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lundi 19 août 2019

LA CHANSON DE ROLAND À RONCEVAUX EN NAVARRE AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (deuxième et dernière partie)


LA CHANSON DE ROLAND À RONCEVAUX.


La Chanson de Roland est un poème épique et une chanson de geste du 11ème siècle, comportant environ 4 000 vers.


chanson de roland roncevaux
LA CHANSON DE ROLAND RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je vous ai déjà parlé de la Chanson de Roland, dans la première partie d'un article précédent.




Voici ce que rapporta le journal Le Temps, dans la seconde partie d'un article, dans son édition 

du 16 septembre 1900, sous la signature de Gaston Deschamps :


"Commentaire de la chanson de Roland.


Roncevaux, le 10 septembre.



... Au sortir de Saint-Jean, la route s’élève de terrasse en terrasse et côtoie la Nive d’Arnéguy. Après Bergara, la frontière suit le cours de la rivière. Si bien qu’on n’aurait qu’à sauter par dessus ce mince filet d’eau pour être en terre espagnole. La fiction diplomatique sépare, ici, en deux nations, des gens qui parlent la même langue et qui, de l’une à l’autre rive, peuvent se dire bonjour sans quitter le seuil de leurs maisons. Je ne sais si la fameuse "commission des Pyrénées" travaille encore dans ces parages. C’est au village d’Arnéguy, petit tas informe de maisons pierreuses, que la route quitte la terre de France. Le milieu du pont, sur la Nive, marque l’intersection de la Navarre française et de la Navarre espagnole. Les douaniers, en deçà, ont un pantalon bleu à bande rouge. Au delà, les carabineros ont des vestes grises et des casquettes blanches. Je suis étonné de ne point retrouver ici le luxe de guérites, de postes et de factionnaires que l'Espagne étale sur la rive gauche de la Bidassoa. Est-ce que les contrebandiers sont moins nombreux ici qu’ailleurs ? Est-ce que les prouesses d’Aykaïtza, d’Emparan, d’Artola, de Ramuntcho sont inconnues sur les bords de la Nive ? Est-ce que les ballots de café ou de cacao ne circulent pas sur la route de Pampelune à Roncevaux ? 




Cette route est pourtant sinueuse à souhait. Elle s’enlace, avec une souplesse serpentine, autour des masses montagneuses, parmi les frondaisons touffues des hêtres et des châtaigniers. Elle s’aplanit, comme une corniche habilement taillée, sur le flanc des talus et sur le rebord des escarpements. A gauche, la vue descend, de ravin en ravin, vers la Nive qui, depuis la frontière, a changé de nom et s’appelle désormais le rio de Valcarlos. 



chanson de roland roncevaux
LA CHANSON DE ROLAND
PAYS BASQUE D'ANTAN


Valcarlos est une petite ville d’un millier d'âmes, gracieusement perchée à mi-côte, auprès d’un torrent qui égaye de son bruit continu et fluide la paix un peu monotone de ce coin retiré. 



Valcarlos ! Le val de Charles ! Faut-il voir, dans ce nom sonore, la survivance d’un souvenir ancien? Charlemagne est passé par ici. Toute autre voie était impossible. Il n’a point pu passer ailleurs. Rien n’est permanent comme un sentier de montagne. Et, pour les Basques, errant sur ces hauteurs, ce dut être un spectacle inoubliable que cette longue file d’hommes blonds et de lourds chevaux, retournant vers le Nord. Pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, la montagne en fut piétinée. Le cliquetis et le reflet des armures attiraient les pâtres, curieux, hostiles et méfiants. Le peuple basque n’a jamais aimé les intrus. Ceux-là, victorieux et bourrus, durent paraître particulièrement indiscrets. Le brouhaha de cette foule en marche troublait la sérénité des sommets et couvrait presque le bruit des torrents et des gaves. Une telle multitude, il faut que cela mange. Et c’est effrayant de penser à cette énorme mangeaille. Le pays était sobre, frugal, de peu de ressources. Les reîtres de Charles ne se gênaient pas pour chaparder sur le domaine des paysans. Un mouton par-ci, un poulet par-là étaient vite attrapés, rôtis, mangés. 



Ces choses-là se fixent dans la mémoire des petites gens, comme les années de grêle, de sécheresse, de phylloxéra ou de fièvre aphteuse. Il est naturel que les Basques aient baptisé Valcarlos, le val de Charles, en souvenir d’une calamité. 



chnason de roland roncevaux
ROLAND A RONCEVAUX

En montant de Valcarlos au col d’Ibañeta, je ne pouvais me déprendre de cette double image : d’une part, le soldat sans gêne, s’arrogeant tous les droits du seigneur, le señor soldado, comme disent les Espagnols ; — d’autre part, le pauvre diable de Basque, sans autre arme que son couteau, mais ayant la force apparemment invincible de l’homme qui se sent chez lui. Guetter les gens du Nord au détour d’une gorge, tomber dessus à l’improviste, les jeter dans un précipice, au fond d’un torrent, avec leurs pesantes cuirasses et leurs galoches de fer, quelle tentation, pour des montagnards, équipés à la légère et chaussés de silencieuses espadrilles !



