FÊTES BASQUES À SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT EN 1926.
Dans de nombreuses villes du Pays Basque, des fêtes sont organisées, parfois depuis plus d'un siècle.
SAINT JEAN PIED DE PORT EN 1936 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que raconta Le Figaro, le 6 octobre 1926, sous la plume d'Hervé Lauwick :
"Les fêtes de la tradition à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Il n'est pas de paysans qui ne soient traditionalistes; tous les paysans suivent instinctivement l'exemple du passé ; et cela donne beau jeu aux gens des villes pour les déclarer rétrogrades... Mais la tradition est pour le peuple basque la base véritable de l'existence ; il n'est pas un geste qu'un Basque se mêle de faire dont il ne songe que ses ancêtres l'ont fait avant lui; il continue la tradition encore plus qu'il ne vit pour lui-même ; il n'y a plus, en Europe du moins, de peuple où le respect de la tradition soit développé à ce point ! Imaginez ce qu'ont pu être les fêtes à Saint-Jean-Pied-de-Port ; tous les jeux, toutes les danses, dans une atmosphère, de clarté, de douceur, de beauté, de jeunesse...
Et si gentilles, si dépourvues de brutalité ! De l'autre coté de la frontière, à Vitoria, la feria était bien différente. Au sortir de l'église, après la procession de minuit, les danses commencent dans les rues, et vers l'aube, tous les danseurs étant ivres, la police les chasse à coups de bâton. L'église s'ouvre à nouveau, la procession du matin se déploie ; et l'après-midi, c'est la corrida : le sang, et les cris, et la mort, et les hurlements et les trépignements de la foule enfiévrée.
On ne voit rien de tout cela au joli pays basque français : les jeux de la pelote, des ébats et des danses, c'est tout.
Sous la chaleur accablante d'un bel après-midi d'été, de rares automobiles se sont réfugiées dans les coins d'ombre, enfoncées sous les arbres de Saint-Jean-Pied-de-Port. Les organisateurs n'ont presque pas fait de publicité. Il n'y a ici que des Basques, et un nombre infime d'étrangers qu'on a renseignés dans les villages. Ce n'est pas à Biarritz, sur un théâtre, qu'il faut voir une fête paysanne, mais comme nous avons eu l'insigne bonheur de la voir. Les Basques s'écrasent aux devantures de deux ou trois cafés, on s'évente, on étouffe ; beaucoup d'Espagnols sont venus aussi. Et tout ce peuple attend l'arrivée de la procession dansante. Elle est allée au loin, jusqu'à Ispoure, le village voisin ; on l'entend, de loin, qui s'annonce au son des tambourins.
DANSEURS BASQUES AUX FÊTES EUSKARIENNES PAYS BASQUE D'ANTAN |
En tête, marchent quatre cavaliers, qui n'ont rien de l'Apocalypse, sauf un de leurs chevaux. En veste rouge, en culotte blanche, ils sont courbés comme des jockeys. Puis viennent les gocriac, en veste rouge aussi, qui dansent depuis des kilomètres sur la route nationale, bien qu'il fasse trente-deux degrés ; ensuite les "volants" des diverses espèces, les muchicoac, enfants habillés de blanc et recouverts tout entiers de rubans délicatement choisis, jaune, bleu de ciel et rose d'un effet merveilleux, sous des bérets, rouge vif. Et tout, ce monde est d'un éclat, d'une propreté, d'une blancheur immaculée ; en gants blancs, manoeuvrant de petites cannes, ils suivent en dansant le pas de la procession ; derrière eux viennent les géantes, énormes poupées d'étoupe, aux cheveux soigneusement tirés, puis d'autres géantes plus virginales encore; ensuite les quatre femmes sauvages, sottement déguisées en enfants des écoles, et d'un comique étonnant ; les danseurs souletins, les satans, dolmans rouges, coiffures en verre multicolore; la kantinierza, la cantinière, à fortes moustaches, en dolman bleu et jupe rouge ; le zamelzain sautant sur son pur sang à jupon; le zania, qui le suit, armé de son fouet à mouches, et l'amiral, qui secoue en mesure son drapeau français, et ce personnage -comique, le maire du village : un homme en habit, orné d'une fausse barbe noire et d'un haut de forme, et qui défile lamentablement au milieu de cette folie sautante et gambillante à laquelle il ne prendra jamais part ; il représente l'autorité, l'ennui, l'étranger, celui-qui-n'est-pas-Basque, enfin l'homme des villes. Tant pis pour lui ! Et derrière lui, voici la xulula et le ttunttura, la flûte et le tambour, l'écuyer, le bouffon, les chargeurs, les remouleurs, le paysan et la paysanne, enfin tous les volants, les petits et les "grands volants", tous vêtus de blanc, en gants blancs, en béret rouge, sous les rubans flottant au vent. L'espadrille soulève la poussière de la route, et le cortège, dont le tambourin bat comme le cœur, entre en ordre sur le fronton.
DANSEURS SOULETINS PAYS BASQUE D'ANTAN |
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