LE JUBILÉ SPORTIF DE CHIQUITO DE CAMBO EN 1938.
Dans un contexte sportif, un "jubilé" correspond à une célébration pour rendre honneur à un joueur ayant longtemps rendu service à une équipe.
PILOTARI CHIQUITO DE CAMBO |
Dans le cas de la pelote, c'est plutôt un hommage à un sportif exemplaire de ce sport, en
l'occurrence Chiquito de Cambo, après 40 ans de carrière.
Voici comment se passa cette cérémonie, racontée dans Paris Soir, le 20 août 1938, par Gaston
Benac :
"Le doyen des champions Français Chiquito de Cambo, l'invaincu, fête dimanche ses 40 ans de
sport.
Le 20 août 1908, à dix-sept ans, il battait le "pelotari" Arrué et, depuis, le bras de ce grand
enfant coléreux et bohème n'a jamais faibli.
CHIQUITO DE CAMBO PAYS BASQUE D'ANTAN |
J'ai connu une Anglaise d'âge mûr, fidèle habituée du pays basque, qui pour tous les sourires
des jeunes premiers de la région, n'eût pas voulu manquer un match de Chiquito de Cambo,
qu'il se jouât à Saint-Jean-de-Luz, à Biarritz, à Saint-Jean-Pied-de-Port, à Sare ou à Ascain.
— Vous aimez donc la pelote basque à chistera à ce point ? demandai-je un jour à l'obstinée
Britannique.
— Non, pas du tout, ce qui m'intéresse c'est le caractère de Chiquito de Cambo, ou plutôt son
mauvais caractère. J'aime le voir en colère, invectivant ses partenaires, ou adversaires, les
spectateurs. C'est un vilain caractère, donc c'est une personnalité captivante.
Les sautes d'humeur de Chiquito de Cambo constitueront et constituent encore une véritable
attraction. Il faut l'avoir entendu pousser un petit cri de chat lorsqu'il envoie la balle trop loin
pour que l'arrière adverse puisse la saisir, ou rugir ou jurer lorsqu'il manque un point, ou
encore, le voir se mettre à genou et frapper sa tête contre le fronton ou contre la terre, jeter son
chistera, quitter la place pour savoir ce qu'est un athlète coléreux, qui, aimant son sport par
dessus tout, ne peut se faire à l'idée qu'il peut être battu.
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Chiquito est un grand enfant qui extériorise violemment ses joies et ses peines, qui ignore en
quoi consiste l'art de dissimuler un sentiment. Il est tout d'une pièce, il faut le prendre tel qu'il
est.
Un jour j'avais écrit que Eloy, l'athlète espagnol, Eloy son grand rival était un "pelotari
gentleman".
Il battit Eloy après avoir rugi comme plusieurs lions, après l'avoir injurié sur le fronton et il
reste brouillé avec lui, rompant trente ans d'amitié pendant plusieurs mois. En ce qui me
concerne, Chiquito pour lequel je n'ai qu'admiration, resta fâché avec moi pendant toute une
saison.
Un jour un mécène étranger lui proposa une somme cinq fois supérieure à celle de son cachet
pour se faire battre. Chiquito serra les dents sans répondre. Il écrasa son rival, et le match
terminé il alla jeter son chistera et plusieurs balles aux pieds du mécène.
— "Apprenez que Chiquito ne se vend pas. Allez en chercher d'autres, vous ne trouverez pas
un Basque à vendre."
Chiquito qui depuis quarante ans promène sa fierté et ses colères sur tous les frontons,
l'homme qui a 57 ans a encore le bras le plus fort de France pour envoyer la balle sur le mur
blanc, après avoir gagné des fortunes, ne vit que de ses seuls gains de joueur. Chiquito, on peut
le dire, n'a réalisé aucune économie.
L'homme qui fut adulé à Paris, à Buenos-Aires, à Rio, qui fut la grande vedette sportive
pendant plus d'un quart de siècle, n'a pas fait un sou d'économie. Les managers et.
l'insouciance brûlèrent au fur et à mesure les billets qu'il gagnait facilement...
Et quel enfant ! Savez-vous que chaque nuit de Noël une main amie dresse dans la chambre de
Chiquito, pendant son sommeil, un arbre de Noël et que le grand pelotari, à son réveil, saute de
joie, bat des mains et décroche du sapin un paquet de cigarettes, un cigare ou un grand
chistera.
Et voici que Chiquito de Cambo, le plus ancien des champions français de premier plan
toujours en exercice, magnifique figure du sport, décoré d'ailleurs il y a trois ans de la Légion
d'honneur, va fêter dimanche, à Biarritz, sur le beau fronton d'Aguilera, ses quarante ans de
sport.
Il y a quarante ans en effet, le 20 août 1898, le grand champion, M. Chistera Arrué, vedette
imbattable, venait d'être défié sur le coquet fronton de Combes, par un jeune, par un inconnu.
On allait voir Arrué dans ses œuvres, sans se soucier du nom de son adversaire, battu d'avance.
Mais l'allure, l'élégance, la puissance, la finesse d'Arrué avaient attiré ce jour-là tous les
fervents de la pelote dans la région de Saint-Jean-Pied-de-Port à Bayonne. On était venu en
landau, en victoria, en perdinière, de partout à la ronde.
— Croyez-vous, disait-on, ce gamin du pays a eu l'audace d'appuyer son défi à Arrué de la
somme de 1 000 francs.
Mille francs c'était beaucoup pour l'époque. Mais une dizaine d'habitants de Cambo, parmi
eux le curé, s'étaient cotisés pour faire la somme.
Et voici la surprise. Le gamin, loin de se laisser écraser comme on le supposait, par Arrué, plus
vif et plus souple que son adversaire, prit vite l'avantage. Encouragé par la foule, le petit
Chiquito fonçait, renvoyait la balle, et essoufflait Arrué. Il gagnait par 50 points à 25.
— Quel est son nom ? Qui est-il ? Quel est son âge ? Interrogeaient ceux qu'on appelait les
"étrangers".
L'inconnu s'appelait Joseph Apesteguy. Il n'avait pas encore 17 ans. Mais le soir même il
n'était plus question d'Apesteguy, mais de Chiquito de Cambo dont la victoire eut un
retentissement énorme aussi bien en Espagne qu'en Amérique du Sud où on lui fit un pont d'or.
Peu de temps après, Chiquito de Cambo devait trouver dans le futur Edouard VII, alors prince
de Galles, un grand protecteur et ami. A tel point que lorsqu'il monta sur le trône, Edouard
VII appela Chiquito à Buckingham Palace, où il disputa plusieurs matches. Le roi d'Angleterre
avait décidé de le garder au Palais comme professeur de pelote basque et de faire construire un
fronton, lorsque la mort vint mettre fin à ses projets.
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