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samedi 10 mars 2018

UNE GRANDE PARTIE DE RUGBY À HENDAYE - HENDAIA EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN DÉCEMBRE 1927


LE MATCH DE RUGBY ENTRE HENDAYE ET CARCASSONNE EN DÉCEMBRE 1927.


En 1927, le Stade Hendayais rencontre l'A.S. Carcassonne, le finaliste du Championnat de France 1925, dans ce premier acte du Championnat national.

hendaye 1927
STADE HENDAYAIS - AS CARCASSONNE 1927
PAYS BASQUE D'ANTAN
PHOTO DU STADE HENDAYAIS

Voici le compte-rendu de ce match, dans un article de la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-

Jean-de-Luz, dans son édition du 12 décembre 1927 :



"Rugby et relations sportives.


La grande partie d’Hendaye.


 Elle se déroula dans le calme, nous avons eu du beau sport et les Hendayais l’emportèrent.

— Etorri ari arratza aldian ?

— Venga vd por la tarde al partido? 


Du basque, de l’espagnol et aussi du français ! Où sommes-nous donc ? Parbleu, tout près de la frontière, dans la belle Hendaye aujourd’hui en fête. Un vent chaud souffle et le temps est menaçant. Malheur ! Va-t-il donc pleuvoir ? 


Mais non; la brise va chasser les gros nuages chargés de pluie et le soleil va bientôt apparaître. La mer, d'un bleu grisâtre, et qui roule d'énormes lames, s’est au loin retirée, laissant à découvert l'immense plage qu’une nuée de gracieuses mouettes parcourt inlassablement. 


Une animation inaccoutumée règne partout dans la cité à la fine liqueur. De l’Espagne, du Pays basque et même des Landes, des gens sont venus. 


Une quantité considérable d’autos de toutes catégories et de camions parcourent les rues du centre de la ville bondés de voyageurs, tous étrangers. Place de la République, des groupes nombreux stationnent près des grands magasins ou sont installés à la terrasse des cafés. 


Une seule conversation : le Rugby ! On discute passionnément de la partie qui va se jouer dans l’après-midi à Ondarraïtz et qui va mettre aux prises les locaux et les Carcassonnais. Match de championnat. Match passionnant surtout pour les Hendayais qui se souviennent de la "pagaie" de l’an passé dans l’enceinte fortifiée de Carcassonne. Tous iront à la partie, car tous veulent savoir comment va se comporter l’adversaire. 


A la sortie de la messe, des groupes se forment encore devant le "Peuplier de la Liberté".

 

hendaye autrefois
PLACE DE LA REPUBLIQUE ET HOTEL IMATZ HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il m’a été conté que ce peuplier était planté autrefois à l’autre bout de la place de la République ; il fut rasé par les "réactionnaires" et replanté en suite en face de l’église par leurs plus acharnés adversaires. 


Donc, on discute ferme de tous côtés et on a confiance ! 


Les gens ont rapidement expédié le déjeuner et dès 2 heures, des milliers de spectateurs ont pris leur place autour du ground d'Ondarraïtz. 


Il présente un aspect vraiment étonnant. Un peu partout on aperçoit des taches bleues contrastant avec le vert du gazon. Ce sont les enfants assistés vêtus du classique tablier bleu ; ils sont des centaines, surveillés par d’aimables nurses. Sur les coteaux avoisinants, aux fenêtres des villas et chalets, sur les arbres, quantité de gens sont installés.

 

Voilà des gens qui n’ont pas payé cher leur place ! Les gendarmes sont nombreux aujourd’hui sur le terrain. Ils n’auront à aucun moment à intervenir. Et c’est tant mieux ! On vous dira plus loin que cette partie de championnat a été l’une des plus calmes que l’on ait vues. 


Qu'avait-on donc fait aux bouillants Carcassonnais ? 


Etait-ce la fatigue du voyage ? Non puisque jeudi ils mangeaient les bons macarons de Luz. Ils avaient eu le temps de se reposer. Etait-ce l'accueil chaleureux du public ? Peut-être !


En tout cas, ils ne brillèrent point et n’inquiétèrent à aucun moment leurs adversaires.


