LE TÉNOR BASQUE GUY CAZENAVE.
De tous temps, les Basques ont aimé chanter et, parmi eux, certains en ont fait une carrière artistique, comme Guy Cazenave, originaire d'Hasparren, en Labourd.
TENOR BASQUE GUY CAZENAVE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta la presse, dans plusieurs éditions ;
- La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition du 27 juillet
1925, sous la signature de R. Cazal :
"Nos interviews.
M. Cazenave et le "Gardian".
Souvenirs d’enfance. - Hasparren pays des voix. - La Schola de l’abbé Récalde. - La rapide carrière d’un ténor. - Le feu sur les planches. - Quelques indiscrétions.
Un ami a eu la bonne idée de venir me voir avec le ténor Cazenave. Qui ne connaît à Bayonne et à Biarritz sa haute structure, sa carrure puissante, sa tête petite, bien basque, n'ayant cependant aucun des traits accentués, caractéristiques de la race.
Les yeux appuient un regard direct, la main qui prend la mienne étreint franchement, vigoureusement ; Cazenave est sympathique, je suis heureuse de le connaître. Et comme le hasard se plait à des jeux imprévus, voici que dès les premiers mots nous découvrons que nos mères sont nées dans le même village, dans ce Briscous où les maisons s'essaiment sur une vaste étendue et que le dimanche voit se rassembler tous ses habitants sur la place de l’église ; les mêmes prairies, les mêmes landes, les mêmes ruisselets, les mêmes bois ont enchanté nos vacances d’écoliers ; nous énumérons tour à tour les noms des fermes où nous avons des amis communs, et sonnent et se heurtent les rudes syllabes euskariennes : Etcheandia, Oyarçabal, Jaureguia, Iriberi, Aneateguy, et tant d’autres !
Hasparren, pays des voix musicales et puissantes ; l'air qui le baigne doit posséder des vertus particulières ; je me souviens d’un autrefois lointain où, toute petite fille, j’entendis un soir des voix inoubliables. Deux jeunes femmes, deux soeurs, artistes-nées possédaient ces organes merveilleux. Sollicitées par les plus grands professeurs de Paris qui voulaient les révéler au monde et qui leur promettaient la gloire, elles refusèrent obstinément de quitter Hasparren.
C'est un fait que, depuis "toujours", les offices d’Hasparren ont porté au loin la réputation des "chanteurs".
TENOR BASQUE GUY CAZENAVE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il y eut un moment où cette "renommée" fut particulièrement brillante.
Un jeune vicaire, né à Saint-Jean-de-Luz je crois, l’abbé Récalde, organisa une véritable schola mixte comprenant une quarantaine d’exécutants.
Avec quelle joie Cazenave évoque-t-il ces souvenirs qui lui sont chers entre tous.
"L’abbé Récalde avait une superbe voix de baryton et chantait lui-même avec un art parfait, mais que vous dire des leçons qu’il nous donnait et de quel charme nous pénétrait son enseignement ? Ses explications simples, lumineuses, rendaient le travail facile ; le chant grégorien s’étalait, s’enlevait, se déroulait, fusait comme le vrai chant des anges. Nous chantions aussi des motets à plusieurs voix aux harmonies riches et nombreuses, et sans le savoir, sans nous en rendre compte, nous avions acquis science et sensibilité musicales. J’ai chanté depuis que je suis "Cazenave" les Béatitudes, de César Frank, si j’en ai apprécié la grandeur et la beauté, si j’ai pu les traduire, c’est à l’enseignement de l’abbé Récalde que je le dois".
TENOR BASQUE GUY CAZENAVE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et Cazenave que la reconnaissance ne gêne point et qui tout au contraire s’épanouit en payant son tribut à l’abbé Récalde, nous dit encore comment celui-ci nommé curé à Labets, près de Saint-Palais, réussit dans ce petit village de trois cents âmes à créer une maîtrise enfantine d’une perfection telle qu’en venait de vingt lieues à la ronde pour y entendre les offices.
Actuellement, curé de Ciboure, l’abbé Récalde veille toujours avec soin à ce que la musique, prière rythmée, accompagne dignement les cérémonies du culte ; bientôt, très bientôt, Cazenave chantera dans l’église de Ciboure, heureux de faire plaisir à son premier "maître".
