LE PELOTARI "YATS" D'HASPARREN.
Le Pays Basque, des deux côtés de la frontière, a connu de très nombreux joueurs de pelote et certains d'exception.
YATS PELOTARI HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans des articles précédents, je vous ai parlé, par exemple de la pelote Basque en 1900, de
Chiquito de Cambo dans les tranchées, de pelote et soka tira aux Jeux Olympiques de 1900, de
Léon Dongaitz, des pelotaris Théodore et Pampo, de la Cesta Punta aux Usa, du Kapito Harri
d'Ustaritz, des pelotaris d'Hasparren en 1932, du jubilé de Chiquito de Cambo en 1938, de
Chilhar, de la pelote aux Jeux Olympiques de 1924, de Pierre Etchebaster champion de jeu de
Paume, de Perkain, du rebot en 1932, voici donc aujourd'hui un article sur "Yats" le pelotari
d'Hasparren.
Voici ce que rapporte sur lui, le journal Match du 9 août 1932 :
"Au royaume de la pelote Basque.
Chilhar! Yats!...
Deux noms qui, il y a cinquante ans, firent passer un grand souffle d'espérance à travers l'Eskual-Herria, lorsque, pour les premières fois, ils circulèrent de place en place; deux noms qui, pendant trente ans et plus, tinrent " la grande vedette", après la mort du prestigieux Gaskoïna ; deux noms, enfin, qui n'ont pas subi et qui ne subiront jamais d'éclipse : leur gloire, au contraire, ne cesse de grandir au fur et à mesure que de nouvelles générations de pelotaris lèvent sur le sol basque. La Fédération Française, qui a déjà fixé les traits du premier dans la pierre d'Espelette, se prépare à perpétuer le souvenir du second dans cette cité de Hasparren fière de lui, comme elle le fut de Gaskoïna, comme elle l'est encore d'une pléiade étonnamment riche de joueurs de grande classe.
J'ai retracé la carrière de Chilhar. Je veux, aujourd'hui, faire revivre ce Yats qui fut son ami. Une des dernières visites que reçut le vieux pelotari de Hasparren déjà alité, fut, en effet, celle du vétéran d'Espelette qui — détail touchant— tint à prendre son repas à une petite table dressée tout contre le lit de Yats... Et les deux compagnons de gloire, rivaux, certes, mais loyaux camarades, en bons Basques qu'ils étaient, se perdirent alors en longues confidences, en souvenirs des frontons ensoleillés où s'étaient écoulées les plus belles heures de leur jeunesse et de leur âge mûr...
Nous nous sommes forgés — très justement d'ailleurs — un type exemplaire de l'athlète et particulièrement du pelotari : élancé, pas trop étoffé, à la ceinture étroite, aux reins souples. Et il faut reconnaître que beaucoup de champions ont répondu et répondent encore à ce signalement ; la peinture, la statuaire ne peuvent, évidemment, exploiter que celui-là.
Mais il est des exceptions à cette règle dans l'histoire de la Pelote Basque : Tripero ne dut-il pas son surnom à son obésité ! Yats, lui, battit sans nul doute tous les records du poids chez un joueur de pelote, sans que sa silhouette ait, du reste, jamais paru grotesque, car si ses jambes étaient relativement faibles, son buste formidable, sa belle tête romaine et sa taille élevée constituaient un ensemble vraiment imposant. Et puis, lorsqu'il était sur la place, toute considération d'esthétique passait au second plan, tant sa sûreté, son adresse et, surtout, la prodigieuse puissance de son poignet forçaient l'admiration.
Pour en finir avec cette question de la corpulence de Yats et en donner, du même coup, une idée exacte, je dirai que le célèbre joueur haspandar pesait 140 kilos à l'apogée de sa forme sportive.
"Yats", on le devine, n'était qu'un surnom qui lui fut donné dès sa première partie officielle, jouée à Cambo, et où il balaya — "yatza" — littéralement ses adversaires.
Son nom était Jean Sabalo, et il naquit à Hasparren le 27 novembre 1859, un mois, environ, après la mort du célèbre Gaskoïna. Il avait à peine 7 ans, que ses dispositions extraordinaires pour la pelote se laissaient déjà deviner : le petit Jean manquait souvent l'école, ou, tout au moins, ses retards étaient fréquents, car tout pan de mur rencontré sur sa route lui était prétexte à quelques dizaines de points...
