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vendredi 18 août 2017

CONSPIRATION FRANQUISTE AU PAYS BASQUE NORD EN AVRIL 1937

CONSPIRATION FRANQUISTE SUR LA CÔTE BASQUE EN AVRIL 1937.


La Guerre Civile Espagnole, commencée de l'autre côté des Pyrénées le 18 juillet 1936, eut des ramifications en Pays Basque Nord, avec son lot d'espionnage, de trafics d'armes et de coups tordus.

Malheureusement, ce furent souvent les réfugiés Républicains qui se croyant en sécurité chez 

leurs cousins du Nord, en payèrent le prix.


Parmi les innombrables épisodes de cette guerre "sale", que l'on rencontrera encore des 

décennies plus tard, en voici un que raconte le Petit Journal, dans son édition du 2 avril 1937 :


"Monsieur le député, est un grand ami des réfugiés nationalistes. Ses soucis il les partage avec un de ses collègues. Le principal de ces soucis-là n'est-il pas d'éviter que ne soient expulsés les Espagnols qui circulent un peu trop d'une frontière à l'autre et qui sont trop ouvertement les agents de renseignements du G. Q. G. (Grand Quartier Général) rebelle chez nous. Aussi, ces Messieurs, couvrent-ils de leur protection les grands d'Espagne menacés d'expulsion par des Français loyaux, soucieux de paix, d'indépendance ou simplement de neutralité. 


pays basque autrefois
DEPUTE  DE MAULEON JEAN YBERNEGARAY
PAYS BASQUE D'ANTAN

pays basque autrefois
DEPUTE JEAN-LOUIS GILBERT TIXIER-VIGNANCOUR
PAYS BASQUE D'ANTAN

Si le marquis de Linarès à été expulsé en septembre, théoriquement, il continue d'opérer sur la Côte Basque. Préférant la tranquillité nocturne de la France à celle moins certaine de l'Espagne, il vient chaque nuit coucher à Hendaye. De même le marquis d'Oviédès qui n'a pas cessé, malgré l'arrêté d'expulsion de « travailler » à Saint-Jean-de-Luz. Et tant d'autres... 


Que dire aussi de celui qu'on nous signale, un certain Eduardo de Eroso, jadis vague attaché du Consulat d'Uruguay, nous dit-on, qui vient chaque semaine jusqu'à Paris, et transporte parait-il des armes qui passent la frontière sous le couvert de la plaque apposée à sa voiture qui indique qu'elle est une voiture du Corps diplomatique, alors que ce M. de Eroso n'appartient plus et depuis longtemps à la diplomatie. D'ailleurs, il est surprenant de dénombrer les voitures portant les initiales C.D. qui circulent sur la côte. C'est à croire que tous les corps diplomatiques du monde ont envoyé toutes leurs voitures à la frontière espagnole... 


Quand quelques-uns des grands d'Espagne furent frappés d'un arrêté d'expulsion, étant donnée leur activité inquiétante par le contrôle qu'ils exercent en quelque sorte sur la vie à la frontière, une grande émotion se manifesta dans certains milieux commerçants du pays. La municipalité de Biarritz ne menaça-t-elle pas, en apprenant la nouvelle, de démissionner tout d'un bloc si l'expulsion était effective ? 


C'est alors que le Consul d'Espagne à Bayonne fut approché diplomatiquement. On lui exposa la situation, l'impossibilité de résoudre ce dilemme, et on le convia à trouver une solution diplomatique, c'est le mot qui fut employé. On lui demanda d'intervenir personnellement auprès de ces grands d'Espagne et de les prier d'envisager de retourner de plein gré chez eux... 


Le consul sourit encore à ce souvenir, car ces expulsés sont toujours là, la diplomatie fut-elle courtoise et cousue de fil blanc n'a guère de prise sur eux. Ce sont des gens qui dépensent de l'argent chez nous, qui font vivre d'une vie inespérée vraiment ces plages estivales, en plein hiver, et voilà qui mérite évidemment d'être considéré, pesé. Qu'importe après tout que le général Bérenguer dirige les opérations du contre-espionnage au vu et au su de tous, qu'importent les espions phalangistes, qui évoluent comme chez eux dans la mairie de Biarritz.


pays basque autrefois
GENERAL BERENGUER ET LE ROI ALPHONSE XIII
PAYS BASQUE D 'ANTAN

Ce n'est pas une fable. Dernièrement encore d'un bateau venant de Bilbao, débarquèrent des républicains espagnols. Ceux-ci comme tous les passagers et l'équipage furent soumis à la formalité de la vaccination à la mairie même. Or, à côté de la table du médecin et des employés de la mairie chargés de relever les noms des arrivants, il y avait une table occupée par quatre phalangistes qui eux aussi se chargeaient pour leur propre compte, de relever les noms des passagers. Dans quel but ? Les Espagnols qui débarquaient ce jour-là s'en émurent violemment et s'en inquiétèrent. 


