LA GRANDE SEMAINE DE SPORTS BASQUES.
En 1912, le congrès des pelotaris soumet l'idée d'une Fédération de Pelote Basque.
Celle-ci aura pour objectif de développer, de diriger et de réglementer ce sport en France.
Après 1918, la pelote est en pleine décadence, due à l'hécatombe des jeunes gens morts dans les
combats et à la misère des campagnes, suite à la Première Guerre Mondiale, mais aussi à
l'anarchie de la pratique.
Durant l'entre-deux-guerres, le jeu se transforme en sport et sont créées dans les années 1920,
à la fois la Fédération de Pelote Basque (F.F.P.B.) et la Fédération Internationale de Pelote
Basque (F.I.P.V).
La Fédération de pelote qui va s'efforcer d'organiser ce jeu devenu sport, en homogénéisant les
règles, le poids des pelotes, de diminuer la durée des parties, est organisée par Jean
Ybarnégaray, homme politique de la droite conservatrice.
JEAN YBARNEGARAY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans un premier temps, la pelote possédera une idéologie très conservatrice avec des tendances
xénophobes, comme en atteste l'allocution de Pierre Lhande prononcée à l'église de Mauléon
en 1923, en prélude aux fêtes de la fédération de pelote, l'équivalent du championnat de
France.
"Un jeu national n'est pas un divertissement quelconque. C'est une manifestation du ressort
physique et moral d'une race, c'est la révélation éclatante de tout ce qu'un peuple renferme de
fort dans sa beauté plastique, de sain dans sa beauté morale. Le jeu national traduit l'énergie,
l'endurance, la grâce de la nation..."
La Confédération Espagnole est créée en 1925.
Le 19 mai 1929, JeanYbarnégaray signe le "protocole de Buenos Aires", qui est la marque de
la Fédération Internationale de Pelote Basque (FIPV).
Près d'une vingtaine de pays y adhèrent (France, Espagne, Argentine, Uruguay, Mexique,
Philippines, Cuba, Italie, Chili, USA, Bolivie, Venezuela, Brésil, Guatemala, Indonésie, Maroc,
Pérou, Colombie, Belgique, Équateur, Panama, ... ).
Les statuts sont adoptés le 2 mars 1930 à Espelette, par les représentants de la France et de
l'Espagne.
Dès 1920, se déroule la Grande Semaine de Sports Basques.
AFFICHE GRANDE SEMAINE DE SPORTS BASQUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce qu'en rapporte Match, le 12 septembre 1933, pour la treizième édition :
"Voulez-vous connaître à fond une province basque ? Voulez-vous voir défiler, en moins de huit jours, tout ce qui compte dans le pays, clergé, docteurs, notaires, propriétaires, hôteliers, laboureurs ? Voulez-vous goûter la solide et généreuse cuisine basque, la vraie ?... Ne vous adressez pas à une agence ou à un Syndicat d'Initiative : suivez la Semaine de Pelote Basque.
A voir le nombre toujours croissant des "semainiers", on se rend compte que la méthode préconisée est excellente. Du "bloc" de l'un d'entre eux, détachons ces quelques notes.
Ustaritz, dimanche 3 septembre.
Sur l'esplanade verte, face à la svelte église paroissiale ; réception des autorités... Cortège ? Discours ? — Allons donc ! Douze petits Basques tout de blanc vêtus, ceinturés et coiffés de rouge, les chevilles serrées par un bracelet garni de grelots, dansent le pas de bienvenue. Leur instructeur — barbe et soutane noires — souffle gravement dans son "txistu" de bois et fait ronfler son tambourin. Ce capucin guipuzcoan est un très pur artiste. Il a écrit le répertoire de quelques milliers de "txistularis" ; hôte du Doyen d'Ustaritz, il égrènera son répertoire, trois jours durant, sur les places d'Ustaritz et d'Itxassou....
"Agur, agur ! Bonjour, bonjour !" ont joué les petits "mutikoak" du Padre Hilarion. Le sénateur Bérard, le député Ybarnégaray, le général Détrie, le grand Basque-Américain Passicot, maire, conseillers généraux, dirigeants de la France entière, anciens, actuels et futurs champions emplissent maintenant le lieu saint. Plain-chant et polyphonie de la Schola locale, tonnerre des voix d'hommes, ensemble émouvant pour l'Angélus basque : la grand'messe a été célébrée pour les pilotaris défunts. Tradition sacrée, car le Basque est croyant : Eskualdun, fededun !
