DES MINISTRES À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT (DONIBANE GARAZI) EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN JUILLET 1910 (première partie)

DES MINISTRES EN BASSE-NAVARRE EN 1910.

En juillet 1910, deux enfants du pays sont honorés à Saint-Jean-Pied-de-Port (Donibane Garazi) par de hautes personnalités politiques françaises : Michel Renaud et Charles Floquet.

INAUGURATION MONUMENTS RENAUD ET FLOQUET 1910
ST JEAN PIED DE PORT

Je vous ai déjà parlé des deux personnalités de Saint-Jean-Pied-de-Port, Michel Renaud et 

Charles Floquet, dans un article précédent.

Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du 

17 juillet 1910 :

"A Saint-Jean-Pied-de-Port.

Les Monuments Hoquet et Michel Renaud. Cérémonies et Fêtes d’inauguration. Importantes Déclarations Ministérielles.

On se souviendra longtemps, dans le Pays Basque, des fêtes inoubliables dont St-Jean-Pied-de-Port fut le théâtre, dimanche dernier, et des réconfortantes paroles depuis longtemps attendues et qui enfin se sont fait entendre. 

Quand M. Barthou, vice-président du Conseil des Ministres ; M. René Renoult, Sous-Secrétaire d’Etat aux Finances ; MM. Maurice Sarraut et Touzet, remplaçant M. Albert Sarraut, retenu à Paris, arrivèrent, vers dix heures du matin, à St-Jean-Pied-de-Port, accompagnés des sénateurs et députés républicains du département, des plus hautes autorités civiles et militaires, d’un grand nombre de conseillers généraux et d’arrondissement, des délégations de Pau, Bayonne, Biarritz et diverses autres villes, des sections des Vétérans, avec tous leurs drapeaux, toute la vieille cité présentait une animation extraordinaire ; fanfare et orphéon étaient à la gare, saluant l’arrivée du train ministériel ; les troupes et la gendarmerie rendaient les honneurs ; le maire, M. Larroque, présentait aux Ministres le Conseil municipal, les fonctionnaires, les délégations, les personnalités diverses ; musique, fleurs, compliments, esprit et bonne humeur et, sans plus tarder, en route pour le monument de Michel Renaud. 

MONUMENT RENAUD ST JEAN PIED DE PORT
PAYS BASQUE D'ANTAN

Une tribune a été élevée près du piédestal que surmonte le buste de l’ancien représentant du peuple. Mme Floquet, veuve de l’ancien Président, est au premier rang, à côté de MM. Barthou et René Renoult. Auprès d’eux se trouvent MM. Coggia, Préfet des Basses-Pyrénées, les sénateurs Catalogne, Faisans, Forsans, les députés d’Etchepare, Garat, Bérard, auprès desquels M. Pradet-Balade semble se chercher une contenance, M. Etchats, président du Comité du Monument, M. Cadot de Villemonble, premier président, le général Ruffey, commandant la 36e subdivision, M. Haffner, procureur-général, Le général Isnard, tous les sous-préfets du département, MM. Sarraut, Despaux, Elie Pécaut, directeurs de la "Dépêche", de la "France", de la "Frontière", MM. Larroque, maire, et Etchevers, adjoint de St-Jean, et toutes les autorités... 

Des discours furent prononcés par MM I.arroque, Pradel-Balade, député, Forsans, sénateur et Barthou. 

Discours de M. Forsans, sénateur.

PIERRE FORSANS SENATEUR MAIRE DE BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ce fut au milieu de sympathiques applaudissements que M. Forsans prit la parole, et son allocution fut fréquemment interrompue par les marques d’approbation, par les acclamations de l'assistance : 

Messieurs les Ministres, 

Messieurs et chers Concitoyens, 

Comme vous tous, je suis sous le charme et l’émotion des cérémonies si touchantes auxquelles nous assistons, et si je n’écoutais que ma trop juste modestie, je me garderais bien de prendre à mon tour la parole. 

Mais les organisateurs de cette inoubliable journée ont montré envers leur sénateur le plus voisin trop de courtoise amabilité, ils ont trop de droits à mon amitié et à mon dévouement pour que je puisse hésiter à leur adresser mes remerciements les plus cordiaux et à y joindre les plus chaleureuses félicitations. 

