SUITE À LA MORT D'EDMOND ROSTAND LE 2 DECEMBRE 1918, SA VILLA ARNAGA DE CAMBO-LES-BAINS EST MISE EN VENTE EN 1920.
C'est une immense demeure de 40 pièces construite par l'architecte Joseph-Albert Tournaire dont on commence à annoncer la vente en octobre 1920.
ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le "feuilleton" de la vente d'Arnaga est suivie régulièrement par la presse, et en particulier par
la Petite Gironde et la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque.
- Le 20 octobre 1920, la Petite Gironde indique :
"On annonce la prochaine mise en vente, au prix de 3 millions, de cette magnifique demeure d’Arnaga, à Cambo, que le poète Edmond Rostand avait édifiée avec amour et où il avait réalisé son rêve d’artiste somptueux et raffiné, en appelant à lui les concours d'amis très chers parmi les grands créateurs d’images de ce temps.
LA VENTE DE LA MAISON D'EDMOND ROSTAND CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il avait gardé à la maison le caractère l’allure générale du style basque. Tandis que l'intérieur se fleurissait d'une décoration picturale où les Gaston La Touche, les Henri Martin, les Hélène Dufau, etc., ont donné le meilleur d’eux-mêmes, tandis qu’un seul paravent essentiel à la mise en valeur d’une salle représente une fortune, les jardins se développent suivant le rythme classique.
FRESQUE DE GASTON LA TOUCHE ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
On a trop souvent parlé des adorables jardins à la française et des aménagements d’Arnaga pour qu'une description détaillée soit ici nécessaire.
Ce n’est pas sans mélancolie que les amis et les admirateurs de Rostand apprendront que le séjour enchanté du poète va passer en des mains étrangères.
Puissent-elles, par un pieux respect pour la mémoire de ce lui qui composa cet ensemble, lui garder sa valeur d’art et un peu de son âme de temple désaffecté !"
- Le 31 octobre 1920, la Petite Gironde poursuit en décrivant les extérieurs et l'intérieur
d'Arnaga avec les décorations de Clémentine-Hélène Dufau et les tableaux de Gaston La
Touche.
TABLEAU DE GEORGES DELAW ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
- Le 16 septembre 1922, la Petite Gironde indique que :
"Les Merveilles d'Arnaga vont se dissiper au vent des enchères publiques.
A la fin de ce mois de septembre, le marteau du commissaire priseur dispersera aux vents des enchères les meubles, les bibelots, les peintures, les livres, toute une véritable richesse artistique et intellectuelle que le goût très sûr du poète avait accumulée à Arnaga.
Ce marteau est impitoyable. Il y a deux ans, il dispersait les merveilles que la fantaisie d’une charmante femme avait réunies à la villa « Juliette ».
Ce marteau s’acharne. Sous son bruit sec, il semble vouloir réduire en miettes, en miettes de souvenirs et d’histoire, toute une époque, celle qui a été l’essor de Cambo, et qui fut telle que, certainement, jamais plus il n'en revivra de semblable.
Elle va de 1900 à 1910; sous ces ombrages, ce n’était que fêtes, plaisirs délicats, raffinements intellectuels.
Cambo fut à ce moment le jardin de la France. Vers lui se dirigeaient l’intérêt, le désir, les regards de tous ceux qui ont un nom dans les lettres, dans les arts, dans la science, dans le domaine moral. Et Cambo connut des heures de saint enchantement, comme celles qui précédèrent et suivirent l’arrivée de M. Rostand. Boccace fut ainsi accueilli à Florence.
Chaque jour amenait une fête nouvelle. Les chanteurs, les troubadours venaient comme dans leur patrie. La • Castagne » n’a certes pas oublié ce que fut sa réception quand elle vint célébrer la promotion du poète à la croix d’officier dans la Légion d’honneur. Les comédiens qui passaient dans le voisinage se faisaient un devoir de venir saluer la demeure du poète. C’était leur pèlerinage de La Mecque. Les Grands, les Riches s’empressaient dans ce sillage.
AUBADE DE "LA CASTAGNE3 A EDMOND ROSTAND CAMBO PAYS BASQUE D'ANTaN |
Pour Sarah Bernhardt, Cambo fut la Terre sainte; pour Coquelin, la Terre promise, où il ne fit qu’entrevoir l’œuvre qui fut son dernier rêve.
Quelle belle journée fut encore celle de la visite de Mme Poincaré à ses excellents amis d’Arnaga, pendant que le Président inaugurait, en se rendant en Espagne, la série de ses grands voyages qui devaient le conduire en Russie...
Alors, les pigeons blancs, les pigeons de Vénus formaient cortège autour du miroir d’eau qui réflétait les Pyrénées. Cambo vivait des heures aussi belles, aussi brillantes que celles de Trianon et de Versailles. Rien ne faisait prévoir les gros nuages.
