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dimanche 25 mars 2018

LA FÊTE DES FORGES DE L'ADOUR À BOUCAU - BOKALE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1886


LA FÊTE DES FORGES À BOUCAU EN 1886.


Vers 1880, est annoncée l'implantation de ce qui allait devenir l'usine "Les Forges de l'Adour".


boucau autrefois pays basque forges adour
FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le 25 mai 1883, on allume le premier Haut-Fourneau de la nouvelle usine sidérurgique.


Le 7 juillet 1884, l'usine est inaugurée officiellement et elle comptera jusqu'à 2 155 

salariés en 1920.

Puis, ensuite, les 3 années suivantes, une fête sera organisée, chaque année, 

regroupant direction, contremaîtres et ouvriers.


Voici ce que raconta à ce sujet le journal Le Petit Caporal, dans son édition du 10 août 1886 :



"Patrons et ouvriers.

A propos d'une fête.


Il m’a été donné d’assister, ces jours derniers, à une grande et véritable fête du travail qui présentait, à mon sens, un réel intérêt social : c’est à ce titre que j’en veux dire deux mots. 


Inutile d’ajouter, n’est-ce pas, que ce n’était pas le 14 Juillet. Disons tout d’abord qu’il existe au Boucau, à deux pas de Bayonne, une vaste usine métallurgique, qui n’occupe pas moins d’un millier d’ouvriers. 


Cette usine — les Forges de l’Adour — est de fondation récente. Autour d’elle se sont groupées peu à peu des centaines d’habitations; de vastes cités ouvrières ont été édifiées, et le Boucau, assis à l’embouchure de l’Adour, est maintenant une véritable petite ville qui ne compte pas moins de cinq ou six mille habitants. 




boucau autrefois pays basque forges adour
FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Or, il y a de cela trois ans, pour célébrer dignement l’inauguration de l’usine, le directeur des Forges de l’Adour eut l’idée d’organiser une fête : depuis, la fête est devenue annuelle ; et, si c’est encore la direction qui en prend l’initiative, les ouvriers en sont les véritables organisateurs. 


Les frais de la fête sont couverts par une souscription dans laquelle la direction des Forges intervient certes pour une large part, mais à laquelle aussi chaque ouvrier contribue dans la mesure de ses moyens. 


Le personnel, d’accord avec la Direction, arrête le programme et... la fête commence. 


Ce n’est pas, comme bien on peut penser, dans le détail des réjouissances diverses que réside l’intérêt de la fête du Boucau. 


boucau avant
AVENUE DES FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il est bien évident que ce programme ne diffère pas sensiblement de celui des cérémonies semblables : ce sont toujours les mêmes jeux, les mêmes exercices variés avec les mêmes baraques foraines, puis l’inévitable feu d’artifice et finalement le bal traditionnel à la lueur des classiques lampions ou lanternes. C’est à côté qu’il faut rechercher l’intérêt pratique de cette fête, c’est dans la communauté de sentiments, dans la véritable fraternité qui réunissent les employés supérieurs de l’usine et les ouvriers et dont cette fête du travail est l’éclatante et significative démonstration. 


A sept heures du matin des salves d’artillerie annoncent le commencement des réjouissances.


C’est le signal du rendez-vous. 



Les neuf cents ouvriers de l’usine se rendent sur la place où déjà se trouve M. Magnin, le directeur des Forges de l’Adour.



boucau 1910 pays basque forges adour
FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE 1910
PAYS BASQUE D'ANTAN

Un immense cortège se forme bientôt : en tête un ouvrier portant le drapeau tricolore, derrière l'Harmonie Bayonnaise, puis le directeur des Forges entouré de son personnel et des contremaîtres, et à la suite les ouvriers groupés par corps d’état. 


On se rend à l’église de Tarnos, située à six kilomètres de l’usine et qui sera ce jour-là trop petite pour contenir cette affluence de fidèles. 




boucau autrefois
CHAPELLE DES FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Et qu’on ne s’imagine pas au moins que la messe soit obligatoire pour les ouvriers des Forges. J’ai eu l’honneur d’approcher à plus d’une reprise le directeur des Forges de l’Adour et je puis dire, je crois, sans crainte de le désobliger, que personne n’a moins que lui l’esprit d’un sectaire de l'une ou de l’autre nuance. 


