LA "MATA-HARI" BASQUE.
Tous les 8 mars, est célébrée la Journée Internationale des droits des femmes.
Cette journée met en avant la lutte pour les droits des femmes et notamment celle pour la réduction des inégalités, salariales entre autres, par rapport aux hommes.
MARGA D'ANDURAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai présenté, il y a un an, pour cette journée de luttes, le portrait de femmes
emprisonnées dans la sinistre prison de Saturraran, à Mutriku, sous le régime de Franco.
Cette année, je vous présente le portrait d'une aventurière Basque, affublée de nombreux
surnoms : "la Mata-Hari Basque", "la reine de Palmyre", "la comtesse aux vingt crimes",
"la maîtresse de Lawrence d'Arabie", "l'émule de la Brinvilliers" ou "l'amazone du désert".
Comme vous le verrez, sa vie a été exceptionnelle et je vous propose de vous la présenter en
plusieurs parties.
Née en mai 1893 au Pays basque dans une famille de notables issus de la magistrature,
Marguerite Clérisse était la cadette d’une famille comptant trois enfants (un frère surnommé
Pitt et une sœur, Mathilde).
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Traditionaliste, sa famille lui avait donné une éducation catholique et l’avait envoyée en
Espagne au moment de la crise des congrégations.
Elle avait là reçu son surnom, Marga, diminutif de son prénom.
Elle eut une enfance des plus classiques où elle apprit, comme toutes les jeunes filles de son
milieu, les vertus de la pureté féminine et le respect dû à l’autorité masculine tout en s’exerçant
au dessin, à la musique, à la broderie, à la couture, c’est-à-dire à tous ces arts qui devaient
concourir à agrémenter la vie du futur mari.
En dépit d’une indépendance d’esprit que l’on se plut à lui trouver a posteriori et dont elle-
même amplifia sans doute la valeur à des fins justificatrices, elle eut la vie conventionnelle
d’une jeune fille de bonne famille dans la France provinciale du début du vingtième siècle.
En raison de son milieu d’origine, de la fortune non négligeable que son père comptait leur
accorder pour dot, la famille Clérisse envisageait naturellement de pouvoir "bien" marier ses
filles, autrement dit de leur permettre d’acquérir ce que, ni l’argent ni la beauté ni la
compétence intellectuelle n’octroyaient : un titre de noblesse, à tout le moins un nom à
particule.
En 1909, Marga rencontrait sur la plage de Biarritz l’un de ses cousins, Pierre d’Andurain.
Le mariage fut rapidement décidé entre les deux familles, mais il fallut attendre qu’elle ait 17
ans pour obtenir la dérogation qui permettait de marier les très jeunes filles.
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Au demeurant, son père Maxime Clérisse avait accepté l’union avec quelques réticences, car si
la recherche de la particule avait constitué, de son côté, un programme d’éducation familiale, il
déplorait le fait que son futur gendre soit encore "sans profession".
Marga allait découvrir, à ses dépens, qu’il s’agissait là non pas d’une anomalie passagère mais
d’un projet de vie.
Car s’il avait aux yeux de sa jeune et pétulante épouse beaucoup de qualités — grand, très bel
homme, affable, passionné d’équitation — Pierre concevait néanmoins difficilement qu’il soit
nécessaire de travailler.
Pour un homme "de son milieu", la recherche de l’argent avait quelque chose de dégradant.
Le couple démarra donc dans la vie en comptant sur la générosité des familles mais très vite, il
fallut se rendre à l’évidence : il devenait nécessaire d’inventer une vie dans laquelle l’absence
de labeur permettrait de "tenir son rang".
Leur goût commun pour les pérégrinations leur fit faire un long voyage de noce en Espagne, au
Maroc puis en Algérie ; leur premier fils, Jean-Pierre, naquit le 4 décembre 1911 à Tlemcen.
Ils restèrent en Afrique du Nord quelques mois encore jusqu’à ce que des difficultés financières
les fassent rentrer en France.
C’est alors que l’idée de partir au loin fut avancée.
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L'Argentine, terre d’eldorado pour tous les Basques, fut choisie comme patrie d’élection du
jeune couple qui comptait y faire l’élevage de chevaux.
Résolu à prendre en main les destinées de sa famille, il réclama une dernière fois le soutien
familial.
Les familles, elles-mêmes convaincues d’une réussite, financèrent le voyage.
Pierre partit seul d’abord à l’été 1912 avant d’être rejoint par sa jeune épouse, mais l’attentat
de Sarajevo vint mettre rapidement un terme à leur rêve argentin.
