LE PAYS BASQUE EN 1893.
En 1893, le Pays Basque Nord compte environ 200 000 habitants.
CARTE DES BASSES-PYRENEES EN 1893 |
Voici ce que rapporta le Journal des débats politiques et littéraires, sous la plume de René
Bazin, le 21 octobre 1893 :
"Le Pays Basque - La palombière de Sare.
Je descendais, non pour la première fois, le chemin qui longe le golfe de Gascogne et mène vers l'Espagne. Gomme nous le faisons tous, en pareil cas, je songeais plus souvent à Théophile Gautier, aux combats de taureaux, aux œillets d'Espagne et à la fameuse lettre, impossible à prononcer, le j de ce pays guttural. Les trente mots d'espagnol, que la vie nous oblige à apprendre, tournaient autour de moi, et j'aurais dit volontiers à ce voisin d'en face, immobile et si calme dans ce rapide : "Señor caballero", pour le plaisir d'entendre sonner des syllabes étrangères. J'éprouvais aussi une joie, et comme un sentiment de délivrance, de ne plus être emprisonné entre deux murailles de forêts de pins, de revoir, couvrant la terre et les arbres, une verdure plus proche de nous, puisqu'elle change. L'embouchure de l'Adour me paraissait exquise, malgré la pluie.
C'était Bayonne.
"Allons, pensai-je, il faut maintenant découvrir un euskarisant."
Personne n'ignore que l'eskuara et la langue basque sont une seule et même chose. Or, je rêvais de connaître quelqu'un qui eût fait le tour de ce parler sans origines définies, dont les hommes les plus polyglottes n'usent généralement pas et qu'on nous représente, dans les préfaces, comme "un îlot entouré de mers sans fond". Un tel savant devait être curieux et facile à trouver, relativement, dans le pays bayonnais. Je comptais sur le hasard des voyages. Il me servit fort bien et, pour me faire aimer la ville, m'envoya un poète, Louis Labat, dont j'avais lu, dans la collection Lemerre, je crois, des vers attendris et d'une si fraîche poésie. Nous parcourions la jolie ville, une des bien rares qui soient vivantes malgré beaucoup de vieux souvenirs et des murs de forteresse. La grâce du Midi l'a préservée. La Nive et l'Adour lui donnent des bateaux, des marins et des mariniers, une animation de port florissant. Les équipages trottent, l'après-midi, dans les rues étroites, et, à toute heure, sous les arcades voûtées, devant les fenêtres larges composées de tant de petites vitres, une foule remuante passe, surtout des femmes du peuple, desservantes, les cheveux roulés dans le foulard de soie. Elles ne portent souvent rien du tout. Mais elles vont vite. C'est incroyable ce qu'il doit y avoir de courses à faire à Bayonne. Je pensais cela tout bas. Puis nous causions avec mon guide.
— Avez-vous remarqué, me disait-il, l'exquise lumière de ce pays-ci ?
— Oh ! depuis longtemps.
— C'est sa grande beauté. Il en a d'autres. Vous devrez voir la barre de l'Adour, au Boucau, et Saint-Jean-Pied-de-Port, où l'on va peu, et l'Assomption, de Bonnat, dans une église d'ici. Vous devrez consulter aussi nos chroniques de Bayonne, tenez, simplement Bayonne historique et pittoresque, de M. Ducéré, un chercheur infatigable et heureux. Après quoi, si vous avez du temps à donner à nos anciens corsaires bayonnais...
L'ASSOMPTION DE LEON BONNAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce goût du passé, chez un poète et chez un poète si jeune, réveilla la question assoupie. Quelque invraisemblance qu'il y eût, je demandai :
— Euskarisant ?
— Pas le moins du monde.
— Ne pourriez-vous pas me dire, tout au moins, où passe la frontière de la langue basque, et quelle ligne elle trace exactement....
Il fit un geste de dénégation, en homme aimable, désolé de ne pas savoir.
— Peut-être à Biarritz, répondit-il, trouverez-vous ce que vous cherchez.
Je trouvai d'abord à Biarritz l'admirable paysage de mer que vous connaissez, et que les hommes n'ont pu gâter : les Pyrénées s'en allant, toutes bleues, décroissant de taille et décroissant de teintes, dans la mer un peu sombre, si loin, si loin que l'horizon semble s'être agrandi pour elles. Dans la ville, on achevait de transformer en hôtel la villa de l'impératrice. Le parc, depuis longtemps dépecé, avait pu fournir encore un morceau, très convenable, pour un établissement de bains. La petite chapelle, rachetée et sauvée de la démolition sans doute par une main pieuse, s'ouvrait discrètement à des misses anglaises qui venaient copier le dessin des dalles ou l'encadrement des fenêtres.
THERMES SALINS BIARRITZ 1890 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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