LA LANGUE BASQUE ET LA LANGUE BRETONNE EN 1902.
Au début du vingtième siècle, les langues Basque et Bretonne sont attaquées par l'Administration Française.
Voici ce que rapporta le journal Le Temps, dans son édition du 20 octobre 1902 :
"Le Breton et le Basque.
On causait, entre amis, de la circulaire par laquelle les ecclésiastiques bretons ont été invités, récemment, à faire le catéchisme en français. Ceux qui approuvaient cette circulaire au point de vue pratique et politique, faisaient observer que la première initiation du petit paysan de là-bas aux idées et aux sentiments de la France moderne doit avoir lieu sous la forme d’une initiation à la langue française. Isolé, retranché derrière son parler local, il ne serait, il n’est qu’à demi de son temps et de son pays... Cependant, un des interlocuteurs paraissait ne pas s’associer à l’impression commune. Et il consentit à donner ses raisons.
LE VERBE BASQUE DE L'ABBE INCHAUSPE PAYS BASQUE D'ANTAN |
"Vous oubliez, fit-il, le point de vue scientifique, et vous ne saviez m’en vouloir d’y penser pour vous tous. Au point de vue scientifique, nous possédons deux trésors inestimables, le basque et le breton. Il devrait être entendu, non seulement qu’on n’y touchera pas, qu’on ne fera rien pour les entamer, mais qu’on les entourera des soins les plus attentifs, les plus jaloux ! Ils font partie, l’un et l’autre du patrimoine que nous ont légué des siècles d’histoire. Céder une obole de ce patrimoine — et à plus forte raison, la jeter par la fenêtre, — c’est s’appauvrir inutilement, sottement.
Le breton, c’est le celte. Qu’est-ce, au juste, que le basque ? Un idiome ibérique, probablement, mêlé d’emprunts faits à tous les dialectes usités successivement ou conjointement, dans la région. Toutefois, les spécialistes ne sont pas d’accord sur l’origine et la nature vraies du parler basque. Ils continuent les recherches, ils continuent les hypothèses. Allons-nous, par des mesures malentendues, faire évanouir entre leurs mains la matière même de ces hypothèses et de ces recherches ? Cela ne serait ni intelligent, ni digne d’un grand pays comme le nôtre.
Déjà, nous laissons trop volontiers aux savants étrangers la direction de ces études. Sans doute, il y a des Français qui s’en occupent, et le nom de M. Julien Vinson, par exemple, fait autorité parmi les bascophiles. Mais on étudie le basque plus activement, à Berlin, à Vienne, à Oxford, que chez nous. Croyez-vous que si l’Angleterre ou l’Allemagne ou l’Autriche possédaient, enclavé dans leur territoire, un îlot semblable de civilisation particulière et de langue mystérieuse, elles hésiteraient à le protéger, à le défendre contre les menaces de ruine et d’anéantissement ?
Est-il sûr, d’ailleurs, que ces langues, le breton, le basque soient nécessairement le véhicule des vieilles idées, et qu’elles se mettent toujours au service de passions hostiles à la démocratie ou à l’esprit laïque ? Un de nos historiens les plus passionnés pour les antiquités nationales, et qui ne sépare pas la France moderne, républicaine et de peuple libre, de la vieille France, telle qu’il s’essaye à la restituer en ses premiers commencements, le savant professeur de l’Université de Bordeaux, M. Camille Jullian, a publié, il y a quelques mois, un petit travail qui, sous une forme sobre et rapide, résume l’état présent des études basques et des con naissances relatives au basque. Or, j’ai lu dans ce travail que le principal journal basque, l'Eskual-Herria, qui a déjà plusieurs années d’existence, est un organe de "propagande républicaine", et un actif défenseur des œuvres post-scolaires.
EUSKAL ERRIA 1902 PAYS BASQUE D'ANTAN |
JOURNAL ESKUALDUNA 1902 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Au lieu de proscrire le basque et le breton, ne serait-il pas possible de s’en servir pour faire pénétrer dans les intelligences de saines notions sur la société française contemporaine, sur la vie publique, sur les choses morales ? Pourquoi l’instituteur, s’il parlait breton ou basque, n’essayerait-il pas, lui aussi, en basque ou en breton, de propager ses idées, sa foi ? On harmoniserait de la sorte l’intérêt politique et l’intérêt scientifique. Il y aurait, d’ailleurs, encore d’autres moyens de pourvoir au second sans léser le premier. Mais pourchasser ces deux idiomes et arriver peut-être à les abolir, parce qu’ils servent au catéchisme, ou au sermon du dimanche — entre autres usages — ce serait une grave erreur, une erreur à conséquences redoutables.
La force totale du pays est faite de certaines composantes. Parmi ces composantes, l’originalité du Breton et du Basque tiennent un rang honorable. Ne la détruisons pas ! Le problème est délicat de respecter ces originalités locales, sans permettre qu’elles portent atteinte, ou seulement ombrage à l’unité nationale. Plus il est délicat, plus il est indispensable de se mettre en quête de solutions souples et fines. Et nous voilà très loin des termes un peu simplistes d’une circulaire administrative..."
LA LANGUE BASQUE ET LES IDIOMES DES ARYENS 1885 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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