C’est en 1907, grâce à un Concours organisé par la France de Bordeaux que Cazenave fut connu par le vrai public. Il avait appris, en huit jours, deux airs d’opéra avec M. Gabaston, le regretté directeur de l’Ecole de Musique, et il remporta le premier prix. Il travailla ensuite à Paris avec le professeur Teki et Jean de Rezké lui donna des conseils. Puis ce fut l’Opéra et les rôles du grand Répertoire.
Pour la saison prochaine, Cazenave est engagé à Nice, ce sera sa troisième saison d’affilée à l’Opéra de Nice. En octobre et novembre, il chantera au Capitole de Toulouse.
DISQUE LA WALKYRIE DE GUY CAZENAVE PAYS BASQUE D'ANTAN |
C’est à Nice qu’il a créé l’hiver dernier le "Gardian" de Molinetti qu’il compte donner aux Arènes le 9 Août prochain.
— Vous viendrez au Gardian et vous serez charmée par la formule nouvelle ce cet opéra. Je dis formule nouvelle et ce n’est pas exactement cela pourtant ; je veux dire que dans cet ouvrage qui est savamment orchestré et dont l’écriture est souvent subtile, les mélodies sont nombreuses, agréables, écrites comme chez les "anciens" en tenant compte de la tessiture des voix et de leurs registres. L’ouvrage a plu à Nice, où il a eu sept représentations consécutives devant un public toujours enthousiaste et à Marseille où il a été représenté douze fois.
"Vous savez que nous l’avons joué à Nîmes devant M. Doumergue qui a témoigné de tout son plaisir.
Je vais vous raconter un fait dont vous aurez la primeur. Au deuxième acte, un court-circuit détermina un début d’incendie dans les coulisses et tandis que je chantais, je voyais les flammes grandir et s’étendre. Déjà je songeais aux mots à dire pour conjurer la panique, car la foule s’entassait dans la salle, quand heureusement les pompiers devinrent maîtres du feu.
C’est une émotion dent je me souviendrai longtemps et qui m’a prouvé quelle est la force du dédoublement de l’artiste. Le "Gardian" chantait et jouait son rôle, et l’homme s’inquiétait de la catastrophe possible et songeait aussi à sa sécurité personnelle.
Le Gardian aux Arènes ce sera ce me semble tout à fait dans le "le cadre".
— Vous aurez un orchestre de ?...
— De cinquante musiciens et des choristes qui seront "un peu là" ; les Tilholés dirigés par Vignes et le groupe du jeune Etchepare me prêtent leur concours.
Mais je ne vous ai rien dit encore de ma partenaire Mathilde Cornes, la plus belle voix de falcon que vous puissiez entendre et avec cela très belle tragédienne lyrique. Bien entendu, c’est Molinetti qui dirigera lui-même son œuvre.
Et j’allais oublier de vous dire que j’ai engagé les meilleurs danseurs de la Soule. M. Boucher, le maire de Licq, le connaisseur des connaisseurs, s’est chargé de leur recrutement.
Et c’est tout dire, ajouta notre ami commun en prenant congé..."
Mais entre un Basque pur-sang et une demi-basquaise, bavards tous les deux, la conversation ne pouvait se terminer si vite. Voyages, souvenirs de théâtre et de concerts, auteurs, critiques, camarades, Directeurs, que sais-je... Tous les sujets ont été effleurés, et nous nous sommes attardés surtout au chapitre inépuisable, au chapitre des enfants, car nul ne sait que Cazenave est un papa aussi doux, aussi tendre, aussi câlin que la plus douce, la plus tendre, la plus câline des plus maternelles "mamans"."
- La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition du 10 août 1925 :
""Le Gardian" obtint un grand succès hier aux Arènes.
