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lundi 13 août 2018

À VALCARLOS EN NAVARRE ET ARNÉGUY EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN DÉCEMBRE 1930

DES DEUX CÔTÉS DE LA FRONTIÈRE NAVARRAISE EN 1931.


A la fin de l'année 1930, la situation politique est compliquée en Espagne, suite à la démission du général Primo de Rivera en janvier 1930.


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DOUANE VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les sentiments républicains se propagent dans tout le pays.


Au cours de l'été 1930, un pacte est signé à Saint-Sébastien : le "Pacte de Saint-Sébastien", entre 

plusieurs hommes politiques et intellectuels républicains, les socialistes et les tenants du 

nationalisme Catalan.



Voici ce que rapporta Le Petit Parisien, dans son édition du 2 janvier 1931, sous la signature de 

Georges Saint-André, au sujet de la situation, à la frontière franco-espagnole :


"Frontière. Après la révolution espagnole.


Valcarlos, décembre 1930.


En vérité, la frontière d'Espagne est bien gardée, du côté de la Péninsule s'entend. Non seulement la neige, depuis vingt jours, rend impraticable la route du col de Roncevaux en direction de Pampelune, car une couche d'ouate immaculée de quatre-vingts centimètres d'épaisseur interdit toute circulation, mais encore des douaniers incorruptibles, des "carabineros" nombreux et des commissaires de police multiples veillent sur la sécurité des crêtes de la montagne avec une ardeur sans pareille.




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CARABINIERS BEHOBIA GUIPUZCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN

De même, en gare d'Irun, l'examen des passeports se continue avec un soin méticuleux; les douaniers sont toujours en armes dans la salle de visite des bagages et un gendarme impassible, portant avec morgue son mousqueton, accompagne à nouveau le train électrique entre Saint-Sébastien et la Bidassoa.



Pourtant, le mouvement révolutionnaire est étouffé; les principaux coupables entendons ceux qui n'ont pas été fusillés sont en prison, attendant l'heure du jugement, et ceux qui ont pu échapper aux immédiates représailles demeurent étroitement surveillés, même les quelques-uns qui ne sont réfugiés en France.





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VUE GENERALE VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

On a, pendant ce temps, fêté joyeusement Noël en famille, tant à Saint-Sébastien qu'à Pampelune, comme dans tous les petits villages et les humbles fermes dispersés dans les Pyrénées où les cimes sont toutes blanches sous, cependant, un soleil de printemps. On va, maintenant, célébrer l'année nouvelle dans toute l'Espagne.



Mais, en dépit de cette apparence de calme, la police espagnole, toute la police espagnole, si nombreuse et si complexe veille avec un soin jaloux sur la sécurité du roi et sur la sécurité du régime.




A la frontière dans la montagne. 


Donc, hier, le courrier qui part de Saint-Jean-Pied-de-Port et ravitaille en journaux et en cadeaux de Nouvel An le village d'Arneguy dernière station française sur la route du col de Roncevaux et le hameau de Valcarlos première agglomération espagnole sur cette même route, ce courrier m'emmena vers les lieux de la célèbre épopée. Dès qu'on monte dans l'automobile, on pense à Charlemagne et au cor de Roland.




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DOUANE ARNEGUY BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Après huit kilomètres d'une route pittoresque, nous fîmes halte à Arneguy. Avant le pont minuscule qui enjambe la Petite-Nive, laquelle sert de frontière, un douanier français, somnolent et désabusé, dévisagea les voyageurs, sans conviction d'ailleurs. Et l'on repartit.



A l'autre bout du pont, quatre "carabineros" et douaniers nous attendent, escortant un commissaire en civil. Tous avaient un air altier. L'arrêt cependant fut bref. Le chauffeur fit un geste ; le commissaire répondit par un signe de tête ; les "carabineros" se drapèrent avec plus de dignité pans leur cape impressionnante...et nous passâmes.




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PONT INTERNATIONAL VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Si les policiers sont nombreux en cet endroit, rendons-leur cette justice ils ne sont pas exigeants.