Ils sont venus et ont laissé derrière eux la ruine, le deuil irréparable. Tout un passé s’est évanoui comme un nuage vaporeux sous le vent d’autan. Où iront les tableaux, les Holland, les Fragonard, les laques du Coromandel, les meubles du salon, impérial, les fresques de Mme Dufau, les images de Weber, le sceptre du tsar Pierre le Grand ?
L'AUTOMNE DE CLEMENTINE-HELENE DUFAU ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Hélas ! où vont toutes choses Où vont les feuilles de rose...
Mais quand même une ombre restera. Les meubles peuvent être dispersés, les bibelots pourront connaître de nouveaux destins, les livres pourront être éparpillés, le maison elle-même pourra changer de nom, de façade, la poésie reste, elle, immortelle et insaisissable. Ses fidèles la verront toujours flotter sur le promontoire d’Arnaga."
- Le 28 avril 1923, la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque poursuit :
"Il y a quelques mois on dispersait aux Jeux des enchères les meubles et les bibelots que le grand poète Edmond Rostand, qui fut aussi un grand ami du Pays Basque, avait réuni dans sa villa d’Arnaga, à Cambo.
Et c’est avec un sentiment de mélancolie que tous les amis de l’illustre écrivain et les admirateurs du Beau les avaient vu disperser. Mais ce n’est plus seulement ce qui faisait partie du mobilier autour de quoi, il semblait qu'un peu de ce qui avait été le génie et la sensibilité de l’auteur de Cyrano, de L’Aiglon et de la Princesse lointaine flottait encore, qu’on va vendre au bruit inharmonique du marteau du commissaire-priseur. C’est Arnaga lui-même, c’est la magnifique propriété que Rostand avait fait construire, ce sont les jardins où il promenait ses rêves que l'on va mettre en vente le mois prochain.
JARDINS D'ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Encore une fois ne pourrait-on faire que celte propriété pleine de souvenirs et qu’habita la gloire ne tombe pas entre les mains de quelque indifférent ? Nous disons « encore une fois » car la Gazette l’an dernier déjà posa la même question.
Arnaga devrait devenir le Musée Rostand — devant lequel pas un touriste ne passerait sans s’arrêter pour le visiter ; vers lequel on viendrait de tous les points de notre région, fréquentée chaque année par tant d étrangers, admirateurs et amis du génie français.
L'achat par l'Etat ?... Nous y avions songé. Mais hélas ! l’Etat n’est plus riche. On connait la détresse de ses laboratoires. L’an dernier nous posions, au cours d’une interview la question à M. Léon Bérard, ministre de l’instruction Publique. Le ministre eut un sourire mélancolique, leva les bras au ciel et dit : « Ah ! si j’avais de l’argent !... »
Ce que l'Etat ne peut réaliser, le beau geste à accomplir, la noble action à faire, quelqu’un ou quelques-uns en groupe constitués, ne peuvent-ils l’entreprendre ?... Notez que ce peut être à la fois une bonne action et une affaire rémunératrice de la mise de fonds, puisqu'on pourrait à l'entrée percevoir un droit. Les visiteurs l’acquitteraient avec plaisir pour pénétrer dans le Musée où sommeilleraient les souvenirs de celui dont la gloire reste et restera vivace dans le Monde."
- Le 31 mai 1923, la Gazette poursuit :
"L’Avenir d’Arnaga
Il est temps encore d’empêcher que le Domaine d'Edmond Rostand tombe entre des mains indifférentes.
Arnaga. mardi, à Paris, n'a pas trouvé d’acquéreur, ainsi que nous l’avons dit hier.
Cet événement est très commenté.
Voici ce qu'en dit le « Figaro » : En la Chambre des notaires, on vendait « Arnaga », ou plutôt on mettait en vente « Arnaga », la demeure étincelante et fastueuse qu’Edmond Rostand, au sommet du mamelon de Camho, édifia avec tant d'amour. La première mise a prix avait été, cette fois, abaissée à 8oo.ooo francs, plus 150.000 francs pour les laques et les peintures. et l’on parlait, sous le manteau, de compétitions qui laissaient supposer que l’adjudication aurait lieu.
11 n’en a rien été.
11 faut s’étonner qu’un si admirable domaine, où Rostand s’était dépensé avec un goût si magnifique et qui était très loin d'être offert au prix qu’il a coûté, n’ait point trouvé d’acquéreur; mais il est vrai que les acheteurs susceptibles de signer des chèques d’un million et de supporter le poids de l’entretien d’une telle propriété ne sont pas très nombreux.