On a signalé également que des listes envoyées de Bayonne à Paris proposant l'expulsion d'Espagnols rebelles parvenaient au G.Q.G. de Burgos avant même que Paris ait pris une décision à leur sujet. On a signalé la poste clandestine, les courriers régulièrement acheminés de la main à la main jusqu'à Burgos. On connait en haut lieu le centre d'organisation des fascistes internationaux où se rencontrent les lieutenants des chefs factieux de tous les pays. On sait quel chemin prennent les armes à destination des troupes rebelles et que des commerçants français zélés se chargent de faire passer par Dancharinea et le col d'Ibardin. 


On vous dira l'histoire des cinq avions trouvés à Biarritz, dans un garage prêts à être expédiés vers Burgos en décembre dernier, on ajoute que depuis cette date, malgré les interdictions, toutes les nuits des armes destinées aux rebelles n'ont pour ainsi dire pas cessé de passer la frontière. On s'étonne qu'un contre-maître d'usine italien agissant pour le compte d'une usine italienne opérant en pays basque puisse camionner sans être inquiété des fusils et des mitrailleuses hors notre frontière. 


On vous contera l'enlèvement d'une jeune femme française, Mme Alonso, née Dessirac, de Biarritz. C'est un récit rocambolesque. Cette jeune femme entretenait d'aimables relations avec d'aimables gentilshommes d'en face. Un ami reconnaissant la prévint, à son dernier passage à Irun, qu'il ne fallait plus qu'elle revint, car le danger de la prison, pour le moins, la menaçait. La dame se le tint pour dit. Mais un soir deux jeunes gens arrivèrent en automobile et sonnèrent à sa porte. Une fille du pays a vu Mme Dessirac descendre bouleversée, un manteau sur le bras, monter dans l'auto dans laquelle on la poussait, et l'auto disparaître. On ne devait plus revoir la jeune femme, Cela fit bien du bruit surtout lorsqu'on apprit que deux jours après l'enlèvement les deux jeunes gens étaient revenus, impunément, effrontément, perquisitionner dans la maison. Quant à Mme Alonso, née Dessirac, elle est parait-il prisonnière sur parole à Saint-Sébastien. 


On voit que les beaux Messieurs qui hantent les bars élégants ne perdent pas leur temps.


Certains députés du cru entretiennent avec des personnalités de l'autre côté des Pyrénées des relations fort cordiales et très suivies. On m'a lu cette lettre émanant, de M. de C....: 


"J'ai été bousculé. Je n'ai pas pu te joindre. J'ai des choses à te dire. J'ai vu ceux de mes collègues qui ont été en Espagne! Ils sont revenus très contents. Ils ont été reçus dimanche par Franco, réception chaleureuse au Ministère des Affaires étrangères. Enfin tout s'est admirablement passé sauf quelques gaffes de K... dont je te parlerai à l'occasion. Comme je parle toujours librement avec toi, je t'avoue qu'ils ont été un peu éprouvés de l'importance de l'influence allemande sur ton pays. Hélas, notre pays n'est jamais en état d'avoir de l'influence en quoi que ce soit. Conformément au désir de Los Andes, j'ai arrêté le voyage que devait faire T... dimanche prochain. Je te tiendrai au courant de ce qui va être fait au mois de janvier.,., etc..., etc.... ».


Rendons tout de même à M. de C, cette justice qu'il sait s'inquiéter de l'influence allemande en Espagne rebelle, pour l'effet que cela produit sur ses collègues, rien que pour cela.  


On aurait envie d'être ambassadeur rien que pour vivre dans la ville de Ciboure que M. Jean Herbette (Ambassadeur de France) a choisie pour sa résidence. 


La villa est accueillante. Bien sûr que les Français, dès que la porte de la maison est ouverte pour eux, s'y trouvent un peu en terre étrangère. En effet, le valet en livrée de l'ambassade de France, ne parle pas un mot de français. Il affecte même de ne le point comprendre. Il ne parle que l'espagnol, et son insolence n'est, paraît-il, due qu'au fait qu'il est un hidalgo, c'est du moins ce que nous a assuré l'attaché auquel nous avons exprimé notre surprise d'un accueil aussi étrange. L'hidalgo refuse de vous introduire. Vous, ne parlez pas espagnol, vous ne l'intéressez pas. Pourquoi le personnel de l'ambassade de France n'est-il pas essentiellement français ? 


Monsieur l'ambassadeur est un homme aimable et incroyablement souriant. En fait, il rit tout le temps au point que c'en est bien réconfortant.


— Je viens vous parler, Monsieur l'ambassadeur, des réfugiés nationalistes.


— Qu'appelez-vous nationalistes? C'est qu'avec tous ces nationaux et ces nationalistes Catalans ou Basques, je m'y perds (Monsieur l'ambassadeur sourit finement). 


— Ces nationalistes, dont je vous parle, ce sont ceux de la rébellion. — Que puis-je vous en dire. Ce sont des gens charmants, amis de la France, mais oui, de grands amis de la France. Leurs villas sont ici, leur fortune est ici, en partie, leurs enfants ont été élevés quelquefois chez nous.

 

— Ce qui ne les empêche pas, Monsieur l'ambassadeur, de manifester ouvertement leur antipathie pour le gouvernement de France. Des amis de la France qui nous insultent et qui nous narguent. Comme je voudrais montrer à M. Herbette, la lettre que j'ai pu me procurer et dont l'enveloppe à l'adresse d'une très grande dame d'Espagne, réfugiée à Saint-Jean-de-Luz, porte en lettres capitales à tous les coins, recto et verso : Viva Espana, Viva Portugal, Viva Allemania, Viva Italia, Viva falange Espanolo, et M. F. : ce qui signifie en bon français, l'expression étant courante et supportant l'abréviation : Mort à la France. 


Mais Monsieur l'ambassadeur a d'autres soucis. Il ne croit pas à tout cela qu'il n'a pas vu. Il est d'ailleurs fort occupé à essayer de délivrer , les Français malencontreusement aventurés dans cette grande aventure et détenus actuellement, sous menace de mort, dans les prisons rebelles. Comment voulez-vous qu'il ait le temps après cela de débrouiller tout le courrier de dénonciation, de réclamations, de protestations qui couvrent sa table. Et ce front populaire local qui s'en mêle et qui fait du tort, vous entendez, énormément de tort à ceux qu'il voudrait délivrer pour leur être agréable... Quant à refouler tous ces réfugiés loin des Pyrénées, est-ce que cela a vraiment tant d'importance ? 


-Ce qui est important, c'est de protéger notre frontière d'Espagne. Il ne faut pas se dissimuler que nous sommes menacés sur deux de nos frontières, et quand je dis deux, on ne peut pas se dissimuler non plus que la Suisse et la Belgique sont des territoires violables. Or, si les deux pays qui nous menacent sur nos autres frontières nous savent également menacés sur la frontière d'Espagne, ils nous tomberont dessus, c'est sûr. 


— Vous dites, Monsieur l'ambassadeur, que l'Italie et l'Allemagne, pays fascistes nous menacent. 


Monsieur l'ambassadeur a un geste qui voudrait exprimer quelque chose comme l'impuissance, l'évidence ou la fatalité. 


-Et donc que si le fascisme s'installe en Espagne, nous serons menacés sur une troisième frontière. 


Mais Monsieur l'ambassadeur ne rit plus. Il lève les bras au ciel : 


— Mais je n'ai pas dit ça... Hélas ! 


En manière de conclusion : J'ai eu l'occasion de vivre l'exode de la Sarre au lendemain du plébiscite qui livrait à l'hitlérisme une terre où vivait cependant un peuple qui n'était pas tout entier acquis au maître du troisième Reich. J'ai vu fuir les Sarrois anxieux d'échapper à l'emprise, et qui se réfugiaient chez nous, et auxquels on ne permettait pas de demeurer dans le voisinage de notre frontière... Ceux-là, on les refoula sans plus tarder vers de lointaines Toulouse ou Carcassonne. On avait jugé qu'il ne convenait pas de laisser se développer sur la frontière d'Allemagne un noyau d'amis de la France, antihitlériens. Car, ces gens traqués, ces réfugiés, dont l'ennemi est notre ennemi, on n'en a pas voulu sur la terre d'Alsace. C'était, paraît-il, une précaution. 


Les temps sont changés. Les réfugiés rebelles, amis de Franco, ennemis du gouvernement de front populaire, fût-il français, les réfugiés qui acclament au cri de Heil Hitler les marins allemand séjournant, au hasard d'une escale, à Saint-Jean-de-Luz ou à Biarritz, sont à peu de chose près, les maîtres chez nous...exactement à la frontière de l'Espagne rebelle. 


Des mécontents qui ne s'expliquent pas ce tour de faveur, citent en exemple le refoulement au-delà de la Loire des républicains espagnols chassés par la révolution de 1934. On avait jugé alors qu'il ne convenait pas de tolérer un noyau d'amis de la France, mais hostiles au gouvernement régulier de l'Espagne de 1934, à la frontière. 


On juge différemment aujourd'hui car ce noyau d'ennemis du gouvernement espagnol de 1937 est installé un peu comme en pays conquis sur cette même frontière, eux les ennemis de la démocratie, en pays ami de l'Espagne républicaine. 


On pouvait, sans que la France y perdit sa bonne renommée de terre d'accueil, refouler au-delà de la Loire, voire jusqu'au Massif central ceux qui nous ont demandé asile. C'eut été à tout le moins prudent et ma foi peut-être assez loyal. D'une loyauté, diplomatique."







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