LES ANGLAIS CHEZ LES BASQUES EN 1904.
Les Britanniques ont aimé et aiment, de longue date, le Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Petite Gironde, le 6 septembre 1904, sous la plume
de Gaston Deschamps :
"Saint-Jean-de-Luz, 4 septembre.
Ce fut une guerre longue et rude... Mais rassurez-vous. La guerre dont j’ai le dessein de vous entretenir n'a pas éclaté aujourd'hui ni même hier. Elle est éteinte depuis longtemps, et nous pouvons considérer avec philosophie les souvenirs encore visibles qui, aux yeux du voyageur attentif, font de temps en temps reparaître dans l'actualité vivante les images de cette guerre déjà lointaine.
Près de Biarritz, lorsqu’on gravit la colline qui domine le charmant lac du Mouriscot, si aimé des touristes, on rencontre une grande maison blanche, aux contrevents verts, autour de laquelle tourbillonna jadis une furieuse bataille. Les très vieilles gens du pays basque se souviennent encore du temps où l'on voyait courir à travers la verdure des platanes et des chênes, aux environs de Guéthary, de Bidart, d’Arcangues, à droite et à gauche de la route de Bayonne, les habits rouges des soldats anglais. Le maréchal Soult n'avait pas pu empêcher lord Wellington de franchir la Bidassoa, d’escalader les hauteurs d'Hendaye, de cantonner dans l'église d'Urrugne et dans le château d'Urtubie, — de prendre Saint-Jean-de-Luz.
Les savants historiens du pays basque, M. Ducéré, par exemple, ou M. Webster, ou M. Dutey-Harispe, vous diraient mieux que moi comment la citadelle de Bayonne fut défendue par le général Thouvenot, commandant de place, et par ses fidèles lieutenants, les généraux Beuret, Delosme, Abbé, Maucomble, Bergé, etc. Tout ce qui pouvait être tenté pour sauver l’honneur du drapeau fut accompli par ces braves, à qui leurs ennemis eux-mêmes ont loyalement rendu justice. Les Pyrénées, debout à l'horizon de ce champ de bataille, ont vu se mesurer deux grandes nations, si dignes de s’estimer et de se comprendre après s'être battues, qu’on a vu souvent alors les officiers anglais et les officiers français — précurseurs de l'"entente cordiale" — profiter d'une courte trêve pour fraterniser, le verre en main, aux avant-postes...
C’est donc avec une mélancolie exempte de tout ressentiment que les passants doivent regarder, sur les pierres tombales enfouies dans l’herbe, les noms, anglais ou français, des héros qui sous ce ciel aujourd'hui souriant, au bord de ces eaux limpides, parmi ces vallées pleines de fleurs ont versé leur sang jeune et généreux. Près de Biarritz, au penchant des coteaux qui descendent vers le lac de Mouriscot, on lit sur une tombe ces inscriptions que la pluie et la mousse n’ont pas encore effacées :
Le lieutenant-colonel Samuel Coote Martin, du 1er régiment des gardes, tué le 12 décembre 1813,
Le capitaine Charles-Williams Thompson, du 1er régiment des gardes, tué le 12 décembre 1813,
Le capitaine Henry-Robert Watson, du 3e régiment des gardes, tué le 12 décembre 1813.
J'ai voulu retrouver l'endroit où le général anglais sir John Hope, qui dirigeait en personne les opérations du siège de Bayonne, fut fait prisonnier, avec deux officiers de son état-major, par l'adjudant Pigeon, le sergent Beregeot et le voltigeur Bonencie. C’est tout près du Boucau, à deux pas de la maison Monnet, si je m'en rapporte aux consciencieuses recherches de M. Charles Guiard. Cet événement eut lieu le 14 avril 1814. Dans cette même journée, les Anglais, vigoureusement bousculés par trois colonnes d’attaque, et hardis à la riposte, perdirent aussi le général Hay, frappé d’une balle dans l’église du village de Saint-Etienne, où l’on parle encore de sa belle défense.
La garnison de Bayonne, cernée de tous côtés, ne se rendit pas. L’armée anglaise n'entra pas dans la place. Lorsque l’armistice fut signé et que Louis XVIII accepta d’être installé sur le trône de ses ancêtres par les envahisseurs de la France, les troupes étrangères, rigoureusement consignées dans leurs cantonnements sur les deux rives de l'Adour, ne purent assister que de loin à l’éclipse passagère du drapeau tricolore, remplacé sur la citadelle par le drapeau blanc des émigrés...
L'armée anglaise manœuvra pendant plus de huit mois entre Saint-Sébastien et Bayonne. Cette campagne fut pour nos voisins d'outre-Manche l’occasion d'étudier à fond le pays basque. Dans l’intervalle des batailles, ils avaient largement le loisir de fréquenter les habitants, de chasser les lièvres, les lapins, les bécassines, les perdrix aux jambes rouges, et aussi de savourer le cidre d’Irouléguy, de Baïgorry et de Sare, les chipiroles à la sauce noire et l’omelette au piment, qui sont, parait-il, les mets favoris des vieux Basques. En somme, ils tirent alors, par la force des choses, une "saison" au pays de Ramuntcho, une saison trop mouvementée peut-être, mais fertile en impressions et animée, égayée par toutes sortes de sports.
Un officier anglais, le lieutenant Gleig, du 85e régiment d'infanterie légère, nous dit dans ses intéressants Souvenirs : "Les lévriers de Wellington avaient été mis en campagne, et il chassait lui-même régulièrement deux fois par semaine comme un habitant du Leicestershire ou de quelque comté giboyeux d'Angleterre... Personne ne s'amusait plus joyeusement que le vaillant marquis. Quand les chiens étaient lâchés, ce n’était plus le général en chef de trois armées et le représentant de trois souverains : c’était un gentilhomme campagnard sans souci, qui galopait de tous côtés et riait plus haut que les autres..."
Bien que leurs chevaux de guerre fussent un peu fatigués, les Anglais, pendant ce séjour de huit mois au pays basque, organisèrent des courses. C’est pendant le siège de Bayonne qu'ils eurent l’idée d’aménager un champ de courses à la Barre de l’Adour. Cette idée, apparemment, était bonne, puisqu’en cet endroit même, aujourd’hui encore, on continue de faire courir des chevaux.
HIPPODROME DE LA BARRE ANGLET PAYS BASQUE D'ANTAN |
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