Pour pénétrer dans la salle du Congrès, il faut gravir le perron de la mairie sous la voûte de bâtons multicolores que les petits danseurs tiennent à bout de bras. Pas de protocole, pas de discussions oiseuses : Halty, le secrétaire, Béguerie, le trésorier, Ybar, le président, parlent peu et parlent net : la nappe blanche a plus d'attraits, ici, que le tapis vert. C'est autour d'elle que les langues se délieront. Ybar, verbe de flammes, Bérard, magnifique et... académique, Oxoby, le poète à la rude franchise, Darhan, le ténor vertigineux, font les soli. La masse, à plein gosier, chante les refrains.
La place, grandiose, mur et sol d'ocre clair, double bordure d'arbres ronds comme des bouquets ; les "mutikoak" dansent et les bruns champions de Ciboure :— Pampi et Alcibar — deviennent champions de France à mains nues après une partie de toute beauté. Cambo n'a perdu que de deux points, en 40 et la dernière égalisation a eu lieu à 38 ! La semaine débute bien.
Lundi 4. Ustaritz.
Soleil de feu. L'immense "cancha" de 100 mètres reçoit, ce matin, 10 joueurs. Au centre, le butoir de bois et les défenseurs de la raie ; devant, le fronton, et là-bas, tout là-bas, au fond de la place, les refileurs. C'est le Championnat de France du plus ancien, du plus noble et du plus beau des jeux : le rebot. A qui le titre et la coupe, à Saint-Jean-de-Luz ou à Saint-Palais ? La grosse pelote noire décrit de fantastiques paraboles... Elle ne s'arrête que lorsque sonne l'Angélus dont tous, debout, écoutent le chant modulé par le "txistu", ou lorsque deux aviateurs amis survolent la place en agitant leurs bras : pensez donc ! si une "balle" allait les atteindre ! La bataille reprend. Mais Saint-Palais n'est pas de force aujourd'hui. C'est le triomphe de "Luzean",- de son vétéran Ermoni (Paul Henry), de son président au masque si expressif, le docteur Léon Dotéza, de ses suiveurs qui vont fraterniser jusqu'au soir parmi les flots de Champagne et les trilles des fandangos : l'adjoint Claverie, bientôt octogénaire, le juge de paix Colin, compositeur et poète à la silhouette de Topaze, le sultan Sébédio, carrure et tête énormes, crinière de lion, tous danseront autour des tables et sur les places, au son du "txistu" infatigable. Saint-Jean-de-Luz est champion de France, — après huit ans d'efforts — par 13 jeux à 6. Les Saint-Palaisiens vaincus boivent, dansent et chantent avec le même entrain que les vainqueurs.
LUZEAN CHAMPION DE FRANCE REBOT SENIORS 1933 PAYS BASQUE D'ANTAN |
REBOT SENIORS SOULE - LABOURD 1925 PAYS BASQUE D'ANTAN |
LUZEAN CHAMPION DE FRANCE REBOT SENIORS 1937 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cinq heures. Le soleil est moins impitoyable ; mais le destin va jouer un second tour de sa façon aux vaillants Camboards. Ils ont perdu, hier, le Championnat à mains nues de deux points. Ce soir, le titre au petit gant leur échappe par le même écart : 50 à 48. Encore une des plus belles parties qui se puissent voir. Les Ustaritzars — car. c'est eux qui vaincront — s'appellent Etcheverry et Hiribarren : fougue et science chez le premier — un jeune qui promet —- expérience, puissance, suprême élégance chez le second. A Cambo, Aguer a été magnifique : il aura la prime du meilleur. Uhaldeborde a trop peiné sur la fin....
Ybar remet la Coupe et les médailles avec le même bon sourire pour tous. Un nuage jaune monte de la "cancha" : ce sont les Luziens qui dansent un dernier ( ?) fandango.
YBARNEGARAY ET DES PELOTARIS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mercredi 6 : La journée des Jeunes.
Le ciel s'est un peu voilé : attention maternelle, car les "pilotaris" d'aujourd'hui s'échelonnent entre 15 et 18 ans. Autour d'eux une nuée de garçonnets, venus en autocars de la montagne et de la côte — et même du Boucau ! — crieront leur joie et aussi, leurs espérances. Sur la très vieille place d'Espelette, au pied du médaillon où se découpe le profil aigu du célèbre Chilhar, 10 jeunes jouent, tout d'abord, au rebot.
