LE CLERGÉ AU DIOCÈSE DE BAYONNE EN 1908.
En 1908, le diocèse de Bayonne est composé de deux entités, la Basque et la Béarnaise.
PREMIERE COMMUNION BOUCAU - BOKALE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que raconta à ce sujet la presse, dans le journal Le Siècle , dans son édition du 22
octobre 1908 :
"Au diocèse de Bayonne.
Le clergé.
Le diocèse de Bayonne comprend deux clergés absolument distincts : le clergé basque et le clergé béarnais. Leurs paroisses sont rigoureusement délimitées. Pour les diriger et les surveiller, il y a un vicaire général basque et un vicaire général béarnais. Lorsque le siège épiscopal est vacant, un vicaire capitulaire de chaque race est chargé de l'administration de leurs territoires. Deux petits séminaires spéciaux forment, les prêtres. Et, s'il n'y a qu'un seul grand séminaire, la même division y règne moralement. Pour les étudiants basques, il n'y a que les directeurs et professeurs basques qui comptent; les béarnais sont des étrangers.
Durant le régime concordataire, dans l'ancien grand séminaire, à Bayonne, les Basques occupaient une partie de la cour de récréation. Jamais les Béarnais ne devaient s'y engager : c'était une tradition aussi ferme que celles qui sont à la base des dogmes et des règles disciplinaires ecclésiastiques les mieux établies. La cour présentait une double physionomie. Tandis que tes Béarnais se promenaient tranquillement de leur côté, les Basques se livraient à de vigoureuses parties de balle. Il fallait les voir, les yeux ardents, la soutane retroussée, la poitrine découverte, poussant des cris rauques, pendant qu'un joueur, moins expert dans l'art, de lancer les coups, chantait en langue basque, sur une mélopée bizarre, les succès ou les revers des deux camps. Ce spectacle a paru à de nombreux théologiens plus intéressant que des séances d'argumentation scolastique.
Après la séparation des Eglises et de l'Etat, le grand séminaire a été transporté à l'autre extrémité du diocèse, à Nay, et il s'appelle "Institution théologique". Les Basques n'ont pas osé se réserver une partie de la nouvelle cour de récréation, mais il n'en font pas moins volontiers bandes et jeux à part.
Après le séminaire, lorsque un ecclésiastique béarnais traite avec un confrère basque, il le trouve aimable, généreux, quoiqu'un peu rude. En groupe, vis-à-vis les uns des autres, ils se montrent dominés par le sentiment particulariste et font preuve d'un étrange exclusivisme. Les deux clergés sont juxtaposés et ne fusionnent nullement.
Au point de vue matériel, les prêtres basques sont généralement dans une meilleure situation que les béarnais. En profitent-ils pour s'instruire ? Rien ne le démontre. Au grand séminaire, certainement, les intellectuels ne dominent pas parmi eux. En général les prêtres basques ne se distinguent pas par la curiosité d'esprit. Ils sont, par tempérament, orthodoxes et conservateurs.
Ils aiment les convictions toutes faites, fortes et immuables. Ce sont les Bretons du Sud. Ils lisaient l'Univers au temps de Louis Veuillot. Quand il y eut scission dans la famille, ils suivirent la Vérité française. Le présent Univers, résultat de la fusion entre les deux tendances, leur paraît dégénéré.
Lé clergé basque comprend environ le tiers du clergé diocésain, les deux autres tiers sont tirés des familles béarnaises, sans qu'il ait jamais été besoin de faire appel à des auxiliaires étrangers.
Pendant le dix-neuvième siècle et presque jusqu'à la séparation des Eglises et de l'Etat, peu de clergés se sont recrutés aussi facilement et aussi convenablement que celui de ce diocèse. Comme il y avait toujours surabondance d'étudiants ecclésiastiques, on éliminait, dans le cours des études, ceux qui ne donnaient pas satisfaction pour la conduite ou même pour le travail. De plus, les candidats au grand séminaire devaient subir avec succès un examen d'entrée. Cette épreuve n'était pas difficile, à la vérité. Il fut même un temps où les religieux qui dirigeaient l'institution de Bétharram ne se gênaient pas pour dire que l'on était toujours suffisamment instruit pour aller au grand séminaire et réservaient tous leurs soins pour les jeunes gens qui se destinaient aux carrières libérales. Les élèves congédiés avaient toute facilité pour passer dans d'autres diocèses, où le recrutement du sacerdoce était moins aisé. Bayonne ne gardait guère que les éléments de bonne qualité et ils étaient toujours en nombre suffisant.
SEMINAIRE BETHARRAM |
Depuis la loi de séparation, une baisse s'est produite dans le nombre des postulants. Aussi, la sévérité des examens d'entrée a-t-elle été en diminuant. Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'une formalité. La porte est largement ouverte, mais peu de jeunes gens semblent décidés à la franchir. Quoi qu'il en soit de l'avenir, actuellement les cadres du diocèse sont remplis et ils l'ont été à peu près honorablement.
PETIT SEMINAIRE URT - AHURTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais quelle déception si l'on y chercha des saints et des savants ! Pour la première catégorie on ne trouve guère que les noms du père Garicoïts et de l'abbé Cestac.
Presque rien pour la seconde. Le recteur de l'Institut catholique de Toulouse, M. Pierre Batiffol, disait un jour que, des diocèses du Sud-Ouest, celui de Bayonne est "le plus riche en sujets et le plus pauvre en résultats". Le mot est juste. Il n'y a pas dix prêtres dont la réputation ait dépassé les limites du département.