C'est à ceux-ci  que nous devons d'a voir assisté à une partie, non pas jolie, mais potable.
Ils furent, il est vrai, terriblement encouragés. Je me demande comment il se fait que les malheureuses tribunes ne se soient pas écroulées. Berecoeehea, le frère des rugbymen du B.O. chez qui j’ai reçu le plus aimable accueil, me dit qu’il en est toujours ainsi ; et ce ne sont pas les hommes les plus passionnés. 


Il faut voir les charmantes hendayaises suivre une partie de rugby. 


Quelle passion et quel enthousiasme ! Elles n’ont d’veux que pour leurs équipiers et il en est trois qui semblent avoir leur faveur. C’est Anzano, Pardo et... Saucisson. 


Ce dernier fut follement acclamé. 



stade hendayais 1927
MARTIN DOREL "SAUCISSON" STADE HENDAYAIS 1906
PHOTO : STADE HENDAYAIS
PAYS BASQUE D'ANTAN


En avant, Saucisson ! criaient les Hendayaises et même les tout petits. Et Saucisson marqua l’essai, et d’une façon si drôle qu’un dessinateur de mes amis en fit sur le champ un croquis.


 Au coup de sifflet final, l'énorme foule acclama encore les joueurs qui venaient de remporter une brillante victoire. 


On chante, on rit, la joie vibre dans tous les cœurs. 


Hendaye-Plage reçoit maintenant la foule ; on danse au Casino, on se promène tout au long de la jetée ; à droite on aperçoit un point blanc entre les Deux-Jumeaux : c'est le phare de Biarritz ; à gauche, un spectacle d’une grandiose beauté s’offre à la vue des promeneurs. 



hendaye 1927
HENDAYE - HENDAIA 1927
PAYS BASQUE D'ANTAN


La marée montante a recouvert entièrement l'immense étendue sablée : dans le jour finissant, les montagnes bleues semblent se mirer dans l’océan limpide et calme; au loin, des points brillants s’aperçoivent bientôt : c’est Fontarabie. Puis c’est la nuit, une nuit tiède et sereine. Des chants joyeux retentissent encore, puis cessent progressivement. 


Une fois de plus, le grand souffle du rugby, maître des Sports, a passé sur Hendaye. 


La partie.


Superbe journée d’automne et foule très nombreuse à Ondarraïtz où le Stade Hendayais et l'A.S. Carcassonnaise s’affrontaient dans le but de se qualifier pour les poules de quatre. Les basques avaient une revanche à prendre à la suite de la sévère défaite de l'an dernier, défaite essuyée sur le terrain de la Cité. Indiscutable et très méritée fut leur victoire ; devant 3 000 spectateurs, les blancs battirent les jaunes de Carcassonne par 8 points (un essai, Dorel, un but et un but sur coup franc, Laurent Pardo) à 0. 


A 2 h. 30, les équipes font leur entrée dans la formation suivante : 

A. S. Carcassonnaise : arrière, Renaud ; trois-quarts, Parreas, Roux, Bardier, Domec (cap.), Demis, Bastie, Caziela ; Avants, Séguier, Reynaud, Depaule, Cadenat, Bidos, Marère, Dimur, Casterot. 

Stade Hendayais : Arrière, Laurent Pardo ; trois-quarts, Garcie, Lamarque, Siro, Léon Pardo, Denis, Dorel, Anzano ; Avants, Pée (cap.), Biémabe, Eguiarzabal, Laffitte, Laborde, Mousnier, Orthous, Iriondo. 


Manquent à Carcassonne : Mas et Scnquirgues ; à Hendaye : Arramendy et Duvert. 


Léon Pardo qui n’avait pas joué depuis le match de Carcassonne de la saison passée, fait sa rentrée et joue à l’aile de la division d’attaque. 


Arbitre, M. Reynal, de Toulouse ; Arbitres de touche, M. Roquebert, de Biarritz et M. Dupuyau, de Pau. 


