Libellés

mardi 6 août 2019

L'AFFAIRE DE MONSEIGNEUR PUYOL AU PAYS BASQUE EN 1891


L'AFFAIRE DE MONSEIGNEUR PUYOL EN 1891.

Monseigneur Puyol fut d'abord aumônier de Sainte-Barbe, puis recteur de  Saint-Louis-des-Français à Rome. Il fut nommé conciliateur entre le gouvernement français et le clergé Basque, à la fin du 19ème siècle.

pays basque autrefois
JUBILE PAPE LEON XIII JANVIER 1888

Voici ce que raconta Le Figaro, à ce sujet, le 27 janvier 1891 :


"Nous avons prié un de nos amis, qui se trouve présentement à Rome, de faire une enquête sérieuse sur l'incident qui, aujourd'hui ou demain, va être discuté devant le Parlement. Nous avons reçu la relation suivante, que nous reproduisons sans y rien ajouter, comme sans rien retrancher : 



Rome, 23 janvier 1891. 



Il y a bientôt un mois que la révocation de Mgr Puyol est consommée. Si l'émotion du premier moment s'est calmée, l'impression d'étonnement subsiste toujours. 




Ici, les faits sont connus de tous. 




Un procès se préparait, en cour de Rome, entre l'évêque de Bayonne et sept prêtres basques. Le procès offrait de graves inconvénients, parce qu'il soulevait des questions relatives à la dernière lutte électorale en France. Le Pape, voulant éviter le moindre heurt entre son gouvernement et le gouvernement français, chargea Mgr Puyol de procurer, vers la fin d'octobre, à la veille du toast d'Alger, un accommodement entre les parties. Le prélat devait demander aux prêtres basques de retirer leur instance, et à l'évêque de donner, en compensation de cet acte de déférence, un titre de chanoine honoraire à l'un des réclamants. 



pays basque autrefois
EGLISE ST LOUIS DES FRANCAIS ROME

Je retrouve à Rome certaines rumeurs que j'ai entendues à Paris. Les organes de l'ambassade près le Vatican, de même que les organes du gouvernement à Paris, se plaisent à répéter que Mgr Puyol s'est ingéré de sa propre autorité dans l'affaire des prêtres basques. Pur argument pour besoin de cause. Il suffît, d'une remarque pour réduire ces insinuations à leur juste valeur. Ce n'est pas le Vatican qui à désavoué et disgracié Mgr Puyol. Comment des diplomates accrédités près le Saint-Siège peuvent-ils faire accroire que c'est Mgr Puyol qui a fait marcher le Pape ? Avec ça qu'ils ne connaissent pas, par expérience, qu'on ne fait pas marcher Léon XIII ! 



pays basque autrefois
PAPE LEON XIII

Les prêtres basques, dès qu'ils connurent le désir du Pape, acquiescèrent avec une religieuse déférence et retirèrent sur-le-champ leur plainte. L'évêque ne voulut entendre à aucune concession. Le Pape agréa cependant le désistement, mais se crut obligé d'accorder le dédommagement que l'évêque n'avait pas concédé : il fit parvenir à trois des prêtres basques, vers la fin de décembre, des titres honorifiques, en spécifiant que le Saint-Siège accordait ces distinctions en récompense de l'esprit de soumission et de respect qu'ils avaient manifesté pour l'autorité pontificale. C'est Mgr Puyol qui fut chargé d'expédier les titres. 




On a beau tourner et retourner ces faits, on ne peut y percevoir, de la part du Vatican, qu'une série de ménagements scrupuleux et qu'un désir constant de ne pas froisser le gouvernement français. Le Pape ne veut qu'étouffer un procès dangereux, et il choisit, pour procurer la transaction, un prélat français, originaire de Bayonne, que ses fonctions et ses relations avec le gouvernement ne permettaient pas de tenir pour suspect. 




Comment le gouvernement français a-t-il répondu à ces bons procédés ? Par une mesure ab irato et sans humanité. Le supérieur de Saint-Louis a été révoqué par dépêche télégraphique. L'arrêté lui a été signifié à sept heures du soir. Il a dû remettre immédiatement ses pouvoirs à un pro-supérieur. Il quittait définitivement Saint-Louis le lendemain matin. De compensation ou d'indemnité, il n'a pas été le moindrement question, bien que Mgr Puyol soit un ancien serviteur de l'Etat. Cet ecclésiastique si considérable et si considéré a été mis à la porte de Saint-Louis comme un malfaiteur dangereux. On lui prête un mot typique : "Je faisais le pompier, on m'a traité en pétroleur". Les procédés dont on a usé envers Mgr Puyol ont causé à Rome un sentiment des plus pénibles. On a remarqué que c'est dans le diocèse particulier du Pape, sous ses yeux, par les mains de l'ambassadeur près du Saint-Siège, que la République française a exercé, sur la personne la plus constituée en dignité, le sévice le plus grave que l'on ait eu à signaler depuis le commencement des difficultés religieuses. Il n'y a eu, d'ailleurs, que M. Barthou qui, en France même, ait applaudi à ces rigueurs. 




pays basque autrefois
LOUIS BARTHOU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Quelle est la cause d'une mesure si sévère ? 




La personne même de Mgr Puyol, ni ses antécédents, n'ont été mis en cause. Ce prélat accomplissait, depuis dix ans, les fonctions de supérieur de Saint-Louis à la satisfaction générale. Le gouvernement lui-même appréciait si bien ses services, qu'il avait désiré lui confier, il y a à peine quelques mois, la direction d'un grand diocèse de France. L'année dernière, l'ancien supérieur de Saint-Louis a reçu, par deux fois, paraît-il, les félicitations du ministre des affaires-étrangères pour son intervention en certaines conjonctures délicates. On lui reproche d'avoir accepté une mission du Vatican. C'est un peu tard pour s'apercevoir qu'il remplissait parfois le rôle d'intermédiaire. Ce rôle, depuis dix ans il le remplissait souvent, il ne s'en cachait pas, et on ne lui en a su mauvais gré que le jour de sa révocation. 