Vers sa treizième année, Jean Sabalo connut les affres de la jalousie. Quelques-uns de ses petits camarades, plus fortunés que lui, possédaient, en effet, des chisteras bien tressés et tout neufs. Il s'en fut donc trouver un "saskieguile", confectionneur de paniers; et lui confiant son maigre avoir, il se fit fabriquer un chistera rudimentaire. Sitôt l'engin en mains, il défia... et défit successivement tous les camarades de son âge — et même plus âgés — qui voulurent opposer leur chistera de luxe à son rustique gant d'osier. Entre temps, le vieux trinquet et la place de Hasparren le voyaient jouer à mains nues avec un égal brio. Un beau jour — Jean Sabalo avait alors 16 ans — le fameux Halty, de Cambo, boucher de son état et joueur de pelote en grand renom, le vit à l'oeuvre et l'engagea — oh! pas à prix d'or! — pour jouer le dimanche suivant une partie de rebot.
REBOT HASPARREN - HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le jeune homme partit à pied le matin du match et il fut incorporé dans une équipe composée des deux frères Halty, de Domingo Larralde et du buteur Hardoy. Deux joueurs d'Espelette et trois de Sare composaient le camp adverse. La lutte fut formidable. Jean Sabalo contribua largement à la victoire de son camp, fut baptisé Yats... et s'en retourna le soir même — toujours à pied — à Hasparren.
Dès lors, sa carrière devait se poursuivre sans interruption comme sans défaillance. Sur les frontons de France comme sur ceux d Espagne, il ne se joua guère de partie de rabot où Yats ne figurât dans le camp des vainqueurs.
Le moment est venu de caractériser la "manière" de ce joueur. J'ai déjà signalé l'extraordinaire force de son poignet. On peut dire que rien ne bougeait, chez Yats, lorsqu'il "refilait" la pelote, pas même l'avant-bras : seul, le poignet, suffisait à renvoyer la balle à une distance fantastique. Un trait authentique donnera une idée de cette force prodigieuse. Un jour, à Sare, Yats, appuyé contre le mur de la place, achevait de lacer son gant lorsqu'une pelote lui arriva par surprise. Sans bouger d'un pouce, sans une préparation quelconque, du seul mouvement de son poignet, il renvoya cette balle au fond de la place, à quelque 120 mètres!
La photographie ci-jointe de Yats à 55 ans reproduit exactement cette attitude caractéristique du fameux joueur haspandar.
YATS A 55 ANS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici, d'ailleurs, comment s'exprimait, à ce sujet, un de ses amis au lendemain de sa mort: "Larrondo avait sa souplesse élégante, Chilhar son adresse à placer les balles, Domingo Larraldia, de l'arrière, ses coups énormes à bras tendu, Yats avait, lui, une rapide et infaillible accommodation de l'oeil.
Quand il était à l'arrière, au fond de la place, sitôt la balle dans le gant du refileur et au seul geste de celui-ci, Yats allait se placer sans hâte à l'endroit où la balle devait retomber, et si exactement qu'il la recevait à l'extrémité du chistera.
Mais le plus surprenant était ceci : ayant reçu cette balle lancée de si loin et avec une telle force, il la touchait à peine, et la renvoyait instantanément, tantôt en une courbe magnifique, tantôt en ligne presque horizontale.
Et cette ligne, courbe ou horizontale, n'était pas pure. Elle était festonnée. La balle semblait, dans sa trajectoire, voler, s'arrêter, repartir, comme par élans successifs, tant elle avait en elle de force accumulée et qu'elle dégageait en palpitant."
Cette image n'a pas seulement le mérite d'être fort belle : elle est de plus très juste, car il arrive, surtout dans les parties de rebot, que la balle lancée avec un certain effet paraît modifier sa course et voler, pour ainsi dire, par saccades, à la manière de certains oiseaux.
Chez Yats, le fameux coup de poignet, dont j'ai déjà parlé, était pour beaucoup dans cette allure donnée à la pelote. Dans l'article que je viens de citer, je trouve encore ce détail fort intéressant : "Yats attachait son chistera juste au-dessous du pouce de la main droite, laissant le poignet absolument libre. Au delà, tout le bras lui envoyait sa force que le poignet dirigeait avec une singulière précision."
Et encore ce trait sur l'origine de son surnom : "C'est quand Yats envoyait sa balle par le bas (azpiz), foudroyante, irrésistible à la raie, écrasée, que le public s'exaltait d'enthousiasme en ce cri resté célèbre :"Emak hor, ratsa debrua! Vas-y donc, diable de balai!"
I1 faut évidemment renoncer à retracer, même à grands traits, la carrière sportive d'un joueur tel que Yats qui, je l'ai dit, fut sur la brèche pendant 30 ans. On peut, tout au plus, rappeler quelques parties mémorables. Outre celle de Cambo, qui lui valut son surnom, je citerai celle qu'il joua à 27 ans avec Berterretche, les frères Larronde et Chilhar contre cinq Espagnols, dont le célèbre Manchot de Villabona, et les frères Velliqui. L'enjeu — très important pour l'époque — était de 2 000 francs.
HASPARREN -HAZPARNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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