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vendredi 29 septembre 2017

LA TEMPÊTE D'AOÛT 1912 AU PAYS BASQUE SUR LES CÔTES DE BISCAYE


EN AOÛT 1912, S'ABAT UNE TERRIBLE TEMPÊTE SUR LES CÔTES BISCAYENNES.

143 PÊCHEURS PÉRISSENT EN MER, DONT 119 ORIGINAIRES DE BERMEO.


Voici ce qu'en rapportait le Journal des Débats Politiques et Littéraires du 20 août 1912 :


"Saint-Sébastien, le 16 août. 


Il faudrait évoquer les vers funèbres de "Océano Nox" pour dépeindre la catastrophe qui vient de désoler le littoral cantabrique, et telle qu'on n'en avait pas vu depuis celle du 20 avril 1878, où périrent cent quarante-quatre marins, juste le même nombre que cette fois. Le hasard d'une excursion sur la côte basque m'a rendu témoin de ce drame, bien fait pour ancrer dans les esprits naïfs la superstition des chiffres fatidiques, puisqu'il s'est produit dans la nuit de mardi 13, et que le mardi en Espagne est l'équivalent funeste du vendredi chez nous. Les naufrages ont été dus à une de ces "galernas", tempêtes dont la soudaineté remplit cette mer de périls, et qui, presque toujours, succèdent brusquement à une journée radieuse comme l'avait été, en effet, la précédente. 



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BERMEO BISCAYE 1912
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le fameux "vicaire de Zarauz", le P.Urcolaga, l'infaillible météorologue du mont Igueldo à Saint-Sébastien, dont les avertissements ont sauvé tant d'existences, l'avait bien prédite plusieurs heures à l'avance, mais son avis ne pouvait toucher les bateaux pêchant au large. A Saint-Sébastien même, l'ouragan, déchaîné au milieu de la nuit, surprit et mit un instant en danger les maîtres baigneurs couchant dans leurs cabines de la plage de la Concha, dont beaucoup furent endommagées ainsi que le Club nautique. Mais qu'étaient ces dégâts au prix du désastre survenu en pleine mer et qui frappait les villages de pêcheurs parsemés sur le littoral ! Une sorte de fatalité semble s'être acharnée exclusivement sur tous ceux de Biscaye, Ondarroa, Lequeitio, Elanchove, Berméo, en épargnant leurs tout proches voisins du Guipuzcoa, Zumaya et Motrico, dont les marins ont dû leur salut à ce qu'ils vont pêcher au loin, jusqu'en Galice. 



Les fragiles embarcations sur lesquelles cette race hardie de gens de mer sillonne toute l'étendue de la mer de Cantabre sont des "lanchas bonitéras" (barques à thon, dont la pêche est effectuée en cette saison) à un seul mât et d'une quinzaine de tonnes, opérant par groupe de trois ou quatre associées, et montées chacune par 7 ou 9 hommes, qui y passent de longues campagnes de plusieurs semaines sans autre abri qu'une espèce de soute. Cette année justement se présentait très favorable, le produit ordinaire de la pêche ayant presque doublé ; mais, pour comble de malchance, les bateaux disparus avaient tous à bord leurs recettes qu'ils consignent généralement dans les ports d'escale, et dont les malheureuses familles des victimes ne bénéficieront même pas. 



Le lendemain de la catastrophe, que j'ignorais encore, je m'étais rendu à Ondarroa, bourg de quatre à cinq mille habitants, tous pêcheurs, situé à l'embouchure de sa "ria", à la limite du Guipuzcoa et de la Biscaye, et d'aspect ultra-pittoresque avec ses ponts, ses maisons et jusqu'à son église tout tendus d'immenses filets mis à sécher. J'y trouvais la population consternée : sur une flottille de 46 barques et 28 petits vapeurs, il manquait 12 des unes et 5 des autres, et la coïncidence des fêtes de la localité, naturellement suspendues, accentuait encore la tristesse générale. C'est pourtant à ces fêtes, ou plutôt, selon leur croyance, à un miracle de leur patronne, sainte Claire, en l'honneur de qui elles se célèbrent, que la plupart des marins d'Ondarroa doivent cette fois leur salut.



