détrousseur de sentiers ; c'est Bénito Zubiri, le roi de la contrebande ; âmes farouches et mystiques, à la conscience chargée d'on ne sait trop quels crimes, comme celle du sombre Itchoua. Mais, qu'elles sont effacées et pâles, toutes ces figures du Romancero ! Et de quelle vie intense elles vivent, au contraire, dans le poème de Loti ! La terre basque n'avait pas encore d'existence littéraire ; elle en a une, depuis Ramuntcho.
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Cette œuvre, on sent dès l'abord que Loti l'a écrite à plaisir et comme sous la suggestion lente des êtres et des choses. De là lui vient sa beauté, de là son charme insinuant et fort, comparable, sinon supérieur, à ce que nous firent éprouver naguère Rarahu, Aziyadé, le Roman d'un spahi, Pêcheur d'lslande. Comme Tahiti, comme le désert africain, comme Stamboul et, comme la Bretagne, l'antique contrée qui, des pentes pyrénéennes, dévale jusque dans la mer, a eu le privilège d'éveiller un frémissement sympathique dans "cette machine à sensations rares" qu'est Loti. Et c'est aussi, ce me semble, pour des raisons analogues, qu'elle l'a séduit et subjugué. Je ne crois pas, en effet, à la distinction qu'on a coutume d'établir, dans les romans de Loti, entre ceux qui se passent à des milliers de lieues, par-delà les mers, et ceux qui se déroulent en quelque coin secret de notre continent, presque à notre porte. On définit les premiers, en les qualifiant d'"exotiques". Eh bien ! et les autres ?... M. Jules Lemaître nous fournit cette explication : "C'est en effet de l'exotisme, que, ayant visité le monde, vous revoyiez votre pays et les objets connus avec des yeux vierges et tout neufs et avec la même fraîcheur d'impression, le même étonnement que vous avez vu le Congo ou Tahiti". Et cela, sans doute, est fort juste. Rien ne rajeunit l'âme, et, les facultés qu'on a de voir et de sentir, rien ne les renouvelle, rien ne les aiguise, comme de changer sans cesse d'horizon. Le "chemineau", de Richepin, l'exprime à sa manière : les fontaines de Jouvence ne sourdent que sous les pas du nomade ; voyager, cela garde de vieillir. Certes, je serais tenté néanmoins, de m'imaginer qu'il y a autre chose dans le cas de Loti. Durant sa carrière de marin déjà longue, à ses retours de campagne, il a dû séjourner à Cherbourg, à Toulon, presque aussi souvent qu'à Brest. Comment donc se fait-il que ni le Cotentin, ni la Basse-Provence ne tiennent aucune place dans son œuvre ? Ces pays qu'il revoyait avec des sens nouveaux, avec des perceptions avivées et comme infinisées par la lumière des grands espaces, pourquoi n'ont-ils rien dit à son cœur, rien dit à ses yeux ? Et pourquoi, par contre, la grise, triste et peu communicative Bretagne lui a-t-elle été comme une patrie idéale, une terre évocatrice de rêves ?
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Ne serait-ce pas qu'il y a dans cette Bretagne un je ne sais quoi de très spécial, de singulier, de rare et, pour trancher le mot, d'"exotique"? Car, au fond, c'est cela. Est exotique, en somme, tout ce qui est en dehors de nos habitudes occidentales, de nos conceptions de civilisés, tout ce qui nous transporte dans ce que Loti appelle les "ailleurs", tout ce qui nous donne la sensation de l'absolu dépaysement. L'exotisme ne se réduit nullement à une question de distance. Le Japon, qui est cependant à l'autre extrémité du globe, n'aura bientôt plus rien d'exotique, alors que, à cent cinquante lieues de Paris, tel canton des monts d'Arrée continuera de présenter au voyageur le spectacle d'une terre vierge, peuplée d'une mystérieuse race d'hommes... Des paysages demeurés les mêmes à peu près qu'ils pouvaient être aux premiers jours du monde, des âmes en qui ne semble point s'être accompli le travail des siècles et qui gardent, comme toute récente encore, après les longs âgés, l'empreinte de leurs origines primitives ; ce sont là, si je ne m'abuse, les deux éléments essentiels de l'exotisme. Et j'en ajoute tout de suite un troisième : je veux dire le sentiment que la beauté intacte de ces paysages est condamnée à être violée à bref délai, qu'il est dans le destin de ces âmes enfantines et surannées de disparaître prochainement et pour jamais, que la civilisation les guette, qui les supprimera, parlant qu'il faut se hâter d'en jouir. Ce qui nous rend ces formes de nature et d'humanité si précieuses, ce qui fait, en grande partie, leur séduction à nos yeux, n'est-ce pas la pensée qu'elles ne seront bientôt plus ? Cette âcre et poignante saveur de mort imprègne toute l'œuvre de Loti : elle est quelque chose comme l'arrière-goût de l'exotisme même.
L'auteur de Mon Frère Yves nous a conté les répugnances que lui inspira tout d'abord la Bretagne, cette terre hostile et fermée, cette péninsule sans soleil, si différente des pays lumineux où, au hasard des escales lointaines, il avait aimé. Son "matelot", qui était Breton, lui apprit à la connaître ; et, quand il la connut, il s'abandonna tout entier à son charme. C'était, sous des latitudes plus ternes, le même charme qui l'avait conquis un peu sur tous les points du monde, dans les brousses monténégrines comme dans les plaines du Diambour, aux rives du Bosphore comme sur les plages des mers australes, le charme des choses non déflorées, des contrées quasi virginales, des races très vieilles et très jeunes tout ensemble, attardées comme à mi-chemin dans l'étape plusieurs fois millénaire de l'humanité. Et la sympathie qui lui vint de la sorte pour la terre bretonne, comment, l'occasion aidant, ne l'eût-il point éprouvée, aussi ardente, pour la terre basque ? Ce sont deux terres aïeules dont une même mer baigne les pieds de granit, deux fantômes qui se regardent par dessus les houles du golfe de France et qu'unit, dans le recul des temps, une mystérieuse parenté de souvenirs. "Si vous voulez trouver quelque analogue au Basque, écrit Michelet, c'est chez les Celtes de Bretagne qu'il faut le chercher." Et telle est aussi l'impression de Loti. Il définit la région basquaise "une sorte de Bretagne plus chaude"; et il revient, il insiste sur les traits communs : "Il y a des digitales roses, des silènes, des fougères, presque la même flore qu'en Bretagne; ces deux pays, d'ailleurs, le basque et le breton, se ressemblent toujours par le granit qui est partout et par l'habituelle pluie ; par l'immobilité aussi, et par la continuité du même rêve religieux."
RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
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