On ne peut, en effet, trop louer l’heureuse initiative, grâce à laquelle est évoquée la mémoire des fiers caractères basques que nous honorons aujourd’hui. 

Nos âmes se retrempent et s’ennoblissent au contact de telles âmes et leur courage, leur délicatesse, leur sereine vertu et leur foi immortelle sont pour nous des modèles et des exemples qui élèvent les cœurs. 

Comment ne pas admirer en Michel Renaud cette indomptable énergie alliée à tant de douceur ! Représentant du peuple, il se dresse de toute sa force contre le coup d’Etat ; il a l’honneur d’être emprisonné et proscrit, refuse toute amnistie incompatible avec sa dignité, et, rentré en France, il a pour toute ambition, quoique sexagénaire, le désir de se battre et de se dévouer, pour la Patrie, comme il s’était battu et dévoué pour la République. 

INAUGURATION MONUMENTS RENAUD ET FLOQUET

ST JEAN PIED DE PORT

Avec quelle mâle dignité il supporte les échecs les plus immérités ! Battu au lendemain du 16 Mai, dans une élection législative où l’on avait employé contre lui les moyens que les cléricaux continuent d’employer contre les républicains : "On peut nous insulter, disait-il à ses électeurs, on peut nous vaincre, mais nous abattre, jamais !" 

Et quel contraste entre cette intrépidité en face du parjure couronné, cette fermeté devant les circonstances adverses et les accents si tendres, si délicats, si affectueusement persuasifs qu'il sait trouver pour consoler sa mère bien-aimée ! 

Oui, vous avez eu cent fois raison, mes amis Saint-Jeannais, d’associer à la gloire du tribun Charles Floquet, celle, plus modeste peut-être, plus intime surtout, de ce compatriote qui est resté doute sa vie si étroitement attaché à la petite patrie de la frontière basque, si étroitement, que, même exilé, il obtenait, en 1852, le plus grand nombre de suffrages dans une élection au Conseil Municipal de St-Jean-Pied-de-Port. 

Et je ne puis résister au plaisir de vous donner lecture de la lettre de remerciements et de démission qu’il adressa, à la suite de ce vote, au maire d’alors, qui était votre prédécesseur, mon cher Larroque, mais qui n’avait pas, comme, vous, été désigné par le libre choix de ses concitoyens.

Voici cette lettre :

 Pampelune, 8 Septembre 1852. 

A Monsieur le Maire de St.-J.-P.-de-Port, 

Monsieur le Maire, 

MONUMENT RENAUD ST JEAN PIED DE PORT

PAYS BASQUE D'ANTAN

A ceux de mes concitoyens qui, le 29 du mois dernier, m’ont honoré d’un nouveau témoignage d’estime, de confiance et de sympathie, aux habitants de ma bien-aimée ville natale qui, en arborant mon nom, en le plaçant en tête des élus au Conseil Municipal, ont bien voulu m’envoyer sur la terre étrangère un souvenir, une consolation, un bouquet dont chaque fleur est un suffrage ami et républicain, je dois et j’envoie à mon tour l’expression de toute ma gratitude. 

Mon cœur leur adresse de loin les plus chaleureux remerciements, et, comme à tous les Basques qui n’ont pas déserté la grande cause de la Liberté, les salutations les plus fraternelles. 

Quant au serment exigé, du haut de son parjure, par celui-là même qui a donné l’exemple le plus cynique de la violation de la foi jurée, ma conscience, ma foi républicaine, ce que j’ai été, ce que je suis, tout enfin me défend de le prêter. 

Dieu merci, je ne suis pas assez Prince pour me permettre de jouer avec la sainteté du serment, aussi j’ai bâte de dire : "Je le refuse !" et je donne ma démission que vous aurez, je vous prie, l’obligation d’envoyer au Préfet du Département. 

Je serai toujours heureux de pouvoir protester avec la plume, avec la parole ou autrement, contre le plus ignoble despotisme qui ait jamais pesé sur un pays, contre un Gouvernement trop fidèle à l’infernale mission d’écrire, dans l’histoire de notre Patrie la plus triste et la plus honteuse des pages, avec des larmes, de la boue et du sang. 

J’ai l’honneur d’être avec respect, Monsieur le Maire, votre très humble compatriote. 

Michel Renaud, 

Ex-représentant du Peuple."

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