Pierre était résolu à revenir pour répondre à l’appel de la patrie en danger.
Au lieu de prendre sa revanche sur les Allemands, le jeune lieutenant du 49e régiment
d’infanterie – de Bayonne – faillit surtout passer en conseil de guerre.
En effet, après avoir été enterré vif avec ses hommes par un tir trop court, Pierre demanda
qu’on allonge le tir, mais il se vit répondre par son colonel d’artillerie que les calculs étaient
justes.
Ordonnant à ses hommes de se replier et de l’accompagner à l’arrière, scandalisé, le jeune
lieutenant alla gifler son colonel puis se constitua prisonnier.
Il lui avait paru intolérable qu’on mette sa parole en doute.
Grâce à ses relations, il fut déclaré malade et renvoyé au Pays basque où il allait pouvoir
assister à la naissance de son second fils, Jacques, né le 26 novembre 1916.
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La Grande Guerre s’acheva tranquillement sans que la famille comprenne que la "Belle
Epoque" était derrière eux.
La "fin des rentiers" allait plus que jamais les obliger à inventer leur vie dans un ailleurs plus
enchanteur.
Marga avait cependant compris que dans "son monde", le travail restait signe de décadence, à
plus forte raison pour une femme.
Il était autorisé dans la seule et unique mesure où il pouvait s’apparenter à une distraction.
Elle choisit donc de s’adonner à la décoration d’abord – en achetant puis en revendant des
appartements qu’elle avait transformés – puis à la mode en développant la production de
perles artificielles sous la marque de sa propre société, Arga.
Elle se heurtait toutefois toujours à la réprobation familiale, si bien qu’en 1925, après avoir
hérité de son père, elle décida de partir en Égypte.
MARGA D'ANDURAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Là, elle retrouva avec bonheur le soleil et la lumière qui lui avaient tant plu au moment de sa
lune de miel, et parée de son titre de "comtesse" ajouté sur une carte de visite, s’intégrant
aussitôt à la communauté britannique du Caire, elle décida de reprendre une activité lucrative
pendant que Pierre était accueilli comme un gentleman au Gezireh Sporting Club.
Elle commença par vendre les perles qu’elle avait emmenées puis ouvrit l’institut de
beauté Mary Stuart destiné à recevoir les luxueuses femmes égyptiennes et européennes.
Deux ans plus tard, accompagnée de deux amis anglais – Mrs Meade et le Major Sinclair – elle
effectua le rituel voyage en Orient (Jérusalem, la mer Morte) et découvrit à cette occasion les
ruines de Palmyre (Tadmor) en Syrie.
Ce fut un véritable coup de foudre si bien qu’elle décida aussitôt d’emménager avec sa famille.
Pierre allait pouvoir s’adonner à sa passion des chevaux, tandis qu’elle envisageait de prendre
en charge la gérance de l’hôtel Kettaneh que l’on venait de construire.
Mais, à peine installés, déjà les ennuis s’accumulaient.
Refusant de prendre en compte la rivalité entre Français et Britanniques dans la région, ne
percevant pas à quel point elle pouvait nourrir les fantasmes d’hommes qui se trouvaient
éloignés de leurs épouses le temps de leur service, Marga n’avait pas saisi combien son arrivée
au bras d’un officier britannique – au demeurant son amant – avait pu nuire à son image et
alimenter les suspicions d’espionnage auprès des militaires du poste de Palmyre.
Etait-ce surprenant ou exagéré ?
Non, surtout si on tient compte du contexte de la sortie de guerre où le mythe de la femme
espionne avait largement alimenté les chroniques populaires ou de l’importance de la rivalité
franco-anglaise en Orient.
En décidant de prendre en charge le seul bâtiment civil important de Palmyre, en choisissant
de le nommer l’Hôtel Zénobie en 1927, Marga incarnait pleinement l’image même de la femme
fatale telle qu’elle avait été imaginée quelques années auparavant dans La Châtelaine du Liban.
Faisant fi de ces accusations, elle s’installa dans la position de nouvelle reine de Palmyre,
accueillant avec bonheur les archéologues français et étrangers, les quelques rares touristes et
hôtes de marque qui passaient par la cité du désert, tout en régentant en partie la vie du village
arabe où elle trouvait ses employés.
Pour eux, elle était "Zeinab" ou la "comta".
En 1933, au cours d’une discussion avec l’un de ses employés, Soleiman, elle apprend,
qu’originaire du Nedj, il compte repartir chez lui après avoir effectué le pèlerinage à la
Mecque.
MARGA D'ANDURAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
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