Convient-il, cependant, de déplorer ce nouvel insuccès ? Les acheteurs éventuels que l’on nommait étaient des étrangers, un Espagnol, un Américain, dit-on. Ceux qui ont aimé Edmond Rostand, ceux qui ont connu Arnaga, ceux qui savent tout ce qui y a laissé de lui-même un grand poète et un grand coeur, n’envisagent pas sans affliction que cette belle maison basque et son ample jardin français, où naquirent, entre autres, « Chantecler », la "Dernière Nuit de don Juan" puissent devenir la propriété d’étrangers, si sympathiques qu’ils soient n notre pays.
Nulle antre destinée n’est digne d’Arnaga que d'en faire une propriété nationale.. Ce qui importe, maintenant, c’est d’examiner les moyens de l’acquérir pour l'Etat. Une maison de repos, de méditation, quelque chose comme un refuge ou une revanche, qui serait donnée aux poètes, tel doit être le sort d’Arnaga. C’est tout de suite qu’il faut se préoccuper de lui assurer la seule destination qui soit la sienne.
Ainsi donc le « Figaro » soutient une thèse que nous avons nous-même défendue à la « Gazette ». à savoir qu’on ne saurait laisser tomber la demeure où vécut, où écrivit un de nos plus grands poètes et auteurs dramatiques entre des mains sacrilèges ou seulement indifférentes.
Nous avions suggéré l’idée quelle devint la propriété de l'Etat. Nous nous sommes heurté, il y a quelques mois, à dès objections d'ordre budgétaire. M. Léon Bérard nous déclara : « Hélas ; où prendrai-je l’argent nécessaire ?... »
Nous nous sommes demandé depuis si une sorte de consortium du Beau et du Souve nir ne pourrait pas faire l'acquisition d’Arnaga pour y loger un Musée Rostand — musée à entrée payante, rappelons-le. Mais par une entente, dont les modalités seraient à trouver, entre l’Etat, l’Institut et des particuliers, ne pourrait-on arriver au résultat cherché ?
Nos gouvernants et les admirateurs de Rostand ont la chance de bénéficier d’un délai. Nous avons bon espoir qu'ils en profiteront pour trouver une solution qui réponde au vœu que nous avons exprimé."
ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
- le 1 juin 1923, le feuilleton continue dans la Gazette :
"Arnaga propriété nationale Musée ou Maison des Poètes ?...
Si l'on ouvrait une souscription publique ?... Un industriel est prêt à s’inscrire pour 50.000 francs.
La vente blanche d’Arnaga continue de défrayer les conversations et de faire l’objet des commentaires de la presse. Nous avons reproduit hier un article du Figaro, d’accord avec la thèse que nous n’avons cessé de défendre : l’acquisition d’Arnaga pour convertir le domaine d'Edmond Rostand en musée ou en Maison des Poètes. L’Eclair de son côté vient d’y consacrer, sous la signature de M. Marcel Espiau un entrefilet que voici :
La villa que Rostand fit construire à Cambo, devant la chaîne des Pyrénées bleues, et au pied de laquelle la Nive, paresseuse, se prélasse; « Arnaga », le chalet basque aux volets pleins; «Arnaga», que le poète entoura de soins si tendres et para de si belles choses, était, hier, présenté aux enchères publiques. La famille demandait une somme de 800.000 francs pour céder cette propriété somptueuse. 800.000 francs seulement ! au lieu de 1.500.000 l’année dernière. On ouvrit la vacation... on attendit l’acquéreur éventuel, le riche Espagnol... le milliardaire américain... ; on attendit le mécène dont on avait parlé sous le manteau : on attendit... en vain. Aucun Madrilène, aucun Yankee, pas un seul Crésus admirateur de celui qui fit Cyrano n’apporta sa parole et ses billets de banque à la vente du chalet pyrénéen.
Pourquoi donc « Arnaga », où vécut, pensa et souffrit peut-être Edmond Rostand, ne deviendrait-il pas une propriété nationale ou un musée ? Pourquoi n'ouvrirait-on pas une souscription publique ? Nous connaissons un manufacturier, M. Cuny, qui offre de se placer en tête de liste pour une somme de 50.000 francs. Ce serait là une occasion de servir la mémoire d’Edmond Rostand, poète incomparable de la rime.
SALON EMPIRE ARNAGA CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
mes grand-parents avaient acquit la précédente demeure d'Edmont Rostant (Etche Gorria) à Cambo dans les années 1910 à 1915 pour la quitter aux alentours de 1930, ils en avaient fait un sanatorium
RépondreSupprimerleur départ de cette demeure reste nébuleux je souhaiterais en savoir plus à ce sujet mais je ne sais comment procéder merci par avance d'une éventuelle aide dans ce projet
cela dit votre travail sur Arnaga est exemplaire je vois maintenant Monsieur Rostand avec un autre regard
merci pour ce bel article