Saint-Jean-de-Luz contre Sare ! Les voisins et rivaux de toujours.
Merveilleuse vision : ces "petits" jouent "aussi bien que leurs aînés" : ils en ont les gestes sûrs, décisifs ; leurs jeunes corps se cambrent ou se ramassent pour lancer la balle en plein ciel ou l'attendre autour du butoir. Une voix de soprano, pure comme l'eau des montagnes, chante les points et annonce les "arrayas". Sare est, d'abord, largement distancé. Le sol, au fond de la place d'Espelette, est plus souvent piétiné par les rudes pattes des vaches — que l'on voit, du reste, gravir lentement la rue montante — que par les sandales légères des pilotaris : aussi, nombre de balles sont-elles manquées. Mais les "Saratars" se ressaisissent. Saint-Jean-de-Luz a fait 7 jeux de rang (on compte au rebot comme au tennis) ; Sare en aligne 5 d'affilée. Il parvient à 10 à 7 ; puis les petits de "Luzean" s'envolent, comme lundi leurs aînés, jusqu'au 13e jeu final.
Distribution des prix au vieux trinquet d'Espelette, le souriant et placide Darraïdou étant chef du jury, et tout ce petit monde file vers Itxassou.
De part et d'autre de l'antique rebot dont le sol prolonge les pentes de l'Artsamendy (la montagne de l'Ours), les petits s'installent, par groupes joyeux et disciplinés, pour le déjeuner champêtre. Les dirigeants de la Fédération ont eu peur de la pluie et mangent à l'Hôtel Teillery, à l'ombre du vieux chêne. Ybar lui-même qui, pourtant, revient de la chasse où il a tué trois lièvres, approuve cette prudence. Et, de fait, une lourde averse détrempe bientôt le sol. Le soleil a vite fait de boire toute cette eau et, à 4 heures, les "mutikoak" d'Ustaritz dansent sur le vieux fronton d'abord, puis sur le nouveau, bâti dans le quartier d'en haut et sur lequel les moins de 18 ans, cette fois, vont jouer deux finales. A mains nues, c'est le couple nerveux des Azkaindarrak — habitants d'Askain, la patrie d'Otharré et des Ibarburu — qui va l'emporter nettement, par 40 à 27, sur celui d'Ustaritz, plus étoffé, mais moins résistant... Et cependant, ces deux derniers joueurs — Etcheverry Jacques et Hiribarren Gaston — vont immédiatement « chausser » le petit gant d'osier pour faire équipe avec le minuscule Roger Dospital dans la finale de « yoko garbi ». Les trois enfants d'Ustaritz vont faire une telle partie que les jeunes champions de 1932 — ceux du Rail Bayonnais — seront sévèrement battus par 50 à 37.
L'écrivain basque Mayi-Elissague vient à peine de remettre la coupe que l'averse s'abat. Et plus d'un pilotari qui eût maudit la pluie cinq minutes plus tôt, lui sourit, maintenant, en songeant à sa terre desséchée...
Jeudi 7 septembre. Cambo : l'apothéose de Chiquito et du grand chistera.
Le pays basque tout entier est descendu ce soir à Cambo et les "étrangers" — des connaisseurs et des amis, malgré leur grasseyement et leur chemise Lacoste — se pressent en foule sur les gradins du fronton municipal de Cambo.
L'enfant prodigieux du pays, Joseph Apestéguy pour quelques rares, Chiquito de Cambo pour tous, va être solennellement glorifié. Le voici qui paraît, superbe "gentleman" en complet sombre, béret en main, cheveux noirs et drus, fort comme un chêne, droit comme un peuplier malgré ses 52 ans. Il s'avance, du fond de la place, entre Fernand Forgues et Sébédio. Et, pour le recevoir, la tribune officielle se vide : au-devant de Chiquito ; la main tendue, voici Jean Ybarnégaray, voici le docteur Colbert, maire de Cambo, voici le sénateur Bérard ; les députés Lissar et Champetier de Ribes, des conseillers généraux, des maires, des présidents de sociétés, des pilotaris, surtout, depuis leur doyen Eloy, toujours en activité, lui aussi, loyal et grand adversaire de Chiquito depuis 35 ans, jusqu'aux "minimes" d'Ustaritz et de Cambo qui viennent de jouer une partie au petit gant.
CHIQUITO DE CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
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