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jeudi 15 mars 2018

LE FRONTON BASQUE À NEUILLY EN JUILLET 1904


LE FRONTON BASQUE DE NEUILLY EN 1904.


Le Cercle Saint-James voit le jour grâce à l’initiative de Messieurs Duhart et Wagner et au talent de l’architecte Gustave Rives. 




neuilly sur seine autrefois
CERCLE SAINT JAMES
NEUILLY SUR SEINE

Installé sur un terrain de 10 600 m2, le Cercle se veut un lieu d’attractions mondain et élégant. 


L’accès est réservé à ses membres (environ 160) : soit parents d’un sociétaire, soit présentés par 

deux parrains et ayant versé une cotisation annuelle. 



Les femmes sont également admises. 



Outre un fronton de pelote basque, l’établissement compte aussi des cours de tennis, une salle 

d’escrime, des espaces de tir à la cible, un bassin de patinage, etc. 



Chaque jour, des animations sont proposées : concerts, cinéma en plein air, parties de pelote.  



Voici ce que rapporta le journal l'Echo de Paris, dans son édition du 27 juillet 1904, sous la 

plume de Paul Acker :


"Le fronton Basque.


La mode est abolie, qui forçait les Parisiens soucieux de la suivre à quitter Paris au lendemain du Grand-Prix, et ce serait, maintenant, peut-être manquer au bon ton que de partir avant que soient éteints les derniers lampions de la Fête nationale. La ville, préoccupée de retenir ses habitants, ne leur offre-t elle pas, autour de ses portes, en des asiles verdoyants et frais, cent distractions naguère inconnues, qui réunissent dans un cadre charmant, où un art frivole corrige et adoucit la simplicité de la nature, tous les attraits des assemblées mondaines ? Le moindre jeu paraît une raison de créer un cercle, et, le cercle créé, ce sont aussitôt des amis qui ont plaisir à se retrouver, des femmes qui ont une occasion de montrer des robes nouvelles, ce sont des invitations à goûter, à dîner, ce sont des bals, des spectacles, des expositions, des concours, tout ce qui remplit enfin la vie agitée de ceux à qui sourit la Fortune. 



Allez ainsi, un soir, à Neuilly, rue de Longchamp, à la Pelote basque. D'innombrables lumières, accrochées dans les arbres argentés, et la file indienne des voitures et des autos, rangés au bord du trottoir, indiquent, mieux que ne le ferait toute explication, où il faut entrer.




neuilly sur seine avant
RUE DE LONGCHAMP
NEUILLY SUR SEINE

Dans le jardin, le jardin du Fronton basque, à de petites tables éclairées par de petites bougies électriques, on dîne, cependant que des violons bercent les appétits de valses amoureuses, ou de czardas ardentes. On peut y rencontrer un académicien historien de Bonaparte, et un auteur dramatique, dont la Comédie joue une pièce en un acte. Toutes blanches, sous la douceur mystérieuse de la nuit, des femmes se promènent, entourées d'hommes empressés : des rires fusent, mêlés à des voix pures et cristallines. Une brise légère passe à travers le feuillage, et dans le ciel laiteux et bleu les étoiles semblent, tant elles sont rapprochées les unes des autres, avoir été jetées à poignée. Silencieux et profonds, avec des ombres épaisses et soudain des clartés pâles où se profile la forme indécise d'une statue, l'air tout parfumé, un parc, un peu plus loin, de lignes nobles et classiques, s'étend par delà un ruisseau que franchit d'un bond un pont de planches, le parc du cercle de Saint-James, où soupirent d'antres violons, pour d'autres dîneurs, en attendant l'heure où ils feront danser. 



Cercle de Saint-James et Société du Fronton basque : deux sœurs ou, si vous voulez, deux frères siamois, qui s'aident, se soutiennent, se protègent. Il n'y a même pas un an que MM. Perier, Duncan-Wagner, Remy Deshart, Amédée Descabes, les fondateurs, donnèrent la fête d'ouverture du cercle installé dans une ancienne propriété privée, en décidant que le tiers de la cotisation irait à la Pelote basque : aujourd'hui, le cercle est fameux, tout Puteaux y va, les joueurs basques et espagnols déchaînent l'enthousiasme, et le mardi et le samedi on peut dire que les quelques centaines d'élégants qu'on appelle Tout-Paris viennent les applaudir. 


