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dimanche 19 août 2018

UN ASSASSINAT À ANGLET - ANGELU EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1895 (deuxième et dernière partie)

MEURTRE À ANGLET EN 1895.


En 1895, Anglet va connaître un fait divers tragique.



anglet autrefois
MAISON MAISONNAVE ANGLET 1895
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je vous ai parlé dans un article précédent de ce meurtre commis en 1895 à Anglet.



Voici ce que rapporta sur ce faits divers sordide la presse locale, La Gazette de Biarritz-

Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du 15 novembre 1895 :

"L’assassinat d'Anglet. Le théâtre du crime.



L’enquête.


Tout d'abord, la justice ne sut sur qui porter ses soupçons. Aucun témoin n’avait rien vu ; aucun témoin n’avait rien entendu, sauf le coup de fusil dont nous avons parlé ; personne n’osait émettre de présomption. Les premières recherches dans l’enclos firent découvrir, à une soixantaine de mètres de la maison d’habitation, près du mur de clôture, qui semblait avoir été escaladé à cet endroit, à peu près en face la métairie Larribau, une sacoche en cuir, éventrée, une boite en fer blanc fermée à clef et des portefeuilles dont les papiers étaient disséminés. Dans la maison de Dachary, on trouva une armoire fracturée et une autre tout ouverte, et l’on constata que le vol avait été le mobile du crime et que les clefs avaient été emportées. Il ressortait clairement que l’assassin ou les assassins connaissaient parfaitement les lieux et les habitudes du vieillard. 




Comment le crime a-t-il pu être commis ? On ne peut que se livrer à de vagues conjectures. L’hypothèse la plus probable semble être celle-ci : l’assassin aurait appelé Dachary au moment où il se couchait et, sous un prétexte quelconque, lui aurait fait ouvrir la porte ou même l’aurait fait sortir dans le jardin. Le vieillard, à l’appel d’une voix connue, serait venu et, traîtreusement, aurait été frappé d’un premier coup, qui aurait occasionné les contusions de l’épaule. Dachary, ayant son fusil avec lui, comme toujours, aurait tiré un coup de son arme, tandis qu’un second coup de barre, asséné avec une violence inouïe, lui brisait le crâne et le laissait sur le terrain. 





Pendant que la justice informait, les gendarmes de la brigade de Biarritz, laissés sur le lieu du crime, commençaient une enquête personnelle, avec une initiative si intelligente — ce dont nous les félicitons chaudement — que des présomptions très graves furent réunies contre un ancien domestique de la ferme Jorlis, le nommé Pierre Péhau. 



labourd autrefois
MAISON LABARAQUE ANGLET 1895
PAYS BASQUE D'ANTAN



Péhau, après deux ans de service chez M. Jorlis avait quitté son patron le 23 Octobre dernier, deux semaines seulement avant le crime, et avait dû aller à Came, près Bidache, dans sa famille, avant de rejoindre, à La Rochelle, le 123e de ligne, où il devait être incorporé le 12 Novembre. 







Plusieurs personnes, à Hardoy, se sont étonnées de revoir cet homme rôdant dans les environs, le lundi et le mardi avant le crime. Le soir de ce dernier jour, les enfants de Lalaurette l’ont rencontré dans les champs et lui ont causé. En outre, Péhau s’était vanté, à maintes reprises, d’avoir de l’argent en assez grande quantité pour faire gaiement son service et même pour s’acheter une propriété chez lui. Enfin, après deux ans de séjour dans le voisinage immédiat de la victime, qu’il fréquentait quotidiennement, ce garçon devait être parfaitement au courant de tout. Les soupçons peu à peu prirent corps et un mandat d’amener fut décerné contre l’assassin présumé, qui fut arrêté le jeudi soir à Bidache, au moment où il rentrait de Bayonne par bateau.



bayonne autrefois
BÂTEAU DE BIDACHE A BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


L’instruction.



