DEUX PERSONNALITÉS DE SAINT-JEAN-PIED-DE-PORT FÊTÉES EN 1908.
Parmi toutes les personnalités de Saint-Jean-Pied-de-Port, deux d'entre elles sont célébrées en 1908 : Michel Renaud et Charles Floquet.
Voici ce qu'en rapporte le journal La Petite Gironde, dans son édition du 2 octobre 1908 :
"Charles Floquet et Michel Renaud.
En lisant ces deux noms que nous n’avons pas hésité à accoupler, bien que le premier ait eu une réputation à laquelle le second n’a jamais prétendu, les Basques comprendront le sentiment auquel nous obéissons. Nous voulons confondre dans une même admiration deux républicains doués de la même noblesse de caractère et nés dans la même ville, à Saint-Jean-Pied-de-Port.
Le Conseil général des Basses-Pyrénées, dans sa dernière session, a voté une subvention au comité du monument qui s’est récemment constitué dans l’arrondissement de Mauléon, sous la présidence d’honneur de M. Louis Barthou.
MONUMENT FLOQUET ST JEAN PIED DE PORT - DONIBANE GARAZI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Des listes de souscription, nous écrit-on, vont être mises en circulation dans le pays basque, et les républicains de toute la région se feront certainement un devoir de s’associer au suprême hommage que les habitants de Saint-Jean-Pied-de-Port vont rendre à deux excellents républicains que nous persistons à ne pas séparer, la conduite de Michel Renaud étant un exemple de probité politique et de fidélité aux principes tout comme celle de Charles Floquet.
Il est à peine besoin de publier ici une biographie de Floquet, qui a rempli dans l’histoire de la fondation et du développement de la troisième République un rôle de premier plan.
Il suffit d’ouvrir un dictionnaire biographique quelconque pour trouver l'énumération de tous les actes accomplis par ce républicain, qui n’a peut-être pas, de son vivant, été jugé à sa juste valeur.
MONUMENT FLOQUET ST JEAN PIED DE PORT - DONIBANE GARAZI PAYS BASQUE D'ANTAN |
On sait combien la passion politique fausse le jugement des hommes, même les plus honnêtes.
Il arriva un moment où Charles Floquet, en qui ses adversaires avaient jusque-là reconnu un caractère et un talent qui en avaient fait un type de républicain, fut atrocement blessé par la calomnie. C’était pendant l’affaire du Panama, dans ce temps où toutes les haines réactionnaires se déchaînèrent. où la suspicion pesa sur des hommes connus pour leur impeccable probité, où l'on confondit pêle-mêle, les trafiquants et les républicains dont la vie tout entière avait été à l’abri du moindre soupçon. La réaction, poursuivant son but, qui était d’essayer de déshonorer tout un régime politique, n’hésita pas à porter ses coups les plus perfides à Charles Floquet. Celui-ci ne sut pas, comme certains qui étaient coupables, lui qui était innocent, braver les attaques de ses adversaires, se défendre comme il pouvait victorieusement le faire, et laisser au temps le soin de faire éclater sa scrupuleuse honnêteté. Il crut que sa vie politique était finie, que la calomnie avait irrémédiablement atteint sa réputation. Il devint silencieux et comme en proie à un mal secret dont il mourut bientôt. Et l’on sait son admirable déclaration avant d’expirer. Nous ne savons plus qui a dit, Lamartine peut-être, que "la mort démasque tous es visages, et qu’il n’y a pas d’hypocrisie sous la main levée de Dieu".
Floquet attesta son innocence, et personne aujourd’hui ne douterait de la parole de ce grand calomnié.
On connaît l’homme politique, qui fut un précurseur et un fondateur. Il avait toutes les qualités du Basque (bien que le hasard le fit naître à Saint-Jean-Pied-de-Port où, croyons-nous, son père remplissait des fonctions) : fier, indépendant, possédant à un haut degré le sentiment de sa dignité personnelle.
Les Bordelais qui l'ont entendu et applaudi en 1800, à l’Alhambra, n’ont pas oublié cette figure si expressive, et si attrayante, ce front puissamment modelé sous une luxuriante chevelure grisonnante, ces yeux au regard clair, brillant et droit, cette bouche fine d’où s’échappait à grands flots une éloquence romantique, qui impressionnait surtout les foules. On avait coutume, en ce temps-là, de railler un peu son verbe, qui était comme un ultime écho de l’éloquence des hommes de 48.
On disait que Charles Floquet était trop sensible à la musique des phrases, qu’il sacrifiait à l’enflure des prosopopées chères aux constituants de la deuxième République. On lui rappelait avec ironie qu’il y a une bienséance à garder pour les paroles comme pour les habits (il aimait dans sa jeunesse les gilets à la Robespierre).
Toutes ces critiques, qui n’eurent du reste, aucune influence sur son éloquence, qui resta un peu déclamatoire et soulignée d’un geste théâtral, ne l’empêchèrent pas de prononcer de substantiels discours, d’une forme parfaite, que pourraient envier nombre de nos orateurs du jour, qui se glorifient d’émettre des idées (souvent troubles) sous une forme qui défie les règles de la syntaxe.
Charles Floquet n’était pas, comme d’aucuns l'ont prétendu, "un inoffensif phraseur, un enfileur de périodes arrondies."
Ses discours, toujours fleuris, un peu trop fleuris, respiraient du moins la sincérité. Il avait la foi, des convictions inébranlables, servies par une parole qui produisait malgré tout son effet. Quand il était à la tribune, on disait : c’est un honnête homme, un républicain indéfectible qui parle. A-t-on assez plaisanté sur son discours du 4 juin 1888: A votre âge, Monsieur, disait-il en s’adressant à Boulanger, Napoléon était mort, et vous ne serez que le Sieyès d’une Constitution mort-née."
N’empêche que, quelques jours après, il allait sur le pré, simple et crâne (qu’on nous passe cet accouplement de mots), et trouait la gorge au Saint-Arnaud de café-concert qui l’avait bêtement injurié à la tribune. Et l’on acclama dans la France entière le président du conseil des ministres qui avait su infliger à son insulteur empanaché une leçon si méritée.
A quoi bon rééditer les reproches qui lui furent faits au temps du boulangisme ? Nous ne voulons pas discuter sur le point de savoir s’il fit preuve, comme chef de gouvernement, de l’énergie que commandaient les temps difficiles que traversait la République. Nous préférons nous rappeler qu’il a été au fauteuil de la présidence de la Chambre, où il fut plusieurs fois appelé, un président modèle, alliant une constante bonne humeur à une ferme impartialité.
C’est à Charles Floquet, démocrate sans peur et sans reproche, à l’homme de bien qui mit tout son grand cœur et sa grande éloquence au service de ses opinions, que Saint-Jean-Pied-de-Port va élever un monument. Et cette fête dépassera les limites de la ville où ce bon citoyen est né. Elle aura sa répercussion dans toute la France, parmi les républicains qui ont aimé Charles Floquet.
Michel Renaud, cet autre Basque, bien racé celui-là, fut envoyé en 1848 à l’Assemblée constituante par le département des Basses-Pyrénées. Il fut réélu en 1849.
MONUMENT RENAUD ST JEAN PIED DE PORT - DONIBANE GARAZI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Caractère chevaleresque (il eut un duel retentissant avec le chef d’escadrons de Montalembert, qu’il blessa), républicain inflexible, conscience rigide et fière, il protesta contre le coup d’État du 2 Décembre, fut arrêté et compris sur les listes de proscription. Il ne rentra dans son pays qu’en 1859. Quand éclata la guerre, quoique âgé, il partit comme simple soldat avec le bataillon des mobiles basques. Elu, en 1871, député à l’Assemblée nationale, il échoua en 1876 dans l’arrondissement de Mauléon, et en octobre 1877 dans celui de Bayonne. Il fut élu, en 1882. sénateur des Basses-Pyrénées.
Nous avons connu Michel Renaud. Nous ne perdrons jamais le souvenir de ce Basque qui clamait sa foi en la République dans son pays encore attaché dans ce temps-là au fétichisme du principe de l’autorité ecclésiastique.
MONUMENT RENAUD ST JEAN PIED DE PORT - DONIBANE GARAZI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il était lui-même de l’école néo-catholique des Buchez et des Roux, tout en déplorant l’immixtion du clergé dans la politique.
A ses obsèques, auxquelles nous avons assisté, en janvier 1885. et qui furent une grandiose manifestation politique, s’étaient rendus tous les chefs du parti républicain basque, en voie de formation à cette époque.
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