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mercredi 30 août 2017

LE REFOULEMENT DES ÉTRANGERS AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1936


LE REFOULEMENT DES ÉTRANGERS QUI HABITENT NOTRE CÔTE BASQUE EN AOÛT 1936.

En pleine Guerre Civile Espagnole, des mesures sont prises, en août 1936, par le Gouvernement Français pour éloigner des réfugiés espagnols de la frontière franco-espagnole.


Voici ce qu'en rapporte la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition 

du 24 août 1936 :


"Le Maire de Biarritz proteste énergiquement auprès du ministre de l’Intérieur. 


Une dépêche de Perpignan, que nous avons publiée samedi dans notre troisième édition, nous apprenait que : "désormais les réfugiés espagnols devraient aller résider dans les départements du centre et non dans les départements frontières."


Et cette note ajoutait : "Ils devront déclarer leur arrivée en France, la ville dans laquelle ils désirent séjourner et la rejoindront sans stationner dans les Pyrénées-Orientales". Mais cela devait encore s’étendre à des "résidants étrangers". 


pays basque autrefois
PLAGE BIARRITZ - MIARRITZE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous apprenons, en effet, que les mesures prises ont déjà reçu un commencement d’exécution ; à Biarritz, une notabilité espagnole qui habite cette ville depuis cinq ans. et qui jouit, à juste titre, de l'estime générale, a dû partir pour être "refoulée" à l’intérieur. D'autres, vraisemblablement, auront avant peu le même sort, qui, pas plus que M. De Los Andes, ne font de propagande pour l’une ou l’autre des  parties aux prises de l’autre côté des Pyrénées, et qui respectent, avec dignité, les lois de l’hospitalité. 


On reste confondu devant l’incompréhension dont fait preuve, en cette circonstance, le gouvernement. 


Ainsi donc, on a pu troubler, sur la Côte Basque même, la tranquillité de nos hôtes par une agitation intempestive, on a pu méconnaître la légalité, sans que le gouvernement ait jugé utile d’intervenir ; ainsi donc le secrétaire général de la C.G.T. peut-il traverser la frontière pour aller porter l’aide morale, pour le moins, d'une classe de la société ; ainsi donc, des wagons de munitions provenant de Barcelone, peu après un cortège d’extrémistes venus de la même région, ont-ils pu circuler en Basses-Pyrénées, et ne peut-on plus souffrir que des Espagnols qui ne se mêlent en rien de ce qui se passe là-bas, mais qui observent ici le calme le plus complet, puissent y séjourner. 



pays basque autrefois
HOTEL BELVEDERE BIARRITZ - MIARRITZE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN

Si c’est ainsi que le gouvernement comprend la défense des intérêts du Tourisme, on se demande comment il ose affirmer par ailleurs qu’ils sont l’objet de ses soucis constants. 


Le fait est d’autant plus piquant — en même temps que navrant, — que dans les colonnes des journaux de samedi figurait, à côté de la dépêche de Perpignan, une note du haut-commissaire au Tourisme, qui déclarait — sur la suggestion, d’ailleurs du Maire de Biarritz, que "la sécurité la plus complète n’a jamais cessé de régner sur la Côte basque française". 


Cette sécurité nous la devons, pour une part, à la tranquillité et à la neutralité parfaite de nos hôtes. 


Que si quelque trublion — quelle que soit sa nationalité, — s’avisait de troubler l’une et de méconnaître l’autre, — alors serait-il temps ce prendre vis-à-vis de lui les mesures qui s’imposeraient. Mais rien de tel de la part de M. de Los Andes, rien qui puisse faire croire que telle serait l’attitude de nos fidèles résidants à Biarritz et sur la Côte basque française ou qui y viennent en touristes. 


Dès lors, la mesure gouvernementale apparaît-elle comme rigoureuse, vexatoire, inopportune et dangereuse pour les intérêts de la France. 


 

pays basque autrefois
HOTEL PALYM BIARRITZ  - MIARRITZE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN

M. le Maire de Biarritz, vient d'écrire au ministère de l’intérieur la lettre que nous reproduisons ci-dessous. 

18 août 1936. Le Maire de Biarritz à Monsieur le Ministre de l’Intérieur. 

(Sous le couvert de M. le le Préfet des B.-P.) 

Monsieur le Ministre, 


Les événements tragiques qui se déroulent de l'autre côté de la frontière ont provoqué dans notre région un phénomène qu'ont bien connu ceux qui ont vécu les premières heures de la guerre de 1914 et que sur le front, nous appelions "l'espionnite".


Ici comme là-bas, maintenant comme alors, il est des gens, plus particulièrement sensibles à la panique, qui voient partout complots, machinations, signaux nocturnes, codes secrets... et qui, sous couleur d'assurer la sécurité nationale, risquent de provoquer la pire confusion, et les erreurs les plus déplorables.


La Côte basque en général, mais Biarritz en particulier, a de tout temps offert l'hospitalité à de très nombreux espagnols. C'étaient même là, et ce sont encore pour notre région essentiellement  touristique, les meilleurs de ses clients. Le hasard de la politique en Espagne faisait qu'alternativement ce contingent de résidants comprenait une majorité de royalistes ou de républicains; puis d'hommes de gauche et d'hommes de droite. Le temps n'est pas lointain, en effet, pendant lequel parmi nos hôtes comptaient des noms connus comme ceux de Unamuno, Prieto, Largo Caballero ; puis c'était le tour des Maura et de tant d'autres.




pays basque autrefois
HOTEL REGINA 1936
BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais comme tous respectaient l'hospitalité qu'ils recevaient chez nous, nous tenions à l'honneur de leur assurer cette hospitalité.

A l'heure actuelle, si l'on peut dire que la majorité des résidants espagnols est apparenté avec les rebelles, je pourrais également citer de nombreuses familles de républicains gouvernementaux pour lesquelles les chefs de famille, chefs gouvernementaux, ont préféré la tranquillité de notre pays aux risques et aux affres d'une guerre civile.

Je puis affirmer que cette co-existence dans notre pays n'a entraîné aucun heurt entre ces hôtes étrangers; et qu'indistinctement, le sentiment partagé par eux est l'horreur de cette guerre criminelle.

Certes, on ne peut pas supposer que des Espagnols qui aiment passionnément leur pays puissent se désintéresser de ce qui s'y passe. Mais il serait absurde d'en déduire que la Côte basque et Biarritz en particulier sont le théâtre de je ne sais quels complots, de je ne sais quelle activité en faveur de tel ou tel parti.

J'ai été personnellement harcelé de prétendues révélations, de dénonciations de la part de braves gens dépourvus du plus élémentaire sang-froid, contre de pacifiques résidants (dont quelques uns ne sont même pas Espagnols, mais ont le tort de posséder un nom à consonance espagnole) qui commettent le crime : par exemple, de laisser les volets de leur chambre ouverts la nuit quand ils se couchent ou d'avoir un abat-jour rouge au lustre de leur salle à manger.

Sans doute ce genre de ragots n'épargne-t-il pas non plus vos services puisqu'il est devenu d'usage constant que pour la moindre affaire le dernier des citoyens saisisse directement le préfet ou même le ministre.

Quoi qu'il en soit, comme chaque maire dans sa ville, je suis le premier intéressé à ce qu'il ne soit fait par personne un abus de l'hospitalité donnée par Biarritz. Pour des raisons faciles à saisir, mais dont la principale est le souci de la tranquillité de ma ville, j'ai été le premier à donner mon approbation à M. le Sous-Préfet quand il a envisagé de prendre une mesure de refoulement à l'adresse de MM. Gil Robles et March.

Mais, autant cette mesure était prudente et sage, autant il serait injustifié et catastrophique de céder à quelques semeurs de panique; et par une mesure générale prise aveuglément à l'égard de toute une catégorie de résidants (dont le pire qu'on puisse dire est qu'ils supportent leur chagrin, chez eux, dans le silence et la dignité), consommer la ruine d'une région touristique déjà si éprouvée.


J'espère donc, Monsieur le Ministre, que vous ferez confiance de préférence aux hommes qui ont montré leur sens des responsabilités et leurs qualités de sang-froid au cours de ces heures difficiles; à M. le Sous-Préfet de Bayonne; aux inspecteurs de police, dont les rapports ne peuvent signaler que de rares cas d'activité, isolés et sans action bien caractérisée; et aussi aux municipalités de la Côte basque, qui sont, croyez-le, aussi soucieuses des intérêts de leur ville que du respect dû par l'étranger à l'hospitalité donnée par la France.


Dans cet espoir, je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de ma très haute considération.

Le Maire : F. Hirigoyen

pays basque autrefois
CONGRES PARTI RADICAL ET RADICAL SOCIALISTE
BIARRITZ - MIARRITZE OCTOBRE 1936
PAYS BASQUE D'ANTAN

Nous écrivions les lignes qui précèdent cette lettre, lorsque nous avons appris, à l'instant, que la situation se serait modifiée et qu'il serait sursis dans une certaine mesure et jusqu'à conclusion d'une enquête faite par le gouvernement, aux dispositions dont nous venons de parler. Pourtant certaines personnalités, très peu nombreuses d'ailleurs : il s'agirait de deux ou trois sur toute la Côte basque française, qui auraient fait preuve jusqu'ici d'une activité incompatible avec le respect des lois de l'hospitalité, en faveur d'une des deux parties en lutte en Espagne, auraient déjà été invitées à se rendre dans une région plus éloignée de la frontière.

Espérons que le gouvernement, mieux instruit de la situation, conformera les mesures qu'il aura à prendre éventuellement, aux nécessités touristiques, tout en assurant la tranquillité et la neutralité.


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