L’instruction, habilement menée, croyons-nous, par M. Lespès, est tenue le plus secrète possible, pas assez cependant pour que nous ne puissions en révéler quelques points. On a recueilli de nombreux témoignages prouvant que Péhau, avant le crime et plus encore après, s’était vanté d’avoir des sommes relativement importantes, qu’il prétendait tenir d’opérations de contrebande. On sait que Péhau fit la "noce" pendant la journée de mercredi et la nuit suivante à Bayonne, en compagnie de trois ouvriers boulangers. Il manifesta, dans la journée, l’intention de télégraphier à sa famille son retour pour le soir ; mais, cédant aux sollicitations de ses camarades, il se décida à rester et télégraphia chez lui qu’on ne l’attendit pas. Malgré cela, vers 7 heures, Péhau s’en allait par le bateau de Bidache. Dans l’après-midi, il avait acheté au Bazar Central un porte-monnaie, et une valise à la maison Gabriel, rue Port-Neuf ; il avait confié cette valise à un nommé Suhubiette, pour qu’on la lui gardât à l’hôtel de France. En confiant cette valise, Péhau avait d’abord déclaré qu’elle ne contenait rien, puis que quatre mille francs s’y trouvaient. Cependant Péhau arrivant à Came n’y faisait qu’une très courte station, le temps de changer de linge et de vêtements. De bon matin il revint avec le bateau à Bayonne. Il alla à l’hôtel de France prendre sa valise à Suhubiette qui probablement refusait de la garder davantage et il la porta à l’auberge Hanré, rue Bourg-Neuf, en disant qu’il viendrait la reprendre le soir. Ce jour-là Péhau semble se dissimuler, notamment en passant devant l’auberge Ducassou, rue Pannecau, où il avait mangé la veille ; et il repart de bonne heure pour Bidache sans qu’il soit possible de s’expliquer la raison de ces allées et venues qui semblent absurdes. A ce dernier voyage, Péhau fut arrêté par ordre du parquet au moment où le bateau arrivait à destination ; ramené aussitôt par les gendarmes, il était écroué à la prison de Bayonne. 



labourd autrefois
BÂTEAU ECLAIR BIDACHE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Aux premiers interrogatoires qu’il eut à subir, Péhau montra une confiance imperturbable, fournissant des alibis, invoquant des témoignages, discutant pied à pied toutes les charges ; il semblait que l’instruction dût se traîner en longueur quand — tel un coup de théâtre — un témoignage accablant surgit tout à coup, samedi dernier.




La valise.


Les époux Hauré, en effet, chez qui avait été déposée la valise, mis au courant des événements par les journaux, soupçonnèrent que ce dépôt pouvait provenir de l’assassin présumé et en informèrent la justice. En présence de cette valise l’accusé perdit alors son sang-froid et son assurance et seulement alors commença à faiblir. Il fut tenu, samedi, de 2 h. et 1/2 à 9 h. 1/2 au cabinet du Juge d’Instruction en compagnie du juge et du procureur de la République qui lui firent subir un long interrogatoire. La valise ouverte par un serrurier contenait une brosse et un petit sac en toile grise. Dans ce sac étaient contenus des billets de banque pour 8 100 fr et des pièces de 20 francs pour 2 060 francs. Il fallait bien justifier la provenance de cet argent.




Les aveux.


Poussé dans ses derniers retranchements Péhau entra dans la voie des aveux. Il dit que le crime de Hardoy avait été concerté entre lui et Lalaurette. Ils devaient "faire le coup" ensemble le mardi soir à 11 heures tandis que la femme Lalaurette ferait le guet. 


pays basque autrefois
MAISON DES EPOUX LALAURETTE ANGLET 1895
PAYS BASQUE D'ANTAN




Mais, toujours au dire de l’accusé, lui, Péhau, serait arrivé en retard et Lalaurette lui aurait dit "Tu viens en retard, mon vieux c... ; le coup est fait." La somme trouvée en sa possession était destinée, ajoutait-il, à être partagée entre eux deux. 





En présence de ces déclarations un mandat d’arrêt fut décerné immédiatement contre les époux Lalaurette qui furent amenés le même soir et mis a la disposition du juge d'instruction qui les interrogea immédiatement. Nous ne savons ce qui s’est passé dans le cabinet du juge mais, au moment où on reconduisait les 3 détenus à la porte du tribunal pour les ramener vers la prison, la femme Lalaurette très surexcitée invectivait Péhau "Misérable ! pour essayer de te sauver tu fais arrêter des innocents, un père de 5 enfants ; tu sais bien que nous n’avons rien fait, tu n'es pas à ton premier coup. Je dirai qu’avant cette affaire tu nous as montré un gros porte-monnaie de cuisinière plein d’or et de pièces d’argent ; il faudra bien que tu dises d’où ça vient !" 




