LA CHANSON DE ROLAND À RONCEVAUX.
La Chanson de Roland est un poème épique et une chanson de geste du 11ème siècle, comportant environ 4 000 vers.
LA CHANSON DE ROLAND RONCEVAUX PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai déjà parlé de la Chanson de Roland, dans la première partie d'un article précédent.
Voici ce que rapporta le journal Le Temps, dans la seconde partie d'un article, dans son édition
du 16 septembre 1900, sous la signature de Gaston Deschamps :
"Commentaire de la chanson de Roland.
Roncevaux, le 10 septembre.
... Au sortir de Saint-Jean, la route s’élève de terrasse en terrasse et côtoie la Nive d’Arnéguy. Après Bergara, la frontière suit le cours de la rivière. Si bien qu’on n’aurait qu’à sauter par dessus ce mince filet d’eau pour être en terre espagnole. La fiction diplomatique sépare, ici, en deux nations, des gens qui parlent la même langue et qui, de l’une à l’autre rive, peuvent se dire bonjour sans quitter le seuil de leurs maisons. Je ne sais si la fameuse "commission des Pyrénées" travaille encore dans ces parages. C’est au village d’Arnéguy, petit tas informe de maisons pierreuses, que la route quitte la terre de France. Le milieu du pont, sur la Nive, marque l’intersection de la Navarre française et de la Navarre espagnole. Les douaniers, en deçà, ont un pantalon bleu à bande rouge. Au delà, les carabineros ont des vestes grises et des casquettes blanches. Je suis étonné de ne point retrouver ici le luxe de guérites, de postes et de factionnaires que l'Espagne étale sur la rive gauche de la Bidassoa. Est-ce que les contrebandiers sont moins nombreux ici qu’ailleurs ? Est-ce que les prouesses d’Aykaïtza, d’Emparan, d’Artola, de Ramuntcho sont inconnues sur les bords de la Nive ? Est-ce que les ballots de café ou de cacao ne circulent pas sur la route de Pampelune à Roncevaux ?
Cette route est pourtant sinueuse à souhait. Elle s’enlace, avec une souplesse serpentine, autour des masses montagneuses, parmi les frondaisons touffues des hêtres et des châtaigniers. Elle s’aplanit, comme une corniche habilement taillée, sur le flanc des talus et sur le rebord des escarpements. A gauche, la vue descend, de ravin en ravin, vers la Nive qui, depuis la frontière, a changé de nom et s’appelle désormais le rio de Valcarlos.
LA CHANSON DE ROLAND PAYS BASQUE D'ANTAN |
Valcarlos est une petite ville d’un millier d'âmes, gracieusement perchée à mi-côte, auprès d’un torrent qui égaye de son bruit continu et fluide la paix un peu monotone de ce coin retiré.
Valcarlos ! Le val de Charles ! Faut-il voir, dans ce nom sonore, la survivance d’un souvenir ancien? Charlemagne est passé par ici. Toute autre voie était impossible. Il n’a point pu passer ailleurs. Rien n’est permanent comme un sentier de montagne. Et, pour les Basques, errant sur ces hauteurs, ce dut être un spectacle inoubliable que cette longue file d’hommes blonds et de lourds chevaux, retournant vers le Nord. Pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, la montagne en fut piétinée. Le cliquetis et le reflet des armures attiraient les pâtres, curieux, hostiles et méfiants. Le peuple basque n’a jamais aimé les intrus. Ceux-là, victorieux et bourrus, durent paraître particulièrement indiscrets. Le brouhaha de cette foule en marche troublait la sérénité des sommets et couvrait presque le bruit des torrents et des gaves. Une telle multitude, il faut que cela mange. Et c’est effrayant de penser à cette énorme mangeaille. Le pays était sobre, frugal, de peu de ressources. Les reîtres de Charles ne se gênaient pas pour chaparder sur le domaine des paysans. Un mouton par-ci, un poulet par-là étaient vite attrapés, rôtis, mangés.
Ces choses-là se fixent dans la mémoire des petites gens, comme les années de grêle, de sécheresse, de phylloxéra ou de fièvre aphteuse. Il est naturel que les Basques aient baptisé Valcarlos, le val de Charles, en souvenir d’une calamité.
ROLAND A RONCEVAUX |
En montant de Valcarlos au col d’Ibañeta, je ne pouvais me déprendre de cette double image : d’une part, le soldat sans gêne, s’arrogeant tous les droits du seigneur, le señor soldado, comme disent les Espagnols ; — d’autre part, le pauvre diable de Basque, sans autre arme que son couteau, mais ayant la force apparemment invincible de l’homme qui se sent chez lui. Guetter les gens du Nord au détour d’une gorge, tomber dessus à l’improviste, les jeter dans un précipice, au fond d’un torrent, avec leurs pesantes cuirasses et leurs galoches de fer, quelle tentation, pour des montagnards, équipés à la légère et chaussés de silencieuses espadrilles !
Les ruines d’une vieille église achèvent de se délabrer, sur le col d’Ibañeta, entre les pelouses inclinées et les superbes forêts, de Hayra et de Changoa. La route descend vers Pampelune...
Un peu avant Burguete, le chemin semble barré par un grand monastère, dont les toits de zinc, pâlis par le déclin du jour, simulent, aux approches du crépuscule, un effet de neige et de Suisse alpestre. Un troupeau de moutons revient du pâturage. Un groupe de paysans, vaguement dessiné par le clair-obscur de la nuit tombante, est arrêté devant la porte d’une auberge. C’est Roncevaux.
Ce matin, on m’a fait voir une petite chapelle, bâtie sur le tertre où Charlemagne a fait enterrer ses paladins. J’ai pensé aussitôt à ceux qu’énumère la Chanson : Bérenger, Samson, le vieux Gérard de Roussillon, Angellier de Gascogne, Ogier le Danois, qui fut vainqueur de l’émir Baligant.
Dans la sacristie du monastère, un bedeau me montre la masse d’armes de Roland et les pantoufles de l’archevêque Turpin. Mais le digne homme rit lui-même en me faisant soupeser ces reliques.
ROLAND A RONCEVAUX |
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