M. Cazenave, Mlle Gomès et leurs partenaires ont interprété au milieu des applaudissements cette belle œuvre.
Bien avant l’heure dite la foule se pressait aux Arènes, foule élégante, mais parmi laquelle on remarquait un grand nombre de basques et basquaises venus pour voir, entendre et applaudir "leur Cazenave". Sur les gradins exposés au soleil une nappe incandescente semblait étendue, nettement limités de part et d’autre par l’ombre projetée par le mur circulaire ; de ce côté pas de spectateurs. Ceux dont les places y avaient été réservées s’en sont allés bien vite à l’ombre et non seulement à cause de la chaleur, mais encore parce que "la scène" disposée de telle sorte qu’ils n’auraient eu, de ce côté, que le spectacle des coulisses de verdure et des toiles protectrices.
ARENES BAYONNE 1925 PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’ouvrage a été accueilli avec beaucoup d’intérêt et de sympathie.
En voici l’analyse : Aux Saintes-Marie-de-la-Mer, c’est jour de fête. C’est la ferrade à laquelle vont participer les plus fameux gardians de la Camargue, entre lesquels Perreau, un poète, et Luroux, le plus fort et le plus brave, qu’aime Michelette, la douce fille d’un pêcheur. Mais parmi les Bohémiens, dont on sait que les Saintes-Maries sont le centre de campement, une brune gitane Zimella aime aussi Luroux d’une passion farouche et jusque-là repoussée, dont s’est aperçu son jaloux amant Païno. Après la ferrade, le vainqueur, Luroux, donnera la cocarde dorée à Michelette, consacrant ainsi ses fiançailles.
Sous l’Eglantier Fleuri, sur la route de Notre-Dame d’Amour, Luroux rejoint chaque matin sa chaste fiancée. Et ce sont de doux serments. Mais Zimella rode toujours. Sa persévérance ensorceleuse enflammera enfin le Gardian. Et, quand Païno les surprendra tendrement enlacés, Luroux, d’un coup de trident étendra à terre le gitan pour s’enfuir librement avec celle qui l’a conquis.
Des mois ont passés. Les amants se sont réfugiés dans la Thiey-de-Roustan, cet apocalyptique îlot dans l’estuaire du Rhône. Mais la coupe des voluptés est épuisée ; Luroux est bourrelé de remords et quand Païno après avoir retrouvé la trace de sa Zimella est venu la reprendre selon l’instinct errant de sa race, le fier garçon honteux de sa trahison plutôt que de répondre aux appels lointains de la pauvre Michelette et de Perreau, se jette dans le Rhône, seul linceul digne de lui.
On voit que plus d’une comparaison peut se faire entre ce livret et celui de Carmen. Tout comme Micaëla, Michelette est une jeune fille pure, douce et tendre, Luroux comme Don José malgré sa force est un faible qui se laisse enjôler.
Zimella est comme Carmen, passionné, changeante, obéissant aux atavismes de sa race.
La musique de M. Molinetti a beaucoup de charme et de couleur ; la partition renferme de très nombreuses mélodies aux lignes harmonieuses et que souligne une orchestration soignée d’une écriture intéressante.
L’orchestre était conduit par le compositeur ; il a fidèlement interprété le texte musical sous une baguette savante, pleine d’autorité.
Le protagoniste, Cazenave, semble être créé pour le personnage de Luroux qui convient admirablement à sa haute stature. Le rôle est écrit pour une voix large et puissante, et nécessite une grande dépense. Cazenave ne s’est pas ménagé. Sa voix superbe au beau métal s’est étendue généreusement et comme toujours elle a soulevé l’enthousiasme.
A côté de lui, Mme Mathilde Comes a été une superbe Zimella, à l’organe chaud et pathétique, au jeu intelligent et souple. Son succès a été très grand.
M. Barreau interprétait le rôle de Perreau, le poète-paysan, belle voix de baryton et grande science de chant. On peut complimenter sans réserves, M. Zueca, qui a chanté et joué avec beaucoup d’expression et de sentiment et qui a été très applaudi. Mme Jane Fourcade a été une exquise Michelette au timbre de voix très pure. Elle a apparenté son personnage à Micaëla et aussi à Mireille.
Mmes Sylvestre et Courtade, MM. Bédué et Cazals ont complété excellemment un très bel ensemble.
Les chœurs étaient en grande partie formés, quant aux hommes, par les groupes artistiques bayonnais "Lous Muts" et "Lous Tilholès". Ils ont fait grande impression.
LOUS TILHOLES BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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