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mercredi 29 août 2018

LE CARDINAL LAVIGERIE DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1900 (première partie)

LE CARDINAL LAVIGERIE À BAYONNE EN 1900.


Charles Martial Lavigerie, né le 31 octobre 1825 à Huire, en Saint-Esprit (ancienne commune des Landes), et mort le 26 novembre 1892 à Alger, est nommé archevêque d'Alger en 1867, ministre qu'il conserve en devenant archevêque de Carthage en 1884.


bayonne autrefois
CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il est nominé cardinal en 1882.


Il est le fondateur de la Société des missionnaires d'Afrique (les "Pères blancs") et des Soeurs 

missionnaires de Notre-Dame d'Afrique (les "Soeurs blanches").


A la fin des années 1880, il se fait le champion contre l'esclavage dans le monde.


Voici ce que rapporta le journal Les Annales Politiques et Littéraires, dans son édition du 25 

février 1900 :


"Une visite au cardinal Lavigerie.


Par ces jours de brouillard lugubre, il me plaît d'évoquer un souvenir heureux, une journée de 

soleil.


En 1891, à Cambo, dans ce coin des Pyrénées où je vais parfois, avec de vrais amis, chercher le calme, un peu d'oubli, j'ai eu l'honneur de voir le grand cardinal Lavigerie. Haute et fière figure que celle du prélat qui honora et servit à la fois l'humanité et la France. Il était bien souffrant déjà, et, venu à Paris pour consulter les médecins, il s'arrêtait — pour la dernière fois — au pays basque avant d'aller trouver la mort qui l'attendait (il le savait bien) sur le sol d'Afrique.



pays basque autrefois
CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN

On m'avait dit :


— Lé cardinal ne reçoit personne. Il se repose dans la maison qu'il a louée, pour un mois, et va quelquefois, mais rarement, à Bayonne ou dans les environs, en voiture. Mais il fuit le monde ; il a demandé à nos montagnes un peu d'air libre et la solitude. Vous ne le verrez pas.



Je voulais, cependant, saluer ce prêcheur d'une autre sorte de croisade, l'orateur dont les discours aux glorieux morts des campagnes d'Algérie, à nos soldats endormis dans le sillon de la conquête, m'avaient si profondément ému jadis et je tenais à ce que mon fils gardât en son souvenir l'image de ce prêtre-guerrier, missionnaire de l'idée, conquérant de liberté humaine. Et, dans la maison blanche, incendiée par le soleil d'août, maison silencieuse et assoupie dans le sourd bourdonnement de la chaleur du Midi, je fis passer mon nom au cardinal, puis j'attendis dans un salon du rez-de-chaussée. Par la fenêtre ouverte, sous le ciel d'un bleu cru, le paysage lointain apparaissait, à demi coupé par les stores baissés, et la campagne semblait comme couchée, immobile et lasse, endormie dans la lumière, sous le clair soleil.


religion autrefois
CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Un jeune prêtre, fort aimable, vint nou sdire avec empressement que Son Eminence allait descendre, et l'accent d'une voix forte, mâle et gutturale arriva bientôt jusqu'à nous. Puis la porte s'ouvrit et, sur le seuil, emplissant presque de sa carrure le cadre des battants ouverts, le cardinal apparut, superbe, avec sa large poitrine, sa barbe faisant une tache blanche sur le rouge. Tel que l'avait peint Bonnat. Une apparition d'autrefois, la vision de quelque prélat du moyen âge, capable de manier à la fois la crosse et la masse d'armes, comme ces évêques qui combattaient après avoir béni et abordaient, à Bouvines, un Salisbury, parmi les chevaliers de fer.



Le visage du cardinal eût semblé rude si toute cette physionomie n'eût été adoucie et illuminée par un bon sourire indulgent, un peu triste, la souffrance tirant déjà, comme par deux fils visibles, les commissures des lèvres. Sur le rouge vêtement de Mgr Lavigerie, une croix de diamants brillait, et, comme Velazquez eût recherché le rouge sur rouge, le cardinal portait un anneau orné d'un rubis, qui, sur sa robe, jetait un éclat de braise.



bayonne autrefois
CARDINAL LAVIGERIE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il me parut essoufflé, douloureusement atteint, et, dès les premiers mots, après un paternel accueil fait au rhétoricien qui le contemplait, il me parla de sa santé, prononça en souriant le mot d'hémiplégie et ajouta : 


— J'ai consulté Charcot, le roi de la névrose. Il ne m'a peut-être pas dit la vérité. La médecine est la seule profession où il soit permis de mentir.



L'état de ses nerfs l'occupait sans le préoccuper, et il s'exprimait sur sa situation avec un détachement plein de bravoure :


— J'ai pris des rhumatismes dans un pays où il y a toujours 40 degrés et où parfois il y en a 50. Ici, cette chaleur torride, qui doit vous accabler— et il regardait, au loin, les champs de maïs — pour moi, c'est le printemps! J'ai un surmenage nerveux tombé sur un tempérament de rhumatisant.