Carcassonne a le coup d’envoi et Anzano fait en avant, mêlée : les jaunes ont la balle et l’expédient en touche à 10 mètres des buts hendayais. Plusieurs touches au profit des Carcassonnais qui se maintiennent ainsi chez les Basques, mais pas pour longtemps car ceux-ci se dégagent et s’installent en territoire audois où se joue une mêlée : le demi d’ouverture Caziela, tape à suivre au centre et la balle, qui roule, est mal reprise par un avant carcassonnais qui a suivi ; en avant, mêlée et coup franc pour Hendaye qui ne trouve pas la touche. L’arrière audois Renaud, reprend et dégage faiblement en touche, favorable aux jaunes qui tapent à suivre et Pée arrête de volée. Touche et les blancs partent aux pieds ; mais le dribbling est trop long et Renaud dégage en touche à 10 mètres de ses buts. Un nouveau dribbling d’Hendaye et l’arrière touche "in-extremis". Renvoi aux 22 et Carcassonne se dégage : Hendaye fait un arrêt de volée et tape à suivre et Roux est bouclé par les avants basques qui ont suivi. Mais voici que les jaunes se dégagent et d’une mêlée partent la balle aux pieds : ce dribbling gagne du terrain, mais Lamarque à 10 mètres de ses buts relève bien et dégage en touche : Carcassonne tape à suivre et Laurent Pardo expédie la balle en touche. Les basques tapent à suivre et l’arrière jaune envoie en touche. Par touches successives Hendaye remonte le terrain et attaque, mais Renaud dégage faiblement et la balle est portée par le vent en touche de but. Envoi aux 22 et touche, les audois tapent toujours à suivre, mais les trois-quarts dégagent avec précision en touche. Mêlée sur les buts Carcassonnais et le demi jaune dégage son camp très en danger depuis un moment. Hendaye revient et obtient un coup franc pour obstruction. Laurent Pardo, tente et réussit magnifiquement le but. Hendaye 3. 



Remise en jeu et Anzano arrête de volée : touche, puis mêlée que les blancs tournent et la balle sort en touche favorable aux audois. Encore mêlée et la division d’attaque des blancs part à l’attaque, mais l’ailier est poussé en touche à 5 mètres des buts. Peu après Pardo manque un second but sur coup franc. Mêlée et Auzano tape à suivre et Renaud touche dans ses buts. Renvoi aux 22 et voici une jolie échappée des avants jaunes qui gagne du terrain et Hendaye se dégage par une touche magnifique de Pée. Les avants audois partent encore en passes et la mi-temps est sifflée. 




hendaye 1927
STADE HENDAYAIS - AS CARCASSONNE 1927
PAYS BASQUE D'ANTAN
PHOTO DU STADE HENDAYAIS

A la reprise, Hendaye accentue l’allure, mais tape trop souvent à suivre et les jaunes renvoient régulièrement en touche. Leurs arrières sont-ils donc si peu sûrs d’eux-mêmes pour ne pas attaquer ? Mêlée puis touche et Hendaye remonte et d’une mêlée au centre Anzano tape à suivre, mais Léon Pardo fait en avant sur la ligne blanche des audois : mêlée à 5 et la balle sortant pour les basques, Dorel contourne la mêlée et marque un bel essai converti en but par Laurent Pardo. 




hendaye 1927
STADE HENDAYAIS - AS CARCASSONNE 1927
PAYS BASQUE D'ANTAN
PHOTO DU STADE HENDAYAIS

A la remise, Carcassonne attaque, mais Laurent Pardo plaque le porteur du ballon et son frère Léon dégage loin en touche. Mêlée et le demi carcassonnais dégage aux 50 mètres. Touche et Léon Pardo tape à suivre et les audois touchent dans leurs buts pour la cinquième fois. Remise en jeu et les blancs attaquent mais se gênent alors que deux joueurs étaient complètement démarqués. Carcassonne remonte jusqu’aux 22 Hendayais, mais grâce aux coups de pieds fantastiques des frères Pardo, les audois sont vite repoussés aux 50 mètres : plusieurs touches sont jouées sans résultat et Pardo dégage encore très loin, mais les audois portent en dribblant et voici la première attaque des lignes arrières carcassonnaises qui ne gagnent pas de terrain et Hendaye repart de plus belle. Les blancs sont maintenant à 5 mètres des buts audois, mais Renaud dégage. Touche et mêlée pour Carcassonne : le demi d’ouverture tape à suivre et Laurent Pardo dégage. Superbe échappée d’Anzano qui, arrive, sur l’arrière, fait mal la passe à Léon Pardo, alors que celui-ci complètement démarqué, allait infailliblement à l’essai. Touche et Hendaye ouvre sur ses arrières qui cafouillent, mais les avants reprennent et partent en passe et le possesseur du ballon est plaqué. Les carcassonnais sont pressés sur leurs buts et ne peuvent que se dégager faiblement. D’une mêlée Domec servi, tape à suivre et Pée arrête de volée. Les basques portent encore à 1'assaut des buts audois : mais ceux-ci dégagent en touche et la fin est sifflée par M. Reynal qui arbitra magistralement.




hendaye 1927
STADE HENDAYAIS 1927
PAYS BASQUE D'ANTAN


Considérations


Le spectateur qui suivit le dompteur dans l’attente de le voir dévorer en aura été pour ses frais.