Quatre kilomètres de rude montée, et nous voici dans Valcarlos. Sur la place principale, un bureau peint en vert, au rez-de-chaussée d'une maison, porte cette inscription "Inspection de police." Mais l'inspecteur est absent ; par contre, trois douaniers dévisagent encore les arrivants, mais ils sont muets. A cinquante mètres de là, à la sortie du village, un autre "carabineros", l'arme à la bretelle, raconte des histoires à un camarade. Un peu plus loin, comme la cloche de l'église annonce midi, un spectacle idyllique s'offre à la vue du promeneur contemplant un panorama splendide, un militaire espagnol dîne sur l'herbe au pied d'un arbre aux côtés d'une accorte brunette vêtue de rouge. Ce carabinier a le sourire.



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QUARTIER ONDARROLA VALCARLOS
PAYS BASQUE D'ANTAN

A pied, continuant pendant deux kilomètres en direction du col de Roncevaux, j'ai rencontré deux autres "carabineros" qui ramassaient du bois dans les talus de la route. Ils sont ainsi, affirme-t-on, trente-cinq militaires, plus quelques policiers civils qui occupent le secteur de Valcarlos pour assurer la sécurité de la frontière espagnole.



En face, du côté français, il y a quatre douaniers et pas un gendarme. 

En parlant révolution.



J'ai déjeuné dans une auberge de la région dont on me pardonnera de ne pas donner le nom. On y tenait une conversation assez documentée sur le dernier mouvement insurrectionnel, et un policier espagnol qui parle admirablement notre langue se fait parfois un malin plaisir de venir se mêler aux discoureurs quand on ne le connaît pas.



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PONT SUR LA ROUTE DE RONCEVAUX NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il y avait là un personnage qui connaît admirablement la situation actuelle de cette partie de l'Espagne et qui la résumait ainsi :



— Ce n'est pas encore demain que la royauté sera en danger réel ici. Qui veut un changement de régime ? Une fraction des militaires, d'une part, et, d'autre part, l'élite intellectuelle, qui tend à obtenir l'institution d'une République ou même, simplement et provisoirement, une royauté constitutionnelle.



Or militaires et républicains paraissent d'accord en apparence, mais en réalité ils diffèrent totalement d'opinion sur les buts à atteindre. C'est pourquoi, quand ils ont convenu, entre eux, de tenter un grand coup, on voit, comme à Jaca, une fraction militaire mettre le feu aux poudres avec trois jours d'avance.



Croyez-vous sincèrement que l'on puisse commettre involontairement une erreur pareille ? Non. Mais ce qui est la vérité, c'est que les militaires, croyant pouvoir réussir tout seuls, ont tenté leur assaut isolément pour pouvoir, le succès obtenu, se passer du concours des républicains.



Et si le commandant Franco et ses amis n'avaient pas échoué dans leur tentative, ce n'est pas une république que l'on aurait vue naître en Espagne, mais c'est bien une nouvelle dictature qui aurait fait son apparition.



Maintenant, notre Espagnol se fait plus grave.



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RUE DES ECOLES VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

— Le feu de paille s'est éteint, dit-il, mais pour cela la situation ne s'est pas éclaircie.



La situation économique surtout s'entend. Le peuple espagnol a la vie difficile actuellement. Malgré les efforts du clergé, qui est tout-puissant dans toute la Péninsule et qui seul a une autorité réelle et complète sur les populations, en majorité illettrées, des provinces éloignées, le mécontentement augmente de jour en jour. Il grandit aussi avec les difficultés de la vie et l'accroissement des impôts, accroissement consécutif à l'augmentation des traitements des nombreux fonctionnaires et des policiers, gendarmes et carabiniers, plus nombreux encore.



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VUE PARTIELLE ET ONDARROLA VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

On a tenté de sauver les apparences en frappant les produits étrangers de droits de douane prohibitifs, et une automobile française ne peut plus être vendue en Espagne il faut payer pour l'entrer une somme supérieure à sa valeur d'achat ! C'est pourquoi, devant les exigences de la commission royale, les pourparlers viennent d'être rompus par les négociateurs chargés de la révision des tarifs douaniers entre la Péninsule et la France.



La peseta se maintient difficilement aux environs de 265, grâce à des artifices, et on ne verra plus des commerçants de Saint-Sébastien venir se promener à Bayonne pour y allumer comme en 1926 leur cigarette avec un de nos billets de 100 francs. 