Les ruines d’une vieille église achèvent de se délabrer, sur le col d’Ibañeta, entre les pelouses inclinées et les superbes forêts, de Hayra et de Changoa. La route descend vers Pampelune...



Un peu avant Burguete, le chemin semble barré par un grand monastère, dont les toits de zinc, pâlis par le déclin du jour, simulent, aux approches du crépuscule, un effet de neige et de Suisse alpestre. Un troupeau de moutons revient du pâturage. Un groupe de paysans, vaguement dessiné par le clair-obscur de la nuit tombante, est arrêté devant la porte d’une auberge. C’est Roncevaux. 



Ce matin, on m’a fait voir une petite chapelle, bâtie sur le tertre où Charlemagne a fait enterrer ses paladins. J’ai pensé aussitôt à ceux qu’énumère la Chanson : Bérenger, Samson, le vieux Gérard de Roussillon, Angellier de Gascogne, Ogier le Danois, qui fut vainqueur de l’émir Baligant. 



Dans la sacristie du monastère, un bedeau me montre la masse d’armes de Roland et les pantoufles de l’archevêque Turpin. Mais le digne homme rit lui-même en me faisant soupeser ces reliques. 



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ROLAND A RONCEVAUX

Enfin, voici le ravin d’Altabiscar, où fut consommé le sacrifice de Roland et des douze pairs. Je lis ces couplets de la  Chanson 

Les Sarrasins se couvrent de cottes démaillés. Ils lacent leurs bons heaumes de Saragosse. Ils empoignent leurs épieux de Valence. Us font retentir mille clairons. 

Olivier monte sur un grand pin, regarde à droite dans le vallon touffu et voit venir la horde... 

Je ne sais s’il y avait des pins, sur ces hauteurs, au temps d’Olivier. Je puis dire que, pour le moment, il n’y en a pas un seul. 

Roland s’engage aux défilés d’Espagne, sur Vaillantif, son bon coursier... 

Le comte Roland chevauche à travers le champ de bataille, durandal au poing... Olivier chevauche à travers la mêlée Il tue sept cents Sarrasins. 



Hélas ! Le fond du ravin est un vrai marécage. Quelles que soient les vertus de Vaillantif, je ne vois pas comment on pourrait mener une charge de cavalerie. 



Hauts sont les pics, hauts sont les arbres.. Quatre perrons sont là de marbre étincelant...Roland frappe de grands coups d’épée sur la roche de sardoine. L’acier grince, mais sans se rompre ni s’ébrécher...Le comte Roland est étendu sous un pin, le visage tourné vers l’Espagne... 



J'ai beau regarder. Je ne vois pas de pins. Je ne vois pas de roches de sardoine. Je vois des montagnes coquettes, bien habillées de verdure, parées de fleurs, tout à fait agréables et avenantes. Il me paraît bien que le trouvère qui a rédigé la Chanson de Roland a fait ses descriptions "de chic" et n’a jamais vu les Pyrénées. 



Lisons maintenant la précise narration d’un historiographe : 


Charles ramena (d’Espagne) ses troupes saines et sauves. A son retour cependant, et dans les Pyrénées mêmes, il eut à souffrir un peu de la perfidie des Basques. L’armée défilait sur une ligne étroite et longue, ainsi que l’exigeait le terrain très resserré. Les Basques se cachèrent dans la montagne qui, par l’étendue et l'épaisseur de ses bois, favorisait leur embuscade. De là, se précipitant sur la queue des bagages et sur l'arrière-garde, ils culbutèrent un de nos détachements, tuèrent les hommes, après un combat opiniâtre, pillèrent, les bagages et profitèrent de la nuit pour s’éparpiller en divers lieux avec une extrême célérité... 


Les Basques avaient pour eux, dans cette échauffourée, la légèreté de leur équipement et l’avantage de leur position. Les Francs étaient gênés par la pesanteur de leurs armes et par la configuration du terrain. Nous avons perdu, dans cette affaire, Egghinard, maître d’hôtel du roi, Anselme, comte du palais, Rolland, commandant de la frontière de Bretagne. 




Tel est le récit d’Eginhard, au chapitre IX de la Vie de Charlemagne. Ce rapport doit être exact comme un procès-verbal. On aperçoit très bien, à travers ces lignes volontairement sèches, la réalité des faits : l’embuscade des Basques, sous le feuillage épais et profond des hêtres, leur ardeur à convoiter les bagages, les caisses, tout le train des équipages, mal gardé, peut-être, par une armée qui croyait marcher en pays conquis. 



Le "désastre" de Roncevaux, comme plus tard le "désastre de Lang-Son" —a été fort exagéré. Ce fut une razzia, que l’imagination de la chrétienté a amplifiée démesurément. En tout cas, les Sarrasins ne sont pour rien dans ce méfait. D’une aventure qui appartient à l’histoire basque, le talent d’un poète inconnu a fait une épopée française."



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