Ce match qui devait dégénérer en carnage, dans l’esprit de quelques violents, a revêtu le même caractère que toutes les rencontres, ou au moins la plupart, qui se disputent actuellement sous le couvert du championnat. 


Ce ne fut ni plus beau, ni plus laid, et s’il me fut permis de juger des chocs plus reposants, j’ai malheureusement eu à assister à des empoignades beaucoup moins correctes. 


Parfois dur avec d’inutiles crochets, uppercuts et autres coups défendus, le match fut d’une indigence complète en tant que phases classiques de véritable rugby. 


Ce qui a le plus frappé le spectateur impartial c'est la relative facilité avec laquelle les visiteurs Carcassonnais se laissèrent manœuvrer dans l’ensemble. 


On s’attendait généralement à constater plus de métier chez ces hommes aguerris. 


Nos "canaris" ont dû arriver à Ondarraïtz la conscience quelque peu chargée... car leur jeu, s’il n’est pas habituellement très subtil, est fait cependant de plus de classicisme, même à côté de sa rudesse. 


Hier, Domec et ses hommes donnaient l’impression de quinze victimes expiatoires désireuses de se cacher dans les sixièmes dessous du cirque neronien... 


Si leur timidité n’avait été coupée de temps en temps de quelques rageuses réactions, ces dernières agrémentées de quelques rounds clandestins, nous ne nous serions jamais imaginé que nous avions devant nous les "costauds", derniers remparts de la Cité... 


Les Hendayais, qui pratiquèrent avec beaucoup plus de cœur que de science, dominèrent dans tous les compartiments. 


Quand on a devant soi un Laurent Pardo on ne commet pas d’erreur semblable, d’autant plus qu’une des rares attaques à la main des lignes arrières "canari et noir" laissa l’impression que la défense hendayaise pouvait être vulnérable. 


Analyser le jeu d’une telle rencontre est chose impossible, l’action générale se résumant à des touches, à des mêlées, à des cafouillages qui furent le mieux exploités par les locaux, toujours très en verve sur leur round. 


Si le match ne laisse pas d’impression trop pénible, il ne réconcilie pas cependant avec le championnat. 


En effet, la passion qui se développe tous les jours davantage sur tous les terrains, a pu être contenue parce que les hendayais arrachaient une victoire nettement méritée. 


Je n’incriminerai pas le public hendayais, noyé, du reste, dans une foule inusitée venue de tous les coins de la Côte Basque, mais je me demande ce qu’il serait advenu dans le cas de défaite, malgré toute la sagesse des dirigeants hendayais.


Dans un ciel d’orage, le cyclone était en attente et ce n’est pas le public d’Hendaye qui aurait manifesté seulement contre ces visiteurs qui se sont rendus si sympathiques par les procédés déloyaux qu’ils développent quand ils reçoivent nos équipes sur leur terrain, toute la foule entière aurait certainement fait comprendre sa désapprobation. 


Il est d’ailleurs bien regrettable que l’engouement ait ainsi défiguré l’esprit sportif d’un jeu comme celui du rugby. Nous devons donc nous retirer enchantés et de la victoire hendayaise et du calme relatif qui régna au cours de cette partie. 


Le Stade Hendayais, dont nous avons souvent vanté les mérites, peut et doit mieux faire, même en championnat. 


Sa ligne de forwards lui permettra de museler pas mal de packs. Ses arrières sont actuellement au complet. 


Que le Stade Hendayais affine un peu son jeu et il peut devenir l’égal de beaucoup qui sont tout comme lui qualifiés pour les Poules de Quatre. 


En somme, cette journée que l'on pouvait prévoir tumultueuse, aura prouvé quelques écarts, malgré les ridicules exclamations d’apoplectiques des deux sexes, les basques, même provoqués, savent conserver leur calme et rester sportifs."


(Merci au Stade Hendayais Rugby pour les photos du match)






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