LES FÉLIBRES ET LES CIGALIERS À
SAINT-SÉBASTIEN EN 1890.
En 1890, les défenseurs de la langue provençale se réunissent en Guipuscoa.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Dépêche, le 22 août 1890 :
"De notre envoyé spécial :
Saint-Sébastien, 19 août.
La perle de l'Océan a été pour moi ce que Capoue fut pour Annibal : une ville de délices, où j'ai oublié mes devoirs de chroniqueur. Que les lecteurs de la Dépêche me pardonnent ce farniente dont j'avais grand besoin.
Je ne m'étais pas fait encore une idée de ce que sont les réceptions des étrangers en Espagne. Faut-il en tirer gloire au profit de la nation française ? Je suis tenté de le croire, car nous avons été accueillis ici avec une cordialité, une sympathie manifestes.
Nous devions arriver à Saint-Sébastien le dimanche 17 août, à dix heures du matin ; mais il y avait une si grande affluence de voyageurs sur la ligne de Bayonne à Irun que nous avons éprouvé un retard de plus d'une heure.
Je ne m'en plains pas, car j'ai savouré délicieusement les beautés de la route de la ligne de Bayonne à la frontière : à gauche, la chaîne des Pyrénées et les vallées du Labourd, avec, sur les teintes vertes des prairies et les couleurs sombres des bois, des taches blanches que piquent çà et là les maisons basques ; des villas, des jardins courant le long de la voie ; puis la mer, à droite, apparaissant, se cachant, pour reparaître encore et se cacher ensuite ; Saint-Jean-de-Luz à peine entrevu, ainsi que l'historique château d'Urtubie.
CHÂTEAU D'URTUBIE URRUGNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Hendaye et son Casino dont les coupoles émergent de la dune, la Bidassoa, au vaste estuaire, qui sépare les deux nations ; Fontarabie, dont le château, la cathédrale et les maisons aux toits en saillie s'étagent au pied du mont Jaizquibel ; Irun, où nous attend une délégation franco-espagnole, et où nous changeons de train.
Nous voici maintenant dans les voitures de la compagnie del Norte, profondes, élevées, plus larges que les nôtres — la voie ferrée espagnole étant plus large que la voie française — ainsi que le voulut le chauvinisme de nos voisins.
On me montre au passage, des deux côtés de la route, quelques maisons édentées par les boulets de la dernière guerre carliste, le fort Saint-Martial, d'où le prétendant assistait au bombardement de sa bonne ville d'Irun, la Renteria avec ses fabriques de toile, Lezo avec ses hauts fourneaux, los Pasajes, port célèbre que nous viendrons visiter spécialement.
BAIE DE PASAJES GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Et puis, voici qu'un panorama splendide se déroule à nos yeux : élégantes villas s'étageant sur la montagne, édifices immenses, cheminées d'usines, côteaux verdoyants et fleuris, mer bleue dans le lointain. Vivat ! c'est Saint-Sébastien, c'est la perle de l'Océan, Le train stoppe. Nous sommes en gare. Fort animée, cette gare ; on dit qu'elle rappelle celle de Naples par ses cris des mozos et des cochers — de jeunes Basques au béret rouge, criant, riant, gesticulant au soleil.
A notre descente de wagon, nous sommes reçus par le consul général de France, M Saint-Sauveur, qui nous conduit dans la salle d'attente des premières, où il nous présente aux autorités locales venues à notre rencontre : MM. Lizariturry, Echeverria y Arrizabalaga qui composent la délégation de l'ayuntamiento (assemblée communale) ; MM. Arzac, Soroa, Palau, Oregui et autres, de l'assemblée des Jeux-Floraux ; divers représentants de la société l'Union des arts et de la presse locale.
Des tramways et des voitures nous attendent dans la cour de la gare ; nous y montons et, après avoir passé sur un beau pont de pierre l'Urrumea qui se jette, à droite, sous nos yeux, dans l'Océan, nous traversons la nouvelle ville aux grandes avenues, aux magnifiques constructions en pierre jaune — rendez-vous, en cette saison, de la société la plus élégante de Madrid et de toutes les Espagnes.
Nous arrivons bientôt a la "plaza Vieja", puis "al Ayuntamiento" (Hôtel-de-Ville), qui occupe un des quatre côtés de la place de la Constitution où se donnaient autrefois les courses de taureaux. Cette place est entourée d'arcades élevées dans le goût de celles de la rue de Rivoli, à Paris, et de la place du Capitole, à Toulouse. L'hôtel de ville, reconstruit après le bombardement et l'incendie du 31 août 1813, est d'un style sévère : sur une base monumentale de cinq arceaux massifs complétant la décoration générale de la place, s'élève un ensemble imposant de six colonnes doriques ; l'attique qui les surmonte est orné d'une horloge que couronne l'écu des armes de Saint-Sébastien.
MAIRIE ST SEBASTIEN GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Sur la façade principale, on a rappelé, en lettres d'or, que ce palais fut inauguré en 1832, sous le règne de Ferdinand VII dont "les augustes mains" posèrent la première pierre le 10 