UN ACCIDENT DE TRAIN À MOUGUERRE EN 1922.
Le Pays Basque, au cours de son histoire, a connu, sur son territoire, plusieurs accidents de chemin de fer, dont certains furent dramatiques.
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Ce ne fut heureusement pas le cas de celui qui se produisit à Mouguerre en décembre 1922.
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition du
21 décembre 1922 :
"L'accident de chemin de fer de Mouguerre.
Le chef cantonnier devant le tribunal de Bayonne.
La déposition du mécanicien Solano.
Nous avons publié hier un compte rendu succinct de cette affaire qui est venue à l'audience du tribunal correctionnel de Bayonne, mercredi matin.
Les débats de ce procès résultant de fait» qui produisirent une assez vive émotion à Bayonne, à Mouguerre et dans les environs, ont été intéressants et méritent mieux que le court entrefilet que nous avons publié hier.
L’heure à laquelle ils se sont déroulés ne nous avait pas permis d’en parler plus longuement. Néanmoins, nous avons été heureux de pouvoir, seuls, en donner la primeur à nos lecteurs, dès hier soir.
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Comment se produisit l'accident.
Au début de septembre dernier, un lundi matin, jour de marché, devait entrer en gare de Bayonne, vers neuf heures, un train venant de la direction de Toulouse. De nombreux voyageurs y avaient pris place : trois à quatre cents, estime-t-on. Or, par suite d’une erreur d’aiguillage, le train, au lieu de continuer sa route vers Bayonne, alors qu’il allait quitter le territoire de Mouguerre, fut lancé dans une fausse direction, sans avoir rien perdu de son élan.
II était engagé sur la voie particulière des Salines de Mouguerre. Il allait fatalement venir s’abîmer dans le canal qui les longe, s’y écraser et cet accident allait être suivi d’une véritable catastrophe.
Mais par un hasard providentiel, sur cette voie avaient été garés des wagons de sel. Le train dont la marche avait déjà été un peu ralentie par le mécanicien, à ce moment, tamponna l’un de ces wagons et le projeta au loin. Sous le choc des voitures arrière du train sortirent des rails et labourant le sol, firent frein à leur tour. Enfin, la locomotive vint s’effondrer dans le canal. Mais là s’arrêta l'accident. Les voyageurs n'eurent aucun mal et le mécanicien du train, M. Solano, seul fut contusionné. Il fut d'ailleurs rapidement guéri et a repris, depuis, son service. Ajoutons que sa conduite et sa présence d’esprit ne contribuèrent pas peu à éviter de plus graves conséquences à cette méprise d'un chef cantonnier qui avait oublié de remettre en place une aiguille.
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Le chef cantonnier.
M. Dufourg, chef cantonnier, dont la femme est elle-même chargée du fonctionnement et de la surveillance de l’aiguille qui donne accès à la voie des Salines, avait commis, en effet, un regrettable oubli.
C'était un bon serviteur de la Compagnie qui avait même donné, antérieurement, des preuves d’heureuse initiative.
Le jour de l’accident de Mouguerre, il avait manié l’aiguille pour engager un wagon de sel sur la voie des Salines, puis il était allé déjeuner, sachant qu’il avait du temps de reste avant l'arrivée du train de Toulouse. Malheureusement, il oublia ensuite de faire la manœuvre nécessaire. On sait ce qui en résulta.
Cette manœuvre, qui demande peu de temps, n’exige pas non plus une grande force musculaire. Dufourg, dit l'accusation, a donc commis une infraction grave au règlement.
Rappelons aussi que le chauffeur du train avait été projeté en dehors de la machine. Il n’avait eu aucun mal.
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On entend le mécanicien Solano.
La déposition du mécanicien du train a produit un assez vif mouvement d’intérêt.
Solano fut d’abord félicité par le président, M. Destandau. Mais il parut comme un peu surpris de ces félicitations : "Bah ! dit-il simplement, c’est bien naturel d’avoir quelque sang-froid. Tous mes camarades en auraient fait autant." Puis, comme le président le félicite encore de la médaille qui lui fut décernée à cette occasion et dont il porte aujourd’hui le ruban, il ajoute : "On m’a dit que je devais le porter : je n’y pensais guère." M. Solano est, on le voit, un modeste. Il raconte très simplement les faits, sans charger son camarade.
Le président lui dit aussi que le sang-froid ne s’achète pas, mais il sait que les mécaniciens sont l’élite des travailleurs.
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Ce que disent Dufourg et son défenseur.
Le chef cantonnier Dufourg a très franchement reconnu qu’il avait commis une faute. Ce fut de sa part un regrettable oubli, dont il exprime ses profonds regrets, mais rien autre chose qu’un oubli.
Cet oubli a été suivi de dures sanctions : il a été traduit devant un Conseil de discipline de la Compagnie, où il a été défendu par un de ses camarades, de son grade. Il a été révoqué ; il a perdu le bénéfice de la retraite. Il était à la Compagnie depuis plus de vingt-quatre ans et occupait ce poste de chef cantonnier depuis plus de dix ans.
Le ministère public s’est montré sévère pour l’oubli commis par Dufourg, oubli qui aurait pu avoir de très graves conséquences.
Me Pinatel, qui défendait le chef cantonnier, a montré que, cette fois, la fatalité avait joué un rôle excellent, puisque les circonstances furent telles qu'il n'y eut aucun accident de personne. On peut se montrer indulgent pour ce vieux et brave travailleur à qui on ne peut reprocher rien d'autre qu’un oubli passager.
En d’autres temps, il fit preuve d’initiative et de courage. A Milhan, un jour, il s’aperçoit d’un affaissement de terrain ; il descend une rampe en courant et saute sur la locomotive du train en marche pour prévenir le mécanicien.
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