Qu'est-ce donc qui a valu à Mgr Puyol sa disgrâce présente ? Ce n'est ni la statue de Jeanne d'Arc, ni le prince Napoléon, ni le zèle pour le Cercle français, ni l'animosité de l'ambassade près le Vatican. On doit le dire. C'est un comité électoral des Basses-Pyrénées qui est parvenu à gagner à la main le gouvernement et à déterminer un esclandre à Rome et à Paris. 




Ici, il n'y a pas de doute à cet égard. On sait que les agents électoraux républicains, des Basses-Pyrénées essaient de peser sur le clergé et le peuple basques pour faire accepter certains candidats. On espérait comprimer la résistance. On s'était assuré le concours de l'évêque de Bayonne. Quand on a vu arriver de Rome dans le pays basque des titres honorifiques à l'adresse de quelques prêtres frappés par le gouvernement et par l'évêque pour cause électorale, on n'a pas voulu examiner les raisons d'un tel acte. On s'est exaspéré avant toute explication et quand même. Le préfet s'est mis en branle par une dépêche officielle ; l'évêque est venu à la rescousse avec une note adressée à l'administration des cultes. Le jeune et ignoré député Barthou a trouvé là une occasion favorable de se donner quelque notoriété et quelque importance. Il a fait la mouche du coche. Le ministère s'est laissé entraîner à faire, d'une querelle de clocher, une question gouvernementale. La révocation de Mgr Puyol a été décidée. Habituellement, M. Ribot est plus maître de soi-même. Mais il n'y a pas de bon cheval qui ne bronche. 




Comme gaffe, c'était déjà gentil. Mais il était écrit que la gaffe serait solennelle, comme disent les Romains. On n'a pas laissé à l'incident les proportions d'une affaire de service ordinaire. Au lieu d'une répression modérée, pesée, discrète, il y a eu révocation brutale, précipitée, bruyante. La punition n'a pas été en proportion avec la faute, supposé qu'il y ait faute ; on n'a laissé à personne le temps de donner des explications, pas même au secrétaire d'Etat du Pape ; on a notifié la mesure aux journaux par un communiqué conçu en termes violents. Puis, quand le feu a été bien mis au brûlot, on a trouvé qu'il flambait trop fort, et pour l'éteindre on s'est prêté à une interpellation en Parlement, où se trouvent, en présence des doctrines inconciliables et des passions irréductibles. Est-ce joliment complet, cette machine-là, pour faire d'un simple cas interne de chancellerie une question irritante ?




Ce qu'il n'est pas permis de dissimuler, c'est l'étonnement qu'inspire, à Rome, aux meilleurs amis de notre pays, la conduite de la diplomatie française. J'ai interrogé plusieurs personnes très réfléchies et très au courant des affaires politiques et religieuses. Elles sont étonnées, on doit même dire, elles sont affligées, moins de la révocation elle-même, qu'elles ne tournent pas au tragique, que des dispositions qu'elle révèle.




Comment ! c'est à l'heure où le Pape témoigne d'une si grande sympathie envers la France, qu'on se laisse aller à des actes qui ne peuvent que froisser l'auguste vieillard et décourager sa bonne volonté ?





C'est au moment même où le cardinal Lavigerie invite les catholiques à faire accession à la République, qu'on tire sur l'un de ses amis les plus dévoués, occupé à déblayer et à préparer le terrain ? C'est à l'heure présente qu'on fait naître un grief nouveau dans le coeur des catholiques ? Et la politique d'apaisement, où donc s'est-elle nichée ?



bayonne autrefois
CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D 'ANTAN

Le Vatican a subi cette explosion de furia francese avec son habituelle sérénité. A Dieu ne plaise que, pour un accès de mauvaise humeur, le Pape et ses conseillers laissent compromettre les intérêts supérieurs qui leur sont confiés ! Ce n'est pas à cause d'un mouvement ab irato que l'on renoncera à une sympathie profonde envers un généreux pays. Le Pape a été peiné, mais il a restreint l'incident à ses plus infimes proportions. Il n'a voulu y voir qu'une simple question de discipline diplomatique, et il a écarté tout ce qui pouvait aggraver la question. Il plaît à la France de casser son supérieur de Saint-Louis. Il est regrettable qu'elle brise un homme du mérite de Mgr Puyol, qui faisait très bien marcher son important service. Mais elle est maîtresse chez elle : qu'elle use de son droit. Le gouvernement français désire que le Pape fasse des déclarations précises, d'où il constatera que le Saint-Siège n'a jamais voulu intervenir directement ou indirectement, dans les élections françaises ? Et pourquoi le Pape ne déclarerait-il pas qu'il en est ainsi, puisque c'est vrai ? On a donc fait les déclarations sollicitées.



pays basque autrefois
ESKUALDUNA 14 NOVEMBRE 1890
PAYS BASQUE D'ANTAN

En résumé, le gouvernement français aura beau faire du fracas pour enfoncer des portes ouvertes et s'agiter avec fièvre pour quelques méchants articles de l'Escualdunac et de la Semaine de Bayonne, le Vatican ne sortira pas de sa ligne de conduite. Il ne laissera pas exagérer les choses. Il continuera à se montrer plein de ménagements, de condescendance et de courtoisie, sans même exprimer le regret d'être soumis à de semblables épreuves. Mais... mais on jette bien des douches d'eau glacée sur cette affection."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 000 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire