LES GROTTES DE ZUGARRAMURDI EN NAVARRE.
Zugarramurdi est une ville de la Communauté forale de Navarre, située à 83 kilomètres de Pampelune, la capitale de la province.
ZUGARRAMURDI NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai parlé à plusieurs reprises de grottes en Pays Basque Nord : les grottes en
Soule en 1926, les grottes de St Martin d'Arberoue et les grottes d'Isturits, je vais
vous parler aujourd'hui des grottes de Zugarramurdi.
Depuis la nuit des temps, le village de Zugarramurdi possède des grottes.
Voici ce qu'indiqua à ce sujet le journal Le Constitutionnel, dans son édition du 9 mai 1841,
sous la plume de Charles Sabatier :
"Souvenirs d'Espagne.
Les grottes de Zugarramurdy (Navarre).
Zugarramurdy est un village situé au pied d'une montagne ; il est à trois quarts d'heure de la frontière et à une lieue de Sarre, village français. Il possède deux grottes (cuevas) magnifiques. Celle qui se trouve à sa droite est très vaste et bien éclairée, un petit ruisseau la traverse dans toute sa longueur ; elle, est à cinq minutes de marche du village. La seconde au contraire prend son ouverture à côté de la première maison et va se perdre dans la montagne. C'est de cette dernière que nous allons vous entretenir ; elle mérite assurément quelques détails, car elle fut le séjour des fameuses sorcières de Zugarramurdy.
GROTTES DE ZUGARRAMURDI NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je me trouvai pour la première fois dans ce village en 1837, et voici la tradition diabolique, telle qu'elle me fut racontée :
"Un jour deux hommes, deux grands incrédules qui n'avaient jamais voulu ajouter foi, aux anciennes traditions du pays, résolurent de pénétrer dans la grotte. Après avoir fait près de deux cents pas par un chemin très étroit, ils se trouvèrent dans une espèce de chambre. A peine y étaient-ils entrés, ils entendirent des gémissements et des cris épouvantables ; mais quelle ne fut pas leur frayeur lorsqu'ils virent devant eux deux femmes qui, après les avoir salués, se mirent à chanter un refrain satanique dont voici la traduction :
"Nous sommes les sorcières ,
Tremblez! tremblez! tremblez !
Nous sommes les sorcières,
Imprudens, vous mourrez !"
Elles accompagnèrent leur refrain d'un grand éclat de rire, qui acheva de faire perdre courage aux deux visiteurs. Leur frayeur fut si grande, qu'ils n'eurent plus la force de tenir leurs lumières, et que, les laissant tomber, ils se trouvèrent dans une obscurité complète. Plusieurs de leurs amis, qui les avaient accompagnés jusqu'à la porte de cette demeure infernale, ne les voyant plus revenir, coururent donner l'alarme dans le pays, et appeler les habitants à leur aide. Tous les paysans s'armèrent aussitôt, et résolurent d'aller au secours de leurs compatriotes.
GROTTE DE ZUGARRAMURDI NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN
|
Après avoir pris toutes les précautions qu'exigeait une semblable entreprise, les deux plus courageux pénétrèrent dans le souterrain, non cependant sans se recommander aux prières de tous ceux qui se trouvaient présents. Ils furent assez heureux pour arriver, sans accidents, dans cette même chambre où les deux fantômes s'étaient présentés à leurs camarades, ils y trouvèrent, étendus par terre, et ne donnant plus aucun signe de vie, les deux jeunes gens que, quelques heures avant, ils avaient vus pleins de force et de santé. Une fois en leur présence, un moment d'épouvante s'empara d'eux. Ils parvinrent cependant, après beaucoup de peine, à les traîner au milieu d'une foule effrayée, qui attendait, à genoux, le résultat de leur expédition. L'un des deux était mort et l'autre ne reprit connaissance que trois quarts d'heure après. Il lui fut impossible, quand il eut repris ses sens, de donner le moindre détail sur ce qui leur était arrivé. Il assura cependant que, s'étant trouvés dans une espèce de chambre, deux sorcières s'étaient approchées d'eux, en chantant un refrain de mort ; qu'au même instant leurs lumières s'étaient éteintes, et qu'ils avaient perdu connaissance. L'on m'affirma aussi que ce même individu était mort trois semaines après, et que le jour de sa mort un bruit extraordinaire ne cessa de se faire entendre dans la grotte. Il paraîtrait aussi que les sorcières se promenèrent, pendant toute la nuit de sa mort, dans les rues du village, en chantant le refrain terrible :
"Nous sommes les sorcières,
Tremblez! tremblez! tremblez ! ,
Nous sommes les sorcières,
Imprudens, vous mourrez !"
GROTTE DE ZUGARRAMURDI NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN
|
Après avoir écouté avec une grande attention l'épouvantable récit, je fus désireux de visiter cette grotte à laquelle se rattachaient de si terribles souvenirs ; mais comme c'était une entreprise qu'il aurait été imprudent d'effectuer seul, je convoquai plusieurs de mes frères d'armes, et après leur avoir redit du mieux que je pus l'histoire que je venais d'apprendre, je leur proposai d'aller faire la connaissance de ces sorcières, ajoutant, que si nous ne rencontrions pas les deux premières, nous verrions probablement la Tia Rosenda, leur supérieure, que M. P. Martinez Lopez nous dit avoir vue depuis peu, dans la nuit où, enlevé par un démon, il fut porté dans ce séjour de ténèbres. D'après ce que dit M. P. Martinez Lopez, dans son livre intitulé las Brujas de Zugarramurdy, ce serait cette même Tia Rosenda qui l'aurait reçu et investi de tous les pouvoirs attribués à ces démons.
Revenons à notre histoire. Trois de mes camarades approuvèrent mon projet, qui, cependant, ne fut pas accepté sans un rire ironique. Nous conduisîmes avec nous nos domestiques, que nous eûmes soin d'armer pour nous défendre, non contre la Tia Rosenda et les amis de M. P. Martinez Lopez, mais bien contre les animaux que nous aurions pu y rencontrer. Chacun de nous avait dans une main un pistolet ou un poignard et dans l'autre une lumière. Ce fut ainsi armés que nous commençâmes notre visite. Comme c'était moi qui en avais fait la proposition, j'entrai le premier dans le souterrain. Après que nous eûmes fait environ deux cents pas, nous arrivâmes effectivement dans la chambre dont j'ai déjà parlé. Un courant d'air éteignit toutes nos lumières.
GROTTE DE ZUGARRAMURDI NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN
|
Ce fut alors que commencèrent les visions : un de nos domestiques voyait un fantôme, un autre entendait des cris, enfin un troisième distinguait des coups de marteau. Pendant que la frayeur commençait à s'emparer de la plupart de mes compagnons de voyage, je cherchai à avoir de la lumière. Je fus assez heureux pour réussir; ce qui ne contribua pas peu à les remettre de leur épouvante. Cependant plusieurs firent entendre des cris de : en arrière ! et je vis le moment où nous allions être obligés de revenir sur nos pas. Je pus à la fin, non sans grande peine, les décider à poursuivre notre marche. Nous sortîmes donc de cette chambre par un chemin beaucoup plus étroit que celui que nous avions déjà parcouru. Nous rencontrâmes, sur notre passage, plusieurs ossements humains, et après avoir fait quelques pas, je trouvai une tête de mort, que je m'empressai de ramasser et de montrer à celui qui marchait à mes côtés. C'en fut assez pour épouvanter tout le monde, et aussitôt les cris se renouvelèrent avec beaucoup plus de force que la première fois.
ZUGARRAMURDI NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN
|
Au mouvement que nous fîmes pour revenir sur nos pas, toutes nos lumières s'éteignirent de nouveau. Pour cette fois, la confusion parmi nous fut à son comble : c'étaient des sifflements que l'un de nous entendait ; c'étaient des hurlements d'un second que lui faisait pousser la présence d'un millier de sorcières ; un troisième nous appelait à son aide, en nous disant qu'un démon l'enlevait. Nous restâmes dans cette position critique pendant plus de dix minutes : je ne pouvais me procurer de la lumière ; les allumettes que j'avais ne pouvaient pas brûler. Une demi-heure s'était écoulée depuis notre arrivée dans cet enfer, lorsque nous en sortîmes.
Je crois que tous les habitants de Zugarramurdy étaient venus pour voir, si nous aurions le bonheur d'en revenir sains et saufs. Il est facile de comprendre que toutes les conversations, qui s'engagèrent, une fois que nous fûmes en plein air, roulèrent sur les détails de notre visite. Tout le monde était curieux de savoir ce qui nous était arrivé. Mes compagnons s'empressèrent de raconter tout ce qu'ils avaient vu. Questionné à mon tour, je fus bien obligé de broder une histoire sur là tête de mort que j'avais trouvée et que j'avais encore entre les mains.
ZUGARRAMURDI NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire