DES VACANCES À HENDAYE EN 1923.
En 1923, Hendaye compte environ 5 000 habitants et voit le développement de son quartier de la plage, à l'instigation d'Henry Martinet.
GRAND HÔTEL ESKUALDUNA HENDAYE 1923 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta le journal Le Petit Parisien, dans son édition du 13 août 1923, il y a donc
environ 75 ans, sous la plume de Raymond de Nys :
"En vacances.
Hendaye, plage espagnole...
La peseta vaut deux francs cinquante. Pourquoi ?... Jusques à quand ?... On ne sait pas. Une seule chose est certaine : c'est, que, tant que durera ce déséquilibre monétaire entre la France et l'Espagne, on parlera plutôt l'espagnol sur les plages de la Côte d'Argent que le français sur la Rambla de Bilbao. L'ensablement de la Bidassoa fait de son mieux pour rapprocher les deux pays, qu'un mince filet d'eau sépare seul à marée basse. Mais, mieux encore que les douaniers et les gendarmes, postés à toutes les gares et sur toutes les routes pour réclamer le passeport des touristes, les bureaux de change ralentissent les sorties de France vers l'Espagne : les autorités et les changeurs espagnols, par contre, sont sur les dents. Dans les trains et dans le tramway qui pénètrent jusqu'à Hendaye, c'est un apport formidable de voyelles accentuées et de mantilles noires. Tous les compatriotes de Cervantès et de Blasco Ibanez ne trouvent pas de nombreux Parisiens pour leur disputer une place sur le sable doré, fin comme de la cendre, qui fait la fierté de la plage. Le pur langage de Touraine n'est pas représenté ici. A la fluidité chantante de la Voz de Guipuzcoa, (c'est un journal, mais c'est aussi un accent particulier à une province ibérique) les gens du pays Basque opposent seuls avec quelques succès le tumulte rocailleux de mots sonores, hérissés de consonnes dures. Cela fait au total une musique de voix qui n'est pas .-sans charme ni sans puissance. Le timbre en est toujours harmonieux. Mais pourquoi les voix de métal que l'on entend d'ici font-elles toutes exprès, semble-t-il, d'être abominablement fêlées ?...
A la gare d'Hendaye, c'est une cloche de bois, dirait-on, qui signale l'arrivée et le départ des trains ; la belle église de Fontarabie, qui élève de l'autre côté de la Bidassoa son clocher svelte et ses trois clochetons, n'a guère que des cloches enrouées ; quant au petit tramway qui conduit de la gare à la plage en passant par la ville, sa sonnette fait pitié : elle geint, elle supplie, elle crie grâce à chaque coup que lui assène le conducteur. Il doit y avoir dans toute la région une terrible maladie du bronze. C'est dommage, car nulle part autant qu'ici l'Angelus de l'aube ou l'Angelus du soir ne sauraient être majestueux et beaux, soit que le soleil levant sculpte différemment à chaque minute la masse de velours nombre du Jaizquibel, les pentes de la Rhune ou le sommet crénelé des Trois Couronnes, soit que les rayons roses, verts ou couleur de feu du soleil couchant s'enfoncent lentement dans la mer bleue. Paysages pleins de grâce et de force...
Les vagues viennent parfois, lors des grandes marées, battre les murs du casino qui s'avance au-dessus de la plage. Mais elles les battent moins qu'elles ne les lèchent : et c'est très doucement que les plus grosses lames viennent mourir aux pieds des jolies baigneuses, à quelques pas des tentes multicolores qui se dressent contre la terrasse en bordure de la plage.
VUE SUR FONTARABIE HENDAYE 1923 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Quand on a été pris une fois au charme de cette douceur, il doit être difficile de s'y arracher. Courteline n'a plus essayé, depuis trente ans. Chaque année, au mois d'août, il arrive et ne repart qu'en octobre.
GEORGES COURTELINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
- Ce pays est un remarquable terrain de sport, m'a-t-il dit, l'autre matin, comme il sortait de son hôtel, juvénilement vêtu de flanelle tennis.
Il est de fait qu'Hendaye est légitimement fière de son golf, le plus beau du Sud-Ouest.
GOLF ABBADIA HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
- Si M. Lloyd George avait connu nos links, avec leurs dix-huit trous sur les pelouses les plus belles et les plus accidentées qui se puissent rêver - m'a-t-on dit avec une nuance de dépit dans la voix - certainement, il y aurait eu ici une conférence comme à Cannes, et elle aurait mieux réussi...
Mais Courteline a-t-il donc cédé à l'attrait du golf ?
- Vous allez jouer ? lui demandai-je,
- Oui.
- On m'a dit que, depuis la guerre, des officiers anglais, qui sont venus à l'ambulance alors installée au château d'Abadie, la propriété de l'Académie des sciences, avaient pris l'habitude de revenir jouer ici...Ils doivent être des partenaires redoutables ?...
- Hum. Pas tant que ça...
- Pourtant leur force au club...
-D'abord, ce n'est pas au club que nous jouons, c'est au casino...
- ? ?...
- Oui...Et quand je dis que le terrain, ici, est très favorable à mon sport préféré, ça veut dire que j'y gagne plus souvent qu'à Paris. Entre nous, il n'y a qu'à Paris que l'on joue bien la manille...
Le comte de Romanones, président du Sénat espagnol est voisin de Courteline. Il habite au palace qui ressemble à un gigantesque chalet basque. Il y a retenu pour le mois d'août le plus bel appartement. Il est, auprès du comte de Pourtalès, dont le nom est célèbre dans les annales de la diplomatie ; et il coudoie presque un des commerçants les plus connus dans le "papier peint". Quatre agents de la sûreté veillent jour et nuit à ce qu'il ne fasse pas de rencontre plus dangereuse. Mais ce grand seigneur et cet homme d'Etat, qui est un fervent ami de notre pays, ignore cette garde et, même le danger contre lequel elle a mission de le prémunir. Souvent, il quitte son hôtel dans sa magnifique limousine, que conduisent deux sous-officiers espagnols en uniforme et il file à toute vitesse vers Saint-Sébastien, ou Santander, où séjourne, cet été, S. M. Alphonse XIII. Quelquefois aussi, c'est le roi qui lui rend visite en passant, au hasard d'une randonnée vers Biarritz ou Saint-Jean-de-Luz. Une dame d'honneur de la reine Ena-Victoria, la marquise de Carvajal, est à l'hôtel le plus proche, ainsi que le docteur Pospisil, délégué de la Tchécoslovaquie à la Société des nations. Dans la verdure environnante, Marthe Mellot, qui fut le Rossignol de Chanteclerc, a fait son nid, où elle vient passer ses vacances avec son mari, Alfred Athis. On attend M. Paul Strauss, ministre de l'Hygiène.
COMTE DE ROMANONES PAYS BASQUE D'ANTAN |
MARTHE MELLOT PAYS BASQUE D'ANTAN |
MINISTRE PAUL STRAUSS PAYS BASQUE D'ANTAN |
L'aristocratie espagnole vient en foule aux dîners et aux thés d'Hendaye-plage. J'ai déjà dit que les touristes français vont moins fréquemment en Espagne. Ils ne pourraient pas cependant manquer l'excursion classique d'Irun, de Fontarabie et de Saint-Sébastien. Dans cette capitale d'été de l'Espagne élégante et politique, c'est un artiste français qui est, cette saison, l'animateur des fêtes mondaines. Jean-Gabriel Domergue, qui est avec Van Dongen, responsable de la ligne féminine actuellement à la mode, y a réglé récemment une fête de l'Automobile qui a été particulièrement réussie et où, dans une symphonie de vert et de mauve, on vit défiler tous les grands noms de l'armorial ibérique. On y prépare pour le 15 août un gala "Au clair de la lune", dont on veut faire une apothéose de la poésie et des fleurs.
Hendaye aussi a ses fêtes. Chaque soir, Ramuntcho, valseur célèbre, mène le bal dans son dancing en plein air au-dessus de l'eau. Le casino mauresque voit passer sur son théâtre toutes les célébrités de la scène. La belle Otero y dansait hier sur du Grieg ; la Trouhanowa et le mime Wague y danseront demain sur la Dernière pensée de Weber. Les troupes de drame alternent avec celles de comédie : Pauley est venu et Cora Laparcerie va venir.
DANCING RAMUNTCHO HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
MIME GEORGES WAGUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Enfin, il y a de belles excursions françaises à faire autour d'Hendaye. Loti aimait aller déjeuner à Ascain, petit village au pied de la Rhune. De là, on est tout près des grottes de Sare, qui furent la promenade de prédilection d'Edouard VII. Sare est le pays où se déroule l'action du célèbre roman Ramuntcho. Mais Loti l'appelle de son nom basque, Etchezar : en sorte que, dans le village même, bien peu de gens connaissent la gloire de la localité.
PIERRE LOTI PAYS BASQUE D'ANTAN |
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