EDMOND ROSTAND À CAMBO EN 1901.
Edmond Rostand est né à Marseille le 1er avril 1868. Il meurt à Paris, le 2 décembre 1918, à l'âge de 50 ans.
EDMOND ROSTAND
PAYS BASQUE D'ANTAN
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C'est un immense écrivain, dramaturge, poète et essayiste Français.
Il est l'auteur de l'une des pièces les plus connues du théâtre français, Cyrano de Bergerac.
En 1900, tout auréolé du succès de l'Aiglon, drame en 6 actes, il souffre néanmoins d'une
pleurésie qui l'oblige à se rendre, en convalescence, à Cambo-les-Bains, dans les Basses-
Pyrénées.
Séduit par le lieu, il va y acquérir des terrains sur lesquels il fait édifier sa résidence, la Villa
Arnaga.
Voici ce que rapporta Le Figaro, dans son édition du 5 janvier 1901 :
"M. Rostand en Pays Basque.
C'est à la lisière du pays des Cadets de Gascogne, dans une de nos plus superbes vallées des Pyrénées basques que l'illustre auteur de Cyrano de Bergerac et de l'Aiglon est venu reposer ses nerfs endoloris et sa constitution fatiguée par le travail, et aussi probablement par les émotions du triomphe.
Il y a environ deux mois que M. Rostand est installé à Cambo-les-Bains avec Mme Rostand et ses charmants enfants à la villa "Etchegoria" — en basque : maison rouge — si délicieusement située au pied des premiers contreforts des monts Cantabres, et déjà le soleil du Midi a opéré son œuvre bienfaisante. Le teint mélancoliquement pâle du poète s'est chaudement coloré, ses forces sont revenues et c'est d'un pas alerte, la mine joyeuse et éveillée, qu'il excursionne dans les environs.
ETCHEGORIA D'EDMOND ROSTAND CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Comme on l'a si bien dit, Cambo n'est ni une ville, ni un village ; c'est un parc dans les grandes proportions que la nature seule peut donner à ses œuvres. C'est vraiment le jardin des Pyrénées. Tout y est promenade, lieux de repos, bois touffus et sites enchanteurs.
Une ceinture de collines verdoyantes, dont les flancs sont égayés de maisons blanches aux volets rouges noyées dans la lumière d'un ciel radieux, protège son climat contre les violences de l'aquilon, et lui assure, pendant la saison des frimas, une température douce et uniforme.
La réputation de Cambo remonte à une époque déjà ancienne. Nous savons que messieurs du Parlement de Bordeaux venaient au seizième siècle y passer leurs vacances, et que la reine Marie-Anne de Neubourg, veuve de Charles II, roi d'Espagne, y fit un long séjour.
Au siècle dernier, Napoléon l'honora de sa visite, alors que les affaires d'Espagne l'avaient appelé à Bayonne. Malgré tout, la vogue de cette station n'aurait pas franchi la Garonne — véritable frontière du Midi — si, après Orfila et Bérard, M. le docteur Grancher, l'éminent professeur de la Faculté de Paris, membre de l'Académie de médecine, n'était venu, depuis quelques années, demander au ciel du pays basque le rétablissement de sa santé. A la suite du maître, combien sont arrivés, et, comme lui, ont retrouvé la force et la vigueur. C'est à M. le docteur Grancher, devenu par reconnaissance maire de Cambo, que la villa "Etchegoria" doit aujourd'hui le bonheur d'offrir l'hospitalité à M. Edmond Rostand.
DOCTEUR GRANCHER ET SON EPOUSE ROSA BREU CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Que les nombreux amis et admirateurs du poète se rassurent donc ! Qu'ils lui pardonnent cet exil de la capitale, cet éloignement de la vie mondaine et littéraire, qui n'est que momentané! Du reste, qui sait si cette solitude ne servira pas à l'éclosion d'une œuvre nouvelle et puissante ! Les foules enthousiastes, et encore frémissantes des beautés du poème héroïque ressuscité, semblent l'exiger de l'auteur. Elles sont tentées de lui dire ce qu'écrivait Cicéron à César: "Non satis diu vixisti gloriae."
EDMOND ROSTAND 1902 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais, pour mieux bénéficier de sa cure d'air, le poète a détendu les cordes de sa lyre. Cet automne, elle n'a vibré qu'une fois, mais si harmonieusement, pour chanter un hymne de bienvenue au grand vieillard qui est à cette heure, dans le monde, la personnification la plus haute du courage, de la vertu et du malheur.
L'existence que mène à Cambo M. Rostand se partage entre le travail, la surveillance des études de ses aimables enfants et la promenade. Plusieurs fois par semaine, il pose devant un peintre bayonnais de l'atelier Bonnat, M. Pascault, ancien élève de l'Ecole des beaux-arts. L'œuvre de ce jeune artiste, dont le talent s'est déjà affirmé, sera sûrement une des attractions du prochain Salon.
