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mardi 13 novembre 2018

DE BIARRITZ EN LABOURD À SAINT-SÉBASTIEN EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN JUIN 1900 (première partie)


DE BIARRITZ À ST SÉBASTIEN EN 1900.


En 1900, les habitants du Pays Basque se déplacent peu d'une province à l'autre, et quand ils le font, les déplacements sont lents et durent longtemps.

MARCHANDE DE SARDINES BIARRITZ 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition 

du 22 juin 1900 :


"De Biarritz à St-Sébastien.


Souvenirs de voyage.



La Manche est assurément une mer commode pour les gens pressés : on peut se l’offrir moyennant une faible dépense de temps et d’argent. On quitte Paris sans dire adieu, on y est revenu avant que vos amis aient eu le temps de se demander où vous êtes allé. On se paye la Manche et la côte normande, comme on se paye un complet chez Godchaux ou à la Belle Jardinière, lorsqu'on n’a pas le temps de se commander un suit sur mesure chez le bon faiseur anglais. Comme on a pu contempler, d’une plage quelconque, une certaine étendue liquide et avaler quelques gorgées d’eau salée, on se croit le droit de dire : Je suis allé à la mer ! 



A LA BELLE JARDINIERE BAYONNE 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN



Non, ce n’est point la vraie mer que ce canal rétréci, dont l’eau n’arrive jamais à la limpidité ni à la transparence et ne peut, du reste, recevoir du ciel normand que des reflets estompés. 




C’est au vaste océan éclairé et chauffé par le soleil du Midi, qu’il faut aller demander la vraie impression de la mer. Sur cette côte que borne le golfe de Biscaye, et où se sont échelonnés Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Sébastien, viennent se reposer les longs flots qui, depuis l’Amérique, ne se sont souillés au contact d’aucune terre : ils arrivent là en puissantes volutes toutes gonflées d’azur et de blanche écume, battant les rochers rouges de Biarritz, s’arrondissant en demi-cercle sur le sable fin de la baie de Saint-Jean-de-Luz ou la plage de la Concha de St-Sébastien.




Un loisir de quelques jours nous a permis d’aller revoir notre vieil ami Okeanos — comme dirait Leconte de Lisle. — C’est un personnage qui vaut bien le déplacement. 




Commençons, si vous le voulez bien, notre excursion, en prenant Bayonne pour point de départ. 



 

Bayonne a déjà une certaine allure espagnole, quoique le chemin de fer lui ait enlevé l’aspect qu’il avait, au temps où les diligences et les rouliers du pays voisin y venaient troquer leurs voyageurs et leurs marchandises. La ville, fort propre et fort coquette, est enserrée dans une ceinture de vieilles fortifications qui l’empêchent de s’étendre ; c’est peut-être un inconvénient au point de vue des aspirations locales, mais le touriste y trouve cet avantage de voir la ville entourée d’une campagne verdoyante, plantée d’arbres magnifiques, ce qui est de beaucoup préférable à ces faubourgs malpropres qui viennent d’habitude s’agglutiner aux villes dont le périmètre n’est point déterminé. 




Quoi qu’il en soit, ce qu’il y a de mieux pour le touriste, dans Bayonne, c’est Biarritz. On se rend à Biarritz, soit par un petit chemin de fer joujou qui vous y conduit en un quart d’heure, soit en tramway, soit en voiture. 





La route est charmante, bien ombragée, arrosée comme une allée du Bois de Boulogne, sillonnée de breaks, de landaus, de paniers, tout cela mené grand train par des postillons à la veste galonnée et au chapeau ciré. En dehors de la route habituelle, il en est une autre que nous recommandons aux touristes. On l’appelle encore aujourd’hui la route du Prince-Impérial : elle fut tracée, pour les promenades du jeune prince, au travers d’un magnifique bois de pins, qui côtoye l’Adour s’élargissant en estuaire jusqu’à la barre qui forme son embouchure ; en sortant de ce bois, on aperçoit tout d’un coup la mer qui déferle contre les jetées, les estacades et les bancs de sable, puis la route tourne à gauche et vous amène à Biarritz du côté opposé à celui par lequel on arrive habituellement. Après avoir laissé, à droite, la villa Eugénie, — aujourd’hui transformée en hôtel, — après avoir traversé les constructions nouvelles qui s’étagent au-dessus de l’établissement des bains, on arrive au point Central de Biarritz, au Casino. 




Biarritz n’a pas les banalités des villes d’eaux ou des stations balnéaires : la société espagnole avec son goût du plaisir, sa galanterie correcte et ses élégances hardies donne le ton à la vie de Biarritz en lui imprimant une allure originale et exotique : on croise, au Casino, de charmantes señoritas, qui ont mal heureusement le défaut de se farder outre mesure, si bien que notre œil exercé de Parisien hésitait parfois à déterminer la classe sociale de telle ou telle femme qui, renseignements pris, se trouvait être une fort honnête et vertueuse femme. 




Biarritz était tout en l’air, à cause des courses de St-Sébastien, qui avaient lieu le surlendemain de notre arrivée. On s’arrachait chez Benquet les derniers palcos et les dernières gradas de sombra. Les jours de courses, lorsque Guerrita et Mazzantini doivent y figurer, la moitié de Biarritz passe la frontière : les eaux des Pyrénées envoient leur contingent ; les aficionados de Bordeaux et des Landes arrivent de leur côté, si bien que ce jour la population de Saint-Sébastien se trouve doublée pour le moins. 




Afin d’éviter l’encombrement, nous avions décidé de partir de Bayonne en voiture, la veille des courses, de bonne heure, pour aller prendre à Irun le train espagnol qui devait, en une demi-heure, nous conduire à St-Sébastien où, grâce à l’obligeance d’un ami prévoyant, notre logis était retenu dans une maison particulière. Précaution salutaire et que nous ne saurions trop recommander aux touristes. 




Donc, le samedi matin, réveillés de bonne heure par une de ces pluies de montagne où alternent la poussière humide et les trombes, nous nous embarquons bravement dans un bon landau attelé de quatre demi-sang. Notre société se compose de deux voyageurs et d’une voyageuse ; le postillon, tout ruisselant sous son caoutchouc, nous promet une journée magnifique, prophétie optimiste que nous acceptons de confiance. 




Cette route d’Espagne, à travers le pays basque, est, par un de ces paradoxes de la nature, qui se plaît souvent à déconcerter les imaginations prévenues, aussi fraîche, aussi paisible qu’un grand chemin de Normandie : elle coupe des vallons verdoyants, que tapissent de grasses prairies ; elle gravit de riches coteaux où les champs de maïs alternent avec d’épais vergers pleins de pommiers dont les fruits fournissent aux habitants un cidre excellent ; les maisons de paysans, blanchies à la chaux, avec leurs volets et leurs boiseries peintes, animent ce paysage et lui donnent un aspect d’aisance et de propreté ; parfois, d’une chaumière posée au bord du chemin, un enfant s’élance, court après votre voiture et y jette un petit bouquet de fleurs champêtres : c’est une gracieuse façon de demander l’aumône et l’on n’y saurait résister.




En moins de deux heures d’un trot égal, malgré la roideur des côtes, nos chevaux nous ont amenés à Saint-Jean-de-Luz, après nous avoir fait traverser les gracieux villages de Bidart et de Guéthary




Saint-Jean-de-Luz s’est prodigieusement développé depuis quelques années : entre la plage et la vieille ville qui hébergea Marie-Thérèse lorsqu’elle vint d’Espagne pour épouser le Roi-Soleil, une nouvelle cité s’est construite : casino, hôtels à la dernière mode, villas confortables, encadrés dans la verdure nuageuse des tamarins, sont venus vivifier cette station, sans cependant lui faire perdre son allure paisible. 




Nous déjeunons et nous serrons la main, en passant, au peintre Bonnat qui possède une vaste et patriarcale maison sur le bassin de la Nivelle. Bonnat, dont l’aspect farouche étonne lorsqu’on le rencontre dans un salon de Paris, semble ici, dans ce milieu méridional, un placide bourgeois. 




Le temps est toujours assez maussade, cependant quelques rayons de soleil viennent par instant éclaircir sa mauvaise humeur. Nos chevaux et notre postillon se sont rafraîchis, chacun à leur manière. Nous repartons grand train. Les coteaux s’élèvent et prennent des allures de montagne ; la route se rétrécit entre des tranchées où la roche fait saillie ; les nuages, en s’écartant, nous laissent voir les cimes des Pyrénées que domine le mont de la Rhune. Sur notre droite, quelques échappées sur l’Océan. Nous arrivons à Urrugne."

La seconde partie de cet article sera publiée dans un mois environ.





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