Le premier est M. Dubarrat, ancien aumônier du lycée de Pau, actuellement archiprêtre de Saint-Martin de Pau. Erudit consciencieux, il se vante d'avoir fait pénétrer la critique dans le diocèse et non sans difficultés, puisqu'il eut à lutter publiquement contre un vicaire général, M. Inchauspé, à propos de l'authenticité d'une certaine sainte Eurosie. Mais il a toujours limité sagement sa curiosité. Il s'est abstenu de prendre parti sur la question de l'existence d'un saint Léon, prétendu premier évêque du diocèse, au neuvième siècle, et sur sa légende de tête coupée et de jaillissement spontané, d'une fontaine que l'on montre encore. Sa prudence a redoublé depuis qu'il est chargé d'un troupeau considérable dont il ne réussit pas, malgré, ses efforts, à faire la conquête. Comment ses ouailles aristocratiques oublieraient-elles ses origines républicaines ?
M. Dolhagaray, chanoine pénitencier à la cathédrale, a produit un article dans un Dictionnaire de Théologie en cours de publication.
L'abbé Pierre Hourat fonda une petite revue intitulée l'Informateur bibliographique. Il tomba malade et l'abbé Tauzin, professeur à l'école de l'Immaculée-Conception de Pau, prit la direction de sa revue. Il y publia, en février-mars 1903, sur l'Evangile et l'Eglise de M. Loisy deux articles montrant qu'il avait vu le fond de la question, chose rare à ce moment. M. Pierre Batiffol dénonça aux vicaires capitulaires cet esprit dangereusement perspicace. L'Informateur bibliographique disparut h la fin de l'année et, depuis, M. Tauzin n'a plus écrit.
Dans le genre dévot, le diocèse de Bayonne compte naturellement aussi quelques auteurs. L'abbé Pierre Poey met la doctrine catholique en tableaux synoptiques et publie des manuels de catéchisme. Il en a fait pour tous les âges, pour les personnes mûres, pour les adolescents des collèges et pour les premiers communiants dont il prépare les yeux, les oreilles, la bouche, les mains et les pieds. Qu'on ne cherche pas dans son fatras la science ou la sincérité. Pour cet industriel, le monde naquit 4004 ans avant Jésus-Christ.
L'abbé Casteig, supérieur du collège de l'Immaculée-Conception de Pau, écrivit, en 1900, un livre auquel il donna ce titre qu'il jugeait "modeste": Les Mondes, leur origine, leur habitabilité, leur fin probable. Les mondes du système solaire. Depuis, il a quitté ces régions supraterrestres et s'est appliqué à remédier aux faiblesses du genre humain, qu'il dit connaître, en lui proposant plusieurs livres de méditations, Aimez Jésus, le Coeur de Jésus, Aimons Jésus, trilogie sans logique. Auteur fadement sentimental, dont on ne peut s'empêcher de dire qu'il a, comme le personnage connu de Molière, "cette intrépidité de bonne opinion qui fait qu'à son mérite incessamment il rit".
Telles sont les illustrations scientifiques et littéraires du diocèse de Bayonne. Les gens préoccupés de sa gloire lui attribuent volontiers l'honneur, d'avoir produit le cardinal Charles Lavigerie. Ce n'est pas tout à fait exact. Ce personnage naquit dans un village qui appartenait alors au département des Landes et au diocèse d'Aire, et qui fut annexé seulement une quarantaine d'années plus tard au département des Basses-Pyrénées et au diocèse de Bayonne. Son père, contrôleur des douanes, ayant été nommé, pour peu de temps, dans un poste des Basses-Pyrénées, Chartes Lavigerie fut mis au petit séminaire basque de Larressore. Il n'y resta qu'un an. On le congédia, pour avoir, en prenant une leçon de musique, jeté sa flûte à la tête de son maître. L'administration ne tenait pas à conserver un adolescent d'un caractère aussi violent, ne payant pas de pension et n'appartenant pas au diocèse. Des prêtres, pleins de confiance dans son intelligence, le recommandèrent à l'abbé Dupanloup, qui lui accorda une bourse dans son petit séminaire Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Devenu cardinal, il disait un jour qu'il devait tout l'éclat de sa carrière à l'injure qu'il avait faite à son professeur. Sans cet acte, il eût végété parmi les joueurs de cartes du diocèse de Bayonne.
CARDINAL LAVIGERIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
SEMINAIRE LARRESSORE - LARESORO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans ce clergé, en effet, on peut former des coteries, cabaler contre un évêque ; on ne se passionne pour aucune grande idée. Pendant tout le dix-neuvième siècle, pas un de ses membres ne s'est distingué dans ces débats qui, ailleurs, ont agité de fortes intelligences, le gallicanisme, l'ultramontanisme, le libéralisme.
Dans le troupeau de fidèles, il n'y eut qu'un seul prétendu libéral, et son nom fait sourire : le sénateur Charles Chesnelong. Il avait une grande admiration pour Lacordaire et il envoya ses fils, à l'exception de celui qui est actuellement évêque de Valence, terminer à Sorrèze leur éducation commencée au petit collège ecclésiastique d'Orthez. Pour beaucoup de prêtres de ses compatriotes qui n'admettaient pas qu'un bon chrétien s'écartât en rien du passé. Charles Chesnelong était libéral, déplorablement libéral."
CHARLES CHESNELONG (SOURCE WIKIPEDIA) PAYS BASQUE D'ANTAN |
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