EDMOND ROSTAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
En ces derniers jours d'automne, ce coin radieux du pays basque s'est paré de la plus séduisante beauté, celle qui s'épanouit tout entière parce qu'elle se sent menacée de la mort, et que ses instants sont comptés. Aussi, chaque matin, à défaut de Pégase, c'est un ardent coursier que le poète enfourche. La variété et le charme des sites environnants rendent ces chevauchées des plus attrayantes. Les grondements furieux de la mer de Biscaye qui, par les soirs paisibles, montent jusqu'à Etchegoria l'ont aussi entraîné sur les plages ensoleillées de Biarritz et de Saint-Jean-de-Luz. Mais pour M. Rostand, l'attrait de cette région n'est pas seulement dans sa nature merveilleuse, il est encore dans cette belle population basque, qui a échappé à l'unification des mœurs des provinces françaises, et qui a su garder intacts son vieux langage, ses pieuses traditions, et ses coutumes surannées.
EDMOND ROSTAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les origines des Basques restent et resteront probablement toujours mystérieuses à la science. On s'est demandé s'ils étaient Phéniciens, Celtes, Carthaginois ? S'ils avaient des affinités de race avec les peuples nombreux qui ont passé sur leur sol ? Ce que l'histoire proclame, c'est leur amour indomptable de l'indépendance. Rome est maîtresse de l'univers. Seuls, les Cantabres restent à soumettre.
EDMOND ROSTAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cantaber in bello, Terribilis ut leo. dit Horace.
Après trois siècles de lutte, ne pouvant les vaincre, Rome se les attache par un traité d'amitié.
Ce sont eux qui, à Roncevaux, écrasent l'arrière-garde de Charlemagne. On sait que la mort de Roland, d'Olivier et des douze pairs de France, fut pour le moyen âge ce que le siège de Troie avait été pour l'antiquité, une source féconde de chants, épiques. Si, avec la chanson de Roland, qui est l'Iliade de la France, les vaincus de Roncevaux ont leur épopée, funèbre, avec le chant d'Altabiscar, qu'Henri Martin trouvait d'une si étrange et si sauvage beauté, les Basques vainqueurs ont leur hymne de triomphe en cette même journée.
Au moyen âge, marins aventureux, ils précèdent les Espagnols dans la découverte de l'Amérique. Plus tard, corsaires, intrépides, ils sont la terreur des Anglais. Quand la Révolution éclate, ils courent aux armes, forment un bataillon de chasseurs sous les ordres de leur compatriote Harispe, mort maréchal de France, et triomphent des Espagnols. Ils sont en suite dirigés sur la Vendée, et l'héroïque Charette demandera comme un honneur aux généraux républicains d'être fusillé par les chasseurs basques.
MARECHAL HARISPE PAYS BASQUE D'ANTAN |
A Iéna, Napoléon passe devant le 4e léger, composé de Basques.
— Vous avez là un beau régiment, colonel.
— Plus brave que beau, sire, répond Harispe, qui le commandait.
— Nous le verrons tout à l'heure, riposte l'Empereur.
Le soir, après la victoire, aux pertes subies par le régiment Napoléon put s'apercevoir que le colonel avait dit vrai.
Harispe était grièvement blessé, ainsi que trois de ses frères.
Mais ce n'est pas seulement par sa vaillance que cette race gagne la sympathie. La vivacité de son intelligence, la franchise de son caractère, l'amour de la famille, l'énergie de ses sentiments, chrétiens, le culte des vieilles traditions en ont fait un peuple à part. Tout, même leurs amusements, revêt une empreinte d'originalité. Loti, avec son Ramuntcho, Gaston Deschamps, dans des lettres récentes, ont popularisé le jeu de pelote qui donne aux Basques une vigueur et une agilité passée en proverbe.
Pendant sa villégiature, il sera peut-être donné à M. Rostand d'assister à un spectacle perdu ailleurs dans toute la France, les pastorales. Legs du moyen âge, débris intéressant de ces représentations dramatiques données jadis dans les églises et sur les places publiques, les pastorales ont gardé la tradition toute populaire des romances de la chevalerie, des chansons de Geste et des poèmes épiques du moyen âge.
EDMOND ROSTAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
Poèmes épiques... ai-je écrit ! Mais quel spectacle peut avoir plus d'attrait pour l'illustre auteur de Cyrano!
Si les journées sont belles à Cambo, les soirées sont quelquefois longues. Aussi, prête-t-on à M. Rostand l'intention de les utiliser en apprenant la langue basque. Charles-Quint, qui était un polyglotte distingué, parlait basque à son confesseur. De nos jours, le prince Lucien Bonaparte était arrivé à avoir une connaissance complète de la langue euskarienne, dont l'antiquité, la beauté et l'originalité sont attestées par les savants.
EDMOND ROSTAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
C'est une étude pénible, mais qui n'est pas au-dessus du courage du poète "héroïque".
EDMOND ROSTAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
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