Il se peut que le directeur des Forges de l’Adour aille à la messe, ce qui est tout au moins son droit, même en les temps où nous vivons, mais je doute fort qu’il se préoccupe d’y faire aller les autres. 




boucau 1915 pays basque adour forges
FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE 1915
PAYS BASQUE D'ANTAN

Et cependant, symptôme intéressant à noter, il suffit ce jour-là que rendez-vous soit pris en vue de passer par l’église, pour que personne ne manque à l'appel. Ceci veut-il dire que les 900 ouvriers de l’usine soient assidus à la messe d’un bout à l’autre de l’année ? Je n’en sais rien, mais je ne l’affirmerais certes pas.  


Il n’y en a pas moins dans ce fait un symptôme caractéristique et intéressant à noter, surtout lorsqu’on vient de voir des ouvriers de Decazeville demeurer à la porte de l’Eglise plutôt que d’accompagner jusqu’au bout la dépouille d’un homme qui leur avait, dit-on, rendu quelques services. 


Il est vrai d’ajouter qu’à Decazeville les ouvriers venaient d’assassiner leur directeur. Ceux du Boucau n’en sont pas là : ils accompagnent encore le leur à la messe et n’ont jamais été en contact avec Basly, Camélinat, Duc-Quercy et consorts.




boucau autrefois pays basque forges adour
FORGES DE L'ADOUR BOUCAU - BOKALE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Tout en reconnaissant que les ouvriers de Decazeville ne sont pas seuls responsables des atrocités qu’on leur fait dire et commettre, je suis pour ceux qui n’assassinent pas leur directeur, allassent-ils à la messe. Je vais même plus loin : si je savais que la messe put être pour quelque chose dans la diversité de mœurs qui existe entre les ouvriers de Decazeville et ceux du Boucau, dussé-je passer pour un "calotin" je voudrais qu’on allât à la messe à Decazeville comme on y va encore au Boucan. 


Aussi bien les sentiments de déférence et d’affection des ouvriers du Boucau pour leur directeur ne se montrent pas seulement à l’Eglise. 


Le soir de la fête, après le feu d’artifice, l’heure est venue d’ouvrir le bal. 


Sous une vaste tente ornée de guirlandes et de feuillages, éclairée par la lumière électrique, un orchestre est installé. Aux premières mesures de la contredanse un nouveau cortège s’avance. 


En tête se trouve Mme Magnin, la femme du directeur de l’usine, donnant le bras au premier contremaître des Forges : viennent ensuite les ingénieurs de l’usine ayant à leurs côtés les femmes des contremaîtres, puis les femmes des ingénieurs conduites par des employés. 


C’est ce groupe "officiel" qui tout à l’heure ouvrira le bal. 


Tout autour, se tiennent les ouvriers avec leurs familles ; puis la population Boucaloise et des milliers de Bayonnais venus pour prendre leur part de la fête. 


Un cercle se forme, la danse commence. 


Et tout à l’heure, lorsque viendra "la chaîne des dames", lorsque Mme Magnin conduite par un contremaître, tendra sa main à la femme d’un ouvrier, tandis que la femme d’un ingénieur mettra la sienne dans celle d’un employé, aux applaudissements enthousiastes des assistants, ce quadrille deviendra le véritable symbole  de la fraternité et de l’égalité, et la communion du matin — qu’on nous pardonne ce rapprochement profane — aura trouvé ainsi une sanction nouvelle. 


Eh bien, je ne crains pas de le dire, après les sanglantes saturnales de l’Aveyron et les tristes débats qui en ont été l’épilogue, c’est un spectacle consolant que d’assister dans un milieu analogue à une fête du travail et de la fraternité comme celle des Forges de l’Adour. 


N’êtes-vous pas de mon avis ? 


Quelqu’un a dit autrefois, dans un hoquet de jouisseur repu, qu’"il n’y avait pas de question sociale".


Hélas ! il y a encore une question sociale, les questions sociales étant faites surtout de la haine et des rancunes de ceux qui se prétendent des déshérités contre les autres. 


Mais le jour où régnerait partout l’esprit de concorde et de fraternité dont j’ai pu voir l’autre jour l’éclatant témoignage, peut-être n’y aurait-il vraiment plus de question sociale."


(Source :http://www.boucau.fr/)






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