Enthousiasme bien naturel, et vite partagé ! Entre le parc du cercle et le jardin de la Société, une piste de ciment, le long de laquelle se dressent des tribunes et des loges, s'étale sur 65 mètres de long et 7 de large, limitée à un bout par un mur de face, de 10 mètres de haut sur 18 de large, et à l'autre par un mur de rabat




neuilly sur seine autrefois
GRANDES TRIBUNES KURSAAL SAINT JAMES
NEUILLY SUR SEINE


Les joueurs sont là, au nombre de six, divisés en deux équipes reconnaissables à la couleur de leur ceinture ; ceinture bleue et ceinture rouge, trois joueurs par équipe, deux joueurs d'avant et un joueur d'arrière, l'un à droite, l'autre à gauche. Nu-tête, ou les cheveux coiffés d'un tout petit béret de drap tiré sur la nuque, la chemise un peu bouffante au-dessus du pantalon blanc, chaussés d'espadrilles, ils attendent, sous l'éclat aveuglant de la lumière électrique, nerveux, souples et robustes, que le sort désigne le camp qui devra commencer. La main droite disparaît dans le soufflet en cuir de la chistera, gant gigantesque et creux en osier, assez semblable à là membrane qui pend au-dessous du bec des pélicans. 



Le camp a été désigné. Un des joueurs d'avant lance la pelote contre le mur de face. La partie est engagée. La balle claque, comme une gifle, sur le mur, est rejetée, coupe l'air. Un joueur du camp adverse la guette, la suit, s'élance, offre le gant, elle, tombe avec un bruit mat dans l'osier : une seconde, elle y reste, puis on entend un "han" formidable, on voit un corps qui se penche et saute, un bras qui se plie, se tend, se détend, la balle est relancée. Dès lors, c'est un vol continuel de la balle, reprise, lancée, relancée, rattrapée. Par des cris gutturaux, les joueurs s'excitent mutuellement, comme pour une bataille, cependant que le public s'exclame et trépigne d'admiration, en les interpellant par leurs noms : "Bravo, Landa ! bravo, Ramuntcho ! bravo Melchior !". 



neuilly sur seine autrefois
AFFICHE DU KURSAAL SAINT JAMES
NEUILLY SUR SEINE

Accoudées au bord des loges, les jeunes femmes, en robes claires, légèrement décolletées, applaudissent, passionnées et fébriles ; la brise apporte les sons voilés et assourdis des orchestres ; de temps en temps, dans le silence d'un repos, monte, traînarde et rauque, la mélopée d'un crieur qui annonce et compte les points. Et de nouveau contre le mur la claque rapide de la balle, les bonds alertes des joueurs, et la furie endiablée du gant qui arrête la pelote et la relance. Quel autre sport donnerait le même sentiment d'énergie infatigable que cet effort dix et vingt fois répété d'un joueur d'arrière relançant à pleine volée sur le fronton, la balle dix et vingt fois renvoyée par l'adversaire au fond du jeu. Vitesse des jambes, force des bras, souplesse de tout le corps, le pelotari garde toujours une élégance que n'a jamais le cycliste filant sur sa machine ou le boxeur qui tape sur la chair nue. 




neuilly sur seine avant
KURSAAL SAINT JAMES
NEUILLY SUR SEINE

Et l'intelligence elle-même ne demeure pas inactive. Vous devinez bien que toute l'habileté du joueur qui a la balle consiste à la renvoyer de telle façon qu'elle soit particulièrement difficile à reprendre par le joueur du camp opposé. L'originalité du jeu vient de l'imprévu des combinaisons : il faudra par exemple ne jamais faire rebondir la balle qu'au fond du jeu, de façon à fatiguer l'arrière du camp adverse, ou faire toucher la balle au mur le plus près possible de la bande métallique, afin que, son trajet étant considérablement raccourci, l'adversaire ait moins de temps pour la reprendre, ou encore frapper la balle très mollement et la faire tomber presque, morte à côté du mur, sans qu'un joueur avant de l'autre camp puisse venir la reprendre. Sans cesse, devant une ardeur si folle, la crainte naît que ces hommes soient à bout de forces, mais toujours ils luttent, les cheveux collés, la sueur transperçant la chemise. La victoire seule les calme et interrompt leur rivalité. 


Alors, à travers le jardin, où s'alignent tristement les tables désertes du dîner, la foule s'écoule, et durant quelques minutes ce ne sont plus que les appels des cochers, le piaffement des chevaux et le ronflement sourd des autos."




neuilly sur seine autrefois
BOULEVARD MAILLOT NEUILLY SAINT JAMES


(Source : http://www.ville-neuillysurseine.fr)


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