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CARDINAL LAVIGERIE
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Sa constitution robuste, son âge relativement peu avancé — soixante-quatre ans — permettaient qu'on lui parlât, en toute sincérité, d'une espérance, d'une certitude de guérison. Mais le cardinal, ne se laissait point aller à cet espoir. Il avait pris son parti. C'était le soldat qui voit venir la balle et qui ne la craint pas.Il eut hâte de passer à un autre sujet, qui l'intéressait plus que sa propre personne, —son oeuvre. Et, avec une sorte de verve gasconne qui n'excluait point la majesté sacerdotale, il nous parlait des difficultés que créait à cette oeuvre l'adhésion faite par lui à la République, les souscriptions de certains catholiques brusquement interrompues, coupées net, la suspicion entrant dans tels et tels cerveaux ; puis, avec un accent de conviction supérieure, il nous dit pomment il avait compris et traduit la pensée de Léon XIII, qu'il déclarait un des esprits les plus élevés de ce siècle et le pape le plus intelligent de toutes les nécessités, de toutes les tristesses, de tous les redoutables problèmes du inonde moderne qu'on pût rencontrer. 



C'était, ce fut, pendant plus d'une heure, dans la maison close de Cambo, une causerie charmante. Le prélat passait de ces questions de socialisme et de politique aux menus ennuis d'une existence comme la sienne, assiégée par les reporters dans ce coin de Paris où il venait consulter les médecins.



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CARDINAL LAVIGERIE
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— Je crois, me disait-il en souriant, que ce qui me fait aimer le désert, c'est qu'on n'y est pas interviewé.



Et sa pensée, ses souvenirs allaient bien vite vers cette Afrique ou ses Pères Blancs l'attendaient. 



— Vous y retournez ?


— Dans trois semaines. Je suis le chef. Je dois donner l'exemple et, vous savez : je les commande, donc je les suis !


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CARDINAL LAVIGERIE
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Sur l'Afrique, les Arabes, le cardinal avait des observations d'une psychologie piquante.


— Les Arabes sont très, fins. Quand je passe devant des mendiants, ils savent bien comment il faut demander l'aumône. Ils me disent : "La charité pour l'amour de saint Louis, monsieur le cardinal!" Le roi des croisades est, du reste, demeuré, populaire dans ces imaginations africaines. Un autre saint, saint Augustin, évêque d'Hippone, s'est même confondu pour eux en une sorte de personnage légendaire, à demi arabe et qu'ils appellent Sidi Boussaïs. Pour nous, la chapelle de Saint-Augustin est une église chrétienne pour eux, c'est la mosquée de Sidi Boussaïs.



Monsieur le Cardinal ! Ce titre que lui  donnaient les Arabes était aussi populaire à Oran, à Tunis, à Kairouan, que dans notre France. Les marabouts algériens vénéraient le prêtre franc. Un jour que le cardinal visitait, à Jérusalem, la mosquée d'Omar, le grand marabout — chose étrange-— dit au prélat catholique, au roumi, de pénétrer dans la mosquée sans se déchausser, comme lui, le prêtre mahométan, pouvait seul le faire.



--- Monsieur le cardinal, dit le grand marabout, vos chaussures sont aussi saintes que les miennes !



Le nom de Ferdinand de Lesseps vint dans la conversation. Le cardinal avait répondu, un jour, à quelqu'un qui lui parlait d'une candidature à l'Académie française :



labourd autrefois
CARDINAL LAVIGERIE
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— Encore faudrait-il savoir qui il s'agirait de remplacer. Me voyez-vous succédant à M. Labiche? Qu'est-ce que je pourrais bien dire sur son compte? Je ne vois qu'un siège qui puisse me convenir, celui de M. de Lesseps : il sépare les continents et moi j'essaie de les unir.



M. l'abbé F. Klein a rapporté le mot dans une vibrante étude sur le cardinal Lavigerie. Mais, ce jour-là, le cardinal ne manifesta pas même, devant moi, le désir de succéder à Lesseps. Il parla de celui qu'on appelait naguère le grand Français avec une émotion profonde et patriotique. Il opposa le déclin attristé, amer, et sombre de ce vaincu, à cette longue série de succès qui avaient, jusqu'à l'aventure du Panama, marqué cette vie militante. Il eut, pour peindre cet écroulement, des paroles de patriote et de prêtre. C'était à la fois lugubre et beau, que n'a-i-il pu entendre le cardinal, celui qui déjà sentait alors l'ombre monter jusqu'à son cerveau empli, d'une idée unique, absorbante et cruelle ! C'était l'évocation, par un grand orateur, des heures lumineuses, des journées de gloire, devant le trou noir de la fin. C'était le souvenir du passé d'hier, le canon saluant le drapeau tricolore frissonnant au mât du premier vaisseau français qui franchissait l'isthme de Suez. C'était l'acclamation du monde emportant le triomphateur de la veille devenu le découronné du lendemain. Et il y avait une générosité ardente et comme un reflet des chères et fécondes illusions d'autrefois, dans cette causerie à coeur ouvert, dans ce jugement du prélat qui ressemblait à une absolution tombée de haut.



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CARDINAL LAVIGERIE
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Puis, revenant à lui-même, et avec un accent de résignation souriante, d'abdication de toute gloriole devant l'immense gloire entrevue par delà son tombeau de Carthage :


— C'est bien fini, me dît-il. On ne mettra pas sur ma tombe : de l'Académie française !"



Dans un article ultérieur, je vous proposerai la suite de cet "interview".



(Source : WIKIPEDIA)




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