LES FÊTES DE SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1892.
Le Pays Basque a connu de nombreuses pastorales, principalement en Soule mais de temps en temps les pastorales se sont "exportées" sur la Côte Basque.
Voici ce qu'en rapporta le journal La Petite Gironde, dans son édition du 25 août 1892 :
"Les Fêtes de Saint-Jean-de-Luz.
La troisième fête de Saint-Jean-de-Luz eût été des plus belles si le temps ne s'était mis à la pluie au moment même où l'intérêt de la pastorale souletine Abraham était le plus grand. La matinée, heureusement, avait été favorisée par un temps couvert qui avait permis aux joueurs de blaid au chistera de lutter avec ardeur. Cette grande partie internationale, dans laquelle les champions français Chilar, Bienabe et Bordarhampé ont vaincu les champions espagnols Larralde, Ganichon et Beheran, a été magnifiquement enlevée. Chilar, le grand Chilar, le favori français, a joué en homme expérimenté, trouvant un partenaire sérieux dans Beheran.
PELOTARI CHILAR PAYS BASQUE D4ANTAN |
Les enjeux étaient beaux, car en outre des prix décernés par la municipalité, la reine Nathalie de Serbie, avait offert une magnifique bourse en faille blanche brodée aux armes de Serbie, frangée d'une dentelle en or et fermée d’un ruban aux couleurs nationales serbes. Elle avait glissé cent francs dans celte bourse, qu’accompagnait une lettre de la reine dans laquelle elle exprimait tout le plaisir qu'elle avait de se trouver en pays basque, dont elle allait apprendre la langue. Comme bien on pense, la bourse royale a été chaudement disputée, et c'est l'heureux Chilar qui, malgré ses quarante ans, l'a emporté sur des adversaires plus jeunes que lui et plus ardents, mais moins joueurs de "tête". L'ovation faite au vainqueur a été grande. Quel dommage que la seconde moitié de la journée ait été gâtée par une série d’averses !
Le jeu de paume était bondé de spectateurs venus des environs et même de fort loin pour voir jouer la pastorale souletine par les jeunes gens de la commune de Barcus (arrondissement de Mauléon). Le cortège, après avoir parcouru la ville, précédé de joueurs de tambourins, a fait son entrée dans le jeu de paume au milieu de l'étonnement général. Voici d’abord huit soldats, coiffés du béret rouge et revêtus d un veston de la même couleur, portant des fusils de chasse sur l'épaule ; puis le cortège qui précède le roi Pharaon, officiers, rois infidèles, Abraham, Sarah, Agar, Loth, Isaac, deux démons : Lucifer et Bulgifer ! Et quels costumes ! Abraham, à longue barbe blanche, en costume de préfet avec broderies argentées, décoré de la Légion d'honneur, en bottes molles, en pantalons blancs, l'épée au côté et le pourpoint sur l'épaule ; un chapeau à flaque complète son costume, qui pèche quelque peu par la couleur locale.
PASTORALE D'ABRAHAM ALOS 19828 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Quant à Sarah et à Agar, dont le rôle est tenu par deux jeunes gens, elles paraissent, l'une en robe de mousseline blanche, et l’autre de mousseline rose ; nous croyons même qu'elles portaient une crinoline, et avec cela chacune, ayant un éventail, mimait ou disait son rôle en jouant de cet instrument, au grand amusement des spectateurs ! Agar lançant des œillades espagnoles derrière un éventail ! Sarah repoussant les offres séductrices de Pharaon A coups d’éventail ! Non, c'était trop amusant. Et au milieu de tous ces personnages, allant et venant sur les tréteaux, en plein air, les deux démons en veston rouge, en culotte courte et coiffés d’une coiffure cylindrique faite de morceaux de miroirs, de plumes aux couleurs criardes et de clinquant, agitant de petits fouets de postillon, tournoyant autour d’Abraham, pour le tenter et l’insulter.
PASTORALE ABRAHAM ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le petit Isaac, tout de blanc habillé comme un enfant de chœur, portant des lis à la main ; les deux hérauts d’armes agitant deux drapeaux autour d'Abraham, de Pharaon et du roi, ceux-ci coiffés d’une couronne dorée en forme de tiare et en costume d’amiral, avec pantalons blancs et bottes à l’écuyère. Et tous les acteurs étaient convaincus de leur rôle : impassibles, ils allaient, marchant, sautant, dansant ou s’agenouillant sur des oreillers ou des draps de lit qu’on posait sous leurs genoux, psalmodiant de longues mélopées d'un grand caractère. Plusieurs d’entre eux ne savent ni lire ni écrire, mais ils ont appris les milliers de vers que renferme la pastorale sous le titre : Abraham. Le régent de cette pastorale, adjoint au maire de Barcus, faisait l’office de souffleur, grâce au manuscrit qu'il tenait dans les mains. — Et la pastorale allait s'allonger pendant trois ou quatre heures bien qu'on l’eût largement émondée, quand une forte averse est venue mettre le désarroi dans la foule. Et alors on a vu les acteurs continuer à jouer leur rôle, Abraham, Pharaon, Agar, Sarah, etc., sous des parapluies !
PASTORALE SOULETINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
La foule abandonne le jeu de paume, qui se transforme rapidement en bourbier par le piétinement d'un millier de spectateurs. Malgré ce contre-temps, la fête a été fort belle ; assurément, ces représentations laissent bien loin dernière elles tout ce qui est connu. La tradition basque, qui a été respectée aujourd'hui dans toute sa rigueur, mérite qu’on la connaisse davantage. C'est le vœu que nous formons pour l'année prochaine, assurés que M. le maire de Saint-Jean-de-Luz tient un grand élément de succès dans l’innovation des fêtes basques.
RENCONTRE PENDANT UNE PASTORALE PAR LE TANNEUR PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire