LES PRÊTRES À HASPARREN EN 1906.
Suite à la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, de nombreuses congrégations religieuses sont assignées en justice.
COUVENT DES FILLES DE LA CROIX HASPARREN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Droit, dans son édition le 8 mars 1906 :
"Tribunal Civil de Bayonne.
Présidence de M. Villeneuve.
Audience du. 16 janvier 1906.
Communauté religieuse. — Prêtres séculiers dits Missionnaires d'Hasparren. — Absence de Congrégation. — Requête à fin de nomination d'un liquidateur. — Rejet.
Constitue une communauté, mais non une congrégation, le groupement de prêtres séculiers, dits missionnaires d'Hasparren dépourvu de noviciat, où l'admission a lieu par la seule volonté de l'évêque, n'offrant d'autres liens que ceux de la communauté plus ou moins prolongée de leur existence et n'ayant d'autre but que de prêter le concours de ses membres à l'évêque ; celui-ci restant maître de la transformer à sa volonté et même de la supprimer et de la dissoudre.
En conséquence, il n y a pas lieu de lui. donner un liquidateur dans les termes de la loi du 1er juillet 1901.
La question de savoir quel est le caractère juridique de la réunion de prêtres connue sous le nom de Missionnaires d’Hasparren a déjà donné lieu à de multiples décisions judiciaires.
Poursuivi par le parquet de Bayonne comme continuant à former, au mépris de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1901, une congrégation non autorisée, plusieurs de ces prêtres ont été l’objet d’une ordonnance de non-lieu rendue le 5 janvier 1901 par le juge d’instruction.
Sur l’appel du ministère public, cette ordonnance a été maintenue par l’arrêt de la Chambre des mises en accusation de la Cour de Pau, en date du 13 février 1904 ; mais, sur le pourvoi du procureur général près ladite Cour, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé le 8 juillet 1904 l'arrêt de la Cour de Pau et renvoyé devant la Cour de Toulouse (Le Droit du 13 janvier 1905 ; Dalloz, 1905.1.59 et 60).
CHAPELLE DES MISSIONNAIRES HASPARREN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Par arrêt du 12 janvier 1905, la Chambre des mises en accusation de la Cour de Toulouse s'est prononcée dans le même sens que la Cour de Pau en confirmant l'ordonnance frappée d'appel (Le Droit du 17 juin 1905).
Ce dernier arrêt, vu la loi d'amnistie du 2 novembre 1905, n’a pas été déféré à la Cour suprême.
Dans ces conditions, le procureur de la République de Bayonne a présenté requête au Tribunal à lin de nomination, à la réunion de prêtres dits Missionnaires d’Hasparren, constituant, suivant lui, une congrégation non autorisée, d'un liquidateur, dans les termes de la loi du 1er juillet 1901.
Le Tribunal, sur le rapport de M. Villeneuve, président, et les observations de M. Fabre, procureur de la République, a rejeté cette requête par le jugement ainsi conçu :
"Le Tribunal ;
Vu la requête présentée au Tribunal le 6 janvier 1906 par M. le procureur de la République de Bayonne, ensemble les pièces de l'information suivie contre Héguiagaray et autres, demeurant à Hasparren, désigné sous le nom de : Missionnaires d'Hasparren ;
Attendu que M. le procureur de la République demande qu'un liquidateur soit nommé, chargé de liquider les biens possédés à Hasparren par un groupement de prêtres se livrant soit à des exercices pieux, soit à l'enseignement, connus sous le nom de Missionnaires d'Hasparren ; qu'il se fonde sur ce que ces missionnaires constitueraient une congrégation religieuse non autorisée, dissoute de plein droit aux termes de l’article 18 de la loi du 1er juillet 1901 ;
Attendu qu'une information ouverte contre les inculpés a été clôturée par ordonnance de non-lieu du 5 janvier i904 ; que cette ordonnance a été confirmée le 13 février 1904 par arrêt de la Chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Pau et qu'après cassation de cet arrêt, le 8 juillet 1904, par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, cette Chambre renvoya les parties devant la Cour de Toulouse par le même arrêt du 8 juillet 1904 ; que la Cour de Toulouse par arrêt du 12 janviers confirmé, à son tour, comme la Cour de Pau l'avait fait le 13 février 1904, l’ordonnance de non-lieu du 5 janvier 1904 ;
Attendu que le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour de Toulouse par le procureur général de cette Cour n’a pas été soumis à la Chambre criminelle de la Cour de cassation, l'amnistie ayant été accordée par la loi du 2 novembre 1905 aux délits et contraventions prévus par la loi du 1er juillet 1901 ;
Attendu que les inculpés avaient soutenu devant ces diverses juridictions qu'ils ne constituaient pas une congrégation religieuse ; que le ministère public ne justifie pas que les inculpés aient reconnu, depuis la loi d'amnistie, qu'ils composent une congrégation religieuse : que quelques-uns font même partie de la Société civile, propriétaire réelle ou apparente des immeubles acquis selon acte des 2-3 septembre 1855 de Me Ritou, notaire à Hasparren, immeubles que tous les Missionnaires d'Hasparren occupent aujourd’hui dans les mêmes conditions ; que le ministère public ne conteste pas cette situation et que, dès lors, le Tribunal a le devoir de rechercher si c’est à bon droit que le ministère public considère cette réunion de prêtres comme une association religieuse non autorisée dont tes biens doivent être liquidés ;
Attendu que l’ordonnance de non-lieu du 5 janvier 1904 et l’arrêt confirmatif de la Cour de Pau du 13 février 1904 avaient apprécié que les prêtres de la maison d’Hasparren étaient des prêtres séculiers auxiliaires du clergé diocésain, à l’entière disposition de l’évêque, ayant un supérieur nommé et révocable par lui ; que l'évêque les désignait pour suppléer dans les paroisses les prêtres malades ou remplacer les desservants décédés : qu'il les recrutait parmi les anciens élèves du grand séminaire et parmi les desservants du diocèse, sans noviciat préalable ; qu'ils n'étaient tenus que de se conformer à la règle intérieure du grand séminaire qu'ils avaient observée avant leur ordination et non à des statuts spéciaux, et qu’ils conservaient l’entière disposition de leurs biens personnels ; que le dernier évêque (Mgr Jauffret) avait résisté avec succès aux efforts tentés à Rome par l'abbé Arbelbide. supérieur et propriétaire des immeubles, lequel avait tenté de faire reconnaître l’agrégation précitée comme congrégation romaine ; qu’après cet incident, l’évêque conféra à un autre prêtre les fonctions de supérieur et supprima les vœux d’obéissance d'une année, prononcés jusqu'alors ;
Attendu que l'abbé Arbelbide se démît lui-même de la propriété des biens en faveur d'une Société civile composée de cinq personnes, moyennant un prix de 85 000 francs, déclaré payé par l'acte (Me Ritou. notaire), prix qui n'avait été payé que pendant l'information ;
Attendu que les juridictions indiquées ci-dessus avaient considéré aux dates des 5 janvier, 13 février 1904, 12 janvier 1905, que la vie commune n’était pas permanente, que le groupe constituait une sorte d’annexe du grand séminaire ;
Mais, attendu que, si ces juridictions avaient déclaré qu'il n’y avait pas de congrégation selon l’esprit de la loi, l'évêque de Bayonne avait écrit dans une lettre pastorale de 1899 : "Les prêtres d'Hasparren forment une congrégation diocésaine, ainsi qu'en fait foi le décret de la congrégation des évêques et réguliers du 5 février 1853" ; que la Chambre criminelle de la Cour de cassation jugea que les motifs donnés les 5 janvier et 13 février 1904 par le juge d’instruction et par la Cour de Pau étaient insuffisants pour établir qu'il n’y avait pas congrégation ; que, notamment, ils ne s’étaient pas expliqués sur le caractère de perpétuité formellement attribué par le ministère public à cette institution et que l'obéissance à l’évêque ainsi que l'acceptation d’un traitement n’étaient pas exclusifs de l'existence d'une congrégation ;
Attendu, à cet égard, que les prêtres de la maison d'Hasparren ne sont unis entre eux par aucun lien ; qu'il n'en existe qu’au regard de l'évêque et que c'est un lien de dépendance vis-à-vis du chef spirituel concordataire chargé de l'administration du diocèse, qui fournit, d'ailleurs, un traitement, ou vis-à-vis du délégué de l’évêque ; qu’un lien semblable existe entre le chef de toute administration civile et les auxiliaires qu'il emploie ; que ce lien ne suffirait pas pour constituer un corps ayant une existence propre ; qu’en admettant un instant que les différentes transmissions de propriété des immeubles, faites à la fois au profit de l’évêque et des membres de l’agrégation soient de nature à faire présumer que les intéressés avaient entendu assurer la perpétuité de l'institution dans son double caractère congréganiste et diocésain ; on doit admettre, avec la Cour de Toulouse, que la perpétuité d’une congrégation doit s’entendre, non de la possession in perpetuum de tel ou tel immeuble, mais de l'existence in perpetuum de la congrégation elle-même ; que le groupement des prêtres d'Hasparren, dépourvu de noviciat, où l’admission a lieu par la seule volonté de l’évêque, n’offre d’autres liens que ceux de la communauté plus ou moins prolongée de leur existence ; que leur maison n’ayant d’autre but que de prêter le concours de ses membres à l’évêque, celui-ci reste maître absolu de la transformer à sa volonté et même de la supprimer ou de la dissoudre ;
Attendu que, du reste, les prêtres d'Hasparren, ne possédant ni des statuts canoniques, ni même le droit de choisir leur supérieur, se trouvent dans l'impossibilité absolue de donner à leur institution un but à poursuivre et justifiant la perpétuité de la congrégation elle-même ; qu'ainsi, leur existence étant précaire et dépendant de la volonté de l'évêque, ils n'étaient pas soumis à l’obligation de solliciter l'autorisation du gouvernement ; qu'il est donc ainsi établi que les prêtres d’Hasparren ou Missionnaires d'Hasparren, ne constituaient pas une congrégation. même diocésaine ;
MAISON DES MISSIONNAIRES HASPARREN PAYS BASQUE D'ANTAN |
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