L'EMIGRATION BASQUE EN 1914.
Des centaines de milliers de Basques, du Nord et du Sud, ont émigré, partout dans le monde, et en particulier de l'autre côté de l'Atlantique, pendant des décennies, depuis 1830 environ.
Je vous ai déjà parlé de l'émigration Basque dans deux articles précédents, le 16/08/2018 et le
28/09/2018.
Voici aujourd'hui un troisième article, publié le 25/01/1914, également dans la Gazette de
Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-De-Luz.
"Les pertes.
EMIGRATION BASQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il ne faut pas s’en tenir aux seules apparences.
Le Basque-Américain qui rentre dans ses foyers avec l’auréole de la fortune est certainement la meilleure réclame pour le pays qui a été pendant quelques années sa patrie adoptive. Son retour décidera au départ une vingtaine de jeunes gens qui, ici, où l'agriculture est dans l’enfance, où l’industrie est précaire, et où le commerce languit, ne parviendraient pas à une situation indépendante. Aussi, à ce spectacle du succès palpable, toutes les hésitations tombent. Ils partent isolés, ou pur petits groupes, munis de lettres de recommandation, sûrs de retrouver un parent, un ami, qui les guidera dans les débuts. La séparation n’est même pas trop pénible. Ceux qui restent savent que le voyageur ne s’en va pas dans l'inconnu. Puis, ils sont si nombreux ceux qui suivent la même voie !
EMIGRATION BASQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’effet du retour est si considérable que les Etats d’Amérique devraient, ce semble, s’en réjouir et le favoriser. Le contraire se produit. Ils envisagent avec une susceptibilité manifeste l’émigration à temps qui s’en retourne avec un capital acquis. Ils y voient presque une sorte de vol, tout au moins une forme d’ingratitude.
Ce sentiment égoïste s’explique par l’état d’esprit qui domine dans l’Amérique latine. Ses nationaux, ou ceux qui le sont devenus en faisant souche dans le pays, qui s'y sont naturalisés, entendent vivre aux dépens de ceux qui arrivent après eux. Par droit de premiers occupants, ils s’attribuent les privilèges, les fonctions, les rentes, l'autorité. Les derniers venus ont le devoir de faire valoir terres, revenus, fonctions, d'après un cahier de charges dûment établi. Aux Italiens, les moissons et les choses du bâtiment : aux Espagnols, le défrichement ; aux Anglais. l’exploitation des chemins de fer ; aux Français, les vignobles de Mendoza et le commerce du détail à Buenos-Aires. Quant aux serviteurs de l’Etat, on a pensé les retenir à perpétuité par le décret qui rendait les retraites valables pour ceux-là seuls qui les touchaient dans le pays. Il a fallu faire une exception à cette règle pour assurer le recrutement des membres de l'enseignement.
EMIGRATION BASQUE EN AMERIQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Tout s’emploie, se coalise pour faire faire à l'immigré peau neuve, peau américaine, ce qui a provoqué la boutade de M Clemenceau, au cours de son voyage de conférences américaines : "L'immigré devient Argentin avant de s’argenter".
Il y a d'abord l’opposition absolue entre les deux lois de recrutement militaire. Pour la loi française, tout enfant né de Français sur la terre étrangère est Français. La loi argentine le déclare Argentin du seul fait qu’il est né en Argentine. Par suite, le jeune Français est condamné à devenir insoumis au point de vue de l'une ou l’autre des deux nations. Il est insoumis pour l’Argentine, si à 21 ans. il se met à la disposition du Consul pour établir son service en France, il est insoumis pour la France, s’il n’accomplit pas celle formalité, et il faudra qu'il attende quarante-deux ou quarante-cinq ans pour rentrer sans s'exposer au Conseil de Guerre. Cette mesure est a l’avantage du pays immigrateur, en ce sens que le jeune expatrié, avant son service militaire, se trouve dans l’impossibilité de revenir avant un délai de vingt-cinq ou trente ans. Il se marie, entre temps, et c’est une unité perdue pour la mère-patrie.
LIGNE DE BORDEAUX A LA PLATA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aux obstacles de la loi militaire qui s’opposent au retour des jeunes gens partis sans avoir accompli leur service en France, s'ajoute pour ceux qui voudraient réaliser des fortunes moyennes, la différence du cours monétaire. La piastre chilienne de 5 fr. vaut 1 fr. 90 en France ; le peso argentin, 1 fr. 80. Les liquidations aboutissent à la ruine. Un capital de 50 000 francs, en Amérique, ne représente que 19 000 francs en France. Aussi les immigrés qui possèdent un modeste avoir hésitent à le réaliser. Les plus décidés au retour laissent leur situation à des mandataires, à des associés. Ils ne sont pas plus tôt rentrés que l’inquiétude les reprend. Ils ne tardent pas à revenir en Amérique pour consolider leur situation qu’une plus longue absence compromettrait.
EMIGRATION BASQUE EN ARGENTINE PAYS BASQUE D'ANTAN |
D’ailleurs, en Amérique, une fortune moyenne permet une existence plus large qu’en France, si elle se borne aux besoins matériels. Tout abonde : la population argentine évaluée à 9 millions d'habitants, dispose de 29 millions d'animaux de race bovine, de 7 millions de race ovine. Les céréales atteignent la même proportion.
EMIGRATION BASQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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