La coutume veut, en effet, que les pêcheurs biscayens terminent leur campagne à la veille des fêtes de leur village afin d'y assister ; grâce à cette circonstance, beaucoup des barques d'Ondarroa étaient déjà dans ce port lors de la tempête, sept autres et tous les vapeurs y rentrèrent le même jour, salués par des transports de joie, et l'on apprit que quatre étaient réfugiées dans des ports asturiens. Une seule, la Virgen del Guerto, avait coulé, et encore une partie de son équipage n'appartenait-elle pas à Ondarroa, qui s'est donc tiré du désastre à assez bon compte. 



De là, le long de l'admirable route qui surplombe la mer, je me rendis à Lequeitio, charmante et importante bourgade qui servit un moment d'asile à la reine Isabelle II, chassée par la Révolution, et dont une riche famille d'origine française a fait naguère la prospérité, attestée par de belles demeures seigneuriales. Il n'y manquait que deux barques, mais pour lesquelles tout espoir était perdu, car je vis rapporter par un vapeur parti à leur recherche des épaves, aussitôt reconnues comme provenant d'elles. Il en résultait 17 victimes, dont 5 d'une même famille. Depuis, on a miraculeusement trouvé et ramené à Saint-Sébastien le patron d'une de ces barques, le San-Nicolas, Daniel Ezcurra, qui, après avoir vu disparaître un à un, dans leur lutte contre les flots, tous ses compagnons, avait pu se maintenir durant soixante heures accroché à un mât, en voyant passer près de lui, sans parvenir à s'en faire entendre, plus de 30 embarcations. Quelle trempe ne faut-il pas pour résister à un pareil supplice physique et moral ! 



Au delà de Lequeitio, le village d'Elanchove avait perdu une barque et huit hommes. Elle devait être retrouvée près de Saint-Sébastien, contenant encore les cadavres enlacés, dans une étreinte suprême, d'un jeune mousse et d'un vieux loup de mer. Mais le fléau s'est abattu de tout son poids sur Berméo, ville de 9 à 10 000 habitants entièrement consacrés à la pêche et comptant une flottille de plus de 100 bateaux. Les Berméanais sont renommés entre tous pour leur témérité, qui explique l'énorme tribut payé par eux à la mort. 



Lorsque j'y arrivai, le lendemain, on restait toujours sans nouvelles de 20 barques, montées par plus de 150 hommes, et depuis deux jours une foule de femmes éplorées épiaient vainement l'horizon du haut du belvédère de l'Atalaya ; les quelques embarcations qui rentrèrent par la suite en état lamentable ne purent que relater la disparition des autres, à laquelle elles avaient dû assister impuissantes. L'épisode le plus poignant de ce drame lut la mort du patron de la barque Notre-Dame-de-Lourdes qui, ayant pu se sauver à la nage en soutenant le corps d'un de ses camarades, déjà trépassé, préféra couler lui même que d'abandonner son cadavre pour saisir le câble que lui tendaient les sauveteurs. Le bilan funèbre des victimes est plus éloquent que toutes les descriptions : 119 disparus pour Bermeo seulement, dont 62 pères de famille, qui laissent 205 orphelins. L'habitude étant, dans la localité, de célébrer ensemble tous les mariages au retour de la campagne de pêche, des 30 unions concertées, 20 sont brisées par la mort des fiancés.



La municipalité a dû demander au gouvernement d'exempter pendant deux ans la population de la conscription militaire, pour pouvoir combler les vides dans les rangs des jeunes pêcheurs. Ce qui augmente le désespoir, c'est la conviction que si les secours avaient été mieux et plus vite organisés à Bilbao et Saint-Sébastien, un certain nombre de ces deuils auraient pu être évités : plusieurs des cadavres trouvés en mer étaient chauds encore ! Du moins la charité s'efforce-t-elle de compenser le retard des sauvetages. Le roi et la reine-mère ont envoyé leurs aides de camp distribuer des sommes importantes, le nonce et les prélats réunis à Bilbao pour des fêtes religieuses parcourent personnellement le théâtre de la catastrophe en provoquant des souscriptions, et le Conseil général de Biscaye vient de voter un secours de 125 000 pesetas. La France, au nom de laquelle M. Fallières a déjà transmis ses condoléances à l'Espagne, va sans doute avoir l'occasion de s'associer à ce mouvement charitable, car la venue aux prochaines fêtes de Bilbao de la musique de la garde républicaine sera certainement mise à profit pour organiser un concert au bénéfice des naufragés."



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BERMEO BISCAYE 1912
PAYS BASQUE D'ANTAN



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