DES BELGES ET DES FRANÇAIS À SAINT-SÉBASTIEN EN 1914.
En 1914, le Pays Basque Sud a accueilli de nombreux réfugiés, fuyant leurs villes ou pays dévastés par la première guerre mondiale.
SAINT SEBASTIEN - DONOSTIA GUIPUSCOA 1914 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 21 décembre 1914 :
"Les Belges à la colonie Française de Saint-Sébastien.
Le Comité franco-belge, constitué à Bayonne, sous la poussée des événements, sur l’initiative de l’actif député, M. Garat, et composé de dames et de citoyens animés du plus grand esprit d’altruisme, a accompli depuis sa formation une œuvre patriotique et humanitaire, qui restera comme une des pages les plus belles, des annales locales de la guerre. Il a recueilli, dans la bonne et hospitalière ville de Bayonne, près de 300 réfugiés, fuyant devant l’invasion, l’incendie, le meurtre et le pillage, chassés par un ennemi implacable, assoiffé de carnage et de sang. Il a fait pour ces pauvres victimes d’une destinée tragique, tout ce que commandaient les nobles considérations de la reconnaissance et de l’humaine pitié. Il a accueilli ces pauvres épaves d’une cruelle fatalité, avec tous les honneurs que méritaient la noblesse de leurs sentiments et le stoïcisme de leur attitude. Il les a placées chez l’habitant, où partout ils ont été l’objet du meilleur accueil et des meilleurs soins. II s’emploie à donner aux enfants l'instruction nécessaire, à fournir aux hommes valides du travail rémunéré ; à donner aux femmes une occupation appropriée à leurs moyens. Il a enfin, par l’organisation d’œuvres diverses, et aidé en cela par la générosité privée, constitué une caisse de secours, à l’heure actuelle fort, bien alimentée.
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Depuis longtemps, la colonie française de St-Sébastien, avait exprimé le louable et patriotique désir de s’associer à l’œuvre du Comité franco-belge. Vendredi dernier, satisfaction lui a été donnée. Dans le triste et inter minable convoi des 1 200 réfugiés, arrivé jeudi en gare de Bayonne, le Comité a prélevé deux familles, choisies parmi les plus nombreuses, les plus difficiles à loger par conséquent, et composées chacune du père, de la mère de dix et huit enfants. Toutes deux originaires de la plaine d’Ypres, où la bataille a fait rage pendant si longtemps. Après avoir pris à Bayonne un jour et une nuit d’un repos bien gagné, ces pauvres gens qui étaient en route depuis cinq semaines, ont été dirigés, accompagnés par une délégation du Comité, ayant à sa tête M. Garat, sur la colonie française de St-Sébastien. Le voyage à travers le pays pittoresque et accidenté, s’effectue sans encombre. Cependant, à Irun, première gare frontière, une surprise nous était réservée. Un brave douanier espagnol, ému par le spectacle de cette détresse, tend la main à notre député, M. Garat, et lui fait l’abandon de sa paye journalière. Brave cœur, que ce geste anonyme honore, symbole des sentiments qui sommeillent au fond de l’âme espagnole et qu’il suffira peut-être d’une étincelle pour enflammer un jour.
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Le tramway d’Hendaye nous introduit jusqu’au cœur de la somptueuse ville espagnole. Les journaux locaux axaient annoncé notre arrivée. Aussi une foule de plusieurs milliers de personnes se trouve-t-elle massée, à la descente du tramway. Le passage de ce triste cortège produit, sur tout le parcours, de la station à la colonie, une douloureuse impression. Pas de manifestation bruyante. Population réservée, mais incontestablement sympathique.
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Les Espagnols restent neutres, neutres jusque dans les fibres neutres, par ordre peut-être. On sent tout de même que la foule, toujours très dense, est fortement remuée par le spectacle lamentable et réduit, de ses innocentes victimes de la barbarie germanique. Le sang latin ne peut mentir. Nombreux sont les yeux, qui s’emplissent de larmes ; la plupart se découvrent ostensiblement comme sur le passage d'une procession de misère, et nous voyons de gracieuses señoritas, glisser furtivement des pièces blanches dans les mains des enfants.
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A la colonie française, tout est prêt pour recevoir les nouveaux venus. De superbes dortoirs, avec des lits tout blancs, sont aménagés. On a l’impression que les dames admirables qui dirigent l’Œuvre avec tant d’intelligence et un si grand esprit de sacrifice, ont voulu aussi mettre tout leur cœur de françaises dans l’accomplissement de leur noble devoir de solidarité humaine.
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Un grand déjeuner réunissait ensuite tout le monde, au somptueux hôtel Continental.
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Les réfugiés belges sont d’abord installés autour des tables, dressées dans le grand palmarium de l’hôtel, prenant vue sur la Concha, et où leur sera servi un menu des plus confortables, offert gracieusement par les propriétaires de la maison, M. et Mme Estrade. A leur suite prenaient place : M. l’alcalde de St-Sébastien et son adjoint, MM. les consuls de France et de Belgique, Garat, député et maire de Bayonne ; Van den Corput, député belge ; MM. Trinchant, Jacobs, Moris, Cerf, de Clerdi, d’origine belge, MM. Millaud, Cazalis, Espelette, Bouteille, Mandagaran, Cinqualbre, Robert Salles, membres du Comité. Mmes Boulat, Brissac, Estrade, directrices de la colonie française. La dame de l’alcalde, Mmes Delay, Novion, Gilbert, Grenade, Mlles Pastoret et Perraix.
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Et le repas auquel tout le monde fit honneur s'accomplit sans autre apparat, dans le bourdonnement des conversations charmantes, à peine interrompues par la discrète mélodie de la mer toute proche.
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Au dessert, une autre surprise était réservée à nos chers petits réfugiés. Une dame de Barcelone, dont nous respectons l'anonymat, a fait remettre à M. Garat, un plateau rempli de beaux écus, dont la distribution fut immédiatement faite à nos petits protégés. Le père et la mère, qui ne parlent que le patois flamand, sont incapables d’exprimer un remerciement. Comme leur douleur, leur reconnaissance est muette ; mais leurs cœurs débordent de gratitude et des larmes, de bonnes larmes, roulent le long de leurs pauvres joues amaigries et ravagées par la souffrance.
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