La foule surexcitée a voulu faire un mauvais parti aux deux inculpés, samedi soir, à la sortie du Palais de Justice. Pour éviter des troubles il a fallu les évacuer par une porte dérobée, et continuer l’instruction à la prison même de Saint-Esprit. 




Péhau et Lalaurette s’accusent réciproquement du crime ; reste à savoir la part que chacun d'eux a pu y avoir. L’opinion générale est que Péhau serait le coupable et Lalaurette son complice.





Les inculpés.


Péhau est un garçon de 21 ans, plutôt petit mais bien découplé et très robuste. On le craignait quelque peu aux environs de Hardoy : il était violent et avait mauvaise réputation. Souvent il était venu solliciter à boire chez sa victime ; ils trinquaient ensemble, et probablement le vieillard se laissait aller à boire un peu trop, ce dont devait profiter le jeune homme, car, plusieurs fois, des vols d’argent furent commis chez Dachary et il est probable que Péhau en était l’auteur. 




Lalaurette est de St-Boës, près Orthez. Il habite la maison Larribau depuis une année environ, exerce le métier de laboureur et est âgé de 47 ans. Les perquisitions faites chez lui ont amené la découverte d’une somme de 81 francs, dont il peut justifier la provenance, d’un nerf de bœuf plombé, laissé chez lui par un ancien locataire parti sans payer ni sa pension, ni d’autres... faveurs, et un makilla. Sa maison se trouvant à dix mètres seulement de l’endroit où le mur de clôture a été escaladé par le meurtrier, il est probable que, le crime commis, c’est là qu’on chercha refuge et qu’on compta le magot. 




Sa réputation est assez mauvaise. Lalaurette a déjà été condamné. Un témoin affirme que, mardi soir, avant le crime, Lalaurette lui aurait dit : "Il y aura du nouveau, ce soir, dans le quartier." 




La femme Lacan, épouse Lalaurette, est des environs d’Orthez ; elle a 35 ans. 




Le ménage a cinq enfants, de 1 à 12 ans, qui sont restés abandonnés pendant la détention de leur mère ; mais cette détention n’a duré que 48 heures ; et, probablement, par compassion pour ces pauvres petits plus que pour tout autre motif, la mère a été rendue à sa famille, mais elle doit se tenir à la disposition de la justice.




L’assassinat de Lachepaillet. 



La justice tient le ou les coupables de l’affaire de Hardoy, cela est certain ; mais, de plus en plus, la certitude morale s’affirme quelle tient, en même temps, dans les mêmes individus, le meurtrier de Cazaux, assassiné, il y a 4 mois, à Lachepaillet. 




Péhau et Lalaurette connaissaient Cazaux et cependant Lalaurette feignait de ne pas être au courant de sa fin tragique. Cazaux avait vendu un cheval la veille de sa mort, et quelques jours après Lalaurette achetait deux vaches, et il est probable aussi que Péhau avait de l’argent acquis on ne sait comment. 



Les deux victimes demeuraient à 2 kilomètres à peine l’une de l’autre ; tous deux jardiniers, âgés, réputés riches, connus très intimement par les deux inculpés, ont été assassines de nuit, dans des circonstances tout analogues, du même coup à la tête, et peut-être avec la même arme.



L’opinion publique profondément émue par ces deux crimes se suivant de si près, saura gré aux représentants de la justice d’éclaircir avec un zèle intelligent et par une enquête approfondie les deux mystérieux événements qui la passionnent au plus haut point."





  • Le 6 mars 1896, la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz indiqua : 


"En Cour d’Assises. 


— Nos lecteurs savent déjà, par nos confrères quotidiens, que le jury des Basses-Pyrénées, a eu à juger samedi dernier Pierre Péhau, accusé de l’assassinat commis à Anglet sur le vieillard Jean Dachary. 


Péhau a soutenu sans faiblir son nouveau système de défense qui consistait en un aveu accompagné de réticences. 


Il avouait avoir consommé le crime mais n’a cessé de prétendre qu’il avait agi sur les conseils et sous l’influence de Lalaurette. 


Le jury a déclaré l’accusé coupable de meurtre, mais a accordé les circonstances atténuantes. Péhau a ainsi bénéficié peut-être du doute qui a pu subsister dans l’esprit des juges sur la spontanéité et l’entière responsabilité morale du crime. D’un autre côté, la présence du père du criminel, pleurant pendant toute la durée des débats, a probablement été de beaucoup dans l’indulgence accordée par le jury. 


Péhau a donc été condamné aux Travaux forcés à perpétuité."








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