On raconte, à ce sujet, une anecdote qui se déroula non loin du port de l'Adour, à l'époque où la peseta cotait 570. Comme un Espagnol venait de faire ce geste peu élégant de brûler nos francs-papier pour enflammer son cigare, un champion sportif connu lui administra une magistrale correction et il l'eût jeté dans la rivière sans l'intervention des passants. 



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UN MOULIN VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais cette diversion nous avait entraînés un peu loin de la situation économique si difficile dans laquelle se débattent les sujets d'Alphonse XIII. On y revint pour en chercher la solution. Il faut reconnaître qu'à la vérité, parmi le groupe des discoureurs, nul ne la trouva. On invoqua l'abandon de la terre par la population qui va toucher hors des frontières des salaires plus élevés que ceux qui sont consentis aux ouvriers espagnols. 



On invoqua aussi l'injustice d'un régime qui permet des inégalités dont voici un exemple :


Un jeune Espagnol appelé sous les drapeaux et désigné pour le corps d'occupation du Maroc peut être dispensé de ce départ si sa famille consent à verser une somme assez rondelette de pesetas, à habiller la jeune recrue et à pourvoir à ses besoins personnels pendant son temps de présence sous les drapeaux, qu'il passera alors sur le continent.



Toutes ces causes de mécontentement additionnelles ont produit le grand malaise espagnol, qui s'accroît encore cette année de la mévente du vin. On en trouve dans le commerce, même à la frontière française, à raison de 40 centimes le litre, et de l'excellent. Le malheur est qu'on ne peut pas l'exporter.




Le déserteur mélancolique.



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PLACE VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Mais, à la frontière, en Espagne, d'autres hommes, plus impatients, attendent aussi ce sont les insoumis de la dernière guerre qui, réfugiés à quelques kilomètres de leur pays natal, espèrent en une loi d'amnistie qui tarde trop à leur gré.



Dans un café de Valcarlos, l'autre jour, j'ai rencontré l'un de ces proscrits volontaires. Le hasard m'avait mis à ses côtés et, comme il parlait le français avec correction, mais avec quelque difficulté, je lui ai demandé :


— Vous êtes Espagnol ?



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LA POSTE VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

L'homme a hésité. Il regardait avec un air étrange un tout petit ruban accroché à ma boutonnière — souvenir de guerre, — puis il lâcha d'un seul coup :


— Non ! Je suis Français, mais je ne peux pas rentrer en France, je suis insoumis.



Et il m'a conté son histoire. En 1914, il gardait au pied de la Cordillère des Andes, dans les Amériques, comme disent les Basques, un troupeau de deux mille moutons. En novembre, il a su que la guerre était déclarée ; il avait l'âge de servir et il n'est pas venu se battre. Il pensait que la tuerie serait bientôt achevée, qu'il arriverait quand ce serait fini, et il ne pouvait pas abandonner comme ça son troupeau. Alors, il a attendu. Il a attendu seize années. II est revenu ces temps derniers en Espagne, d'où il ne peut gagner la France, car il sait que les gendarmes ne le laisseraient pas franchir la frontière pour rentrer dans son village natal qu'il aperçoit, par temps clair, au fond de la vallée.





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UNE FERME VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Une fois par semaine, on vient le voir, de France, dans le hameau espagnol où il réside mélancolique. 



Il m'a dit : "Nous sommes quelques centaines qui étions "aux Amériques" en 1914 et qui ne sommes pas venus faire notre devoir. Nous payons maintenant notre faute par notre exil ; c'est justice. Mais la crainte des années à passer sous les drapeaux à notre âge, la hantise des conséquences qui suivront notre retour entre deux gendarmes, tout cela nous retient au delà des Pyrénées, devant les toits du pays basque. Mais ne pourrait-on pas, maintenant, nous pardonner notre erreur, à nous qui étions si loin, là-bas et qui ne savions pas tout ? Il n'y a pas que nous, les hommes de la pampa, qui nous sommes trompés en 1914..."



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THERMES VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Alors, comme défilaient, sac sur l'épaule, lourde valise à la main, trois ouvriers espagnols qui se rendaient aux environs de Blois, embauchés comme bûcherons, l'insoumis, le Français exilé regarda, plus mélancolique encore, ceux qui quittaient volontairement leur sol natal pour aller vivre dans le sien, à lui, où il lui est défendu de ne plus revenir jamais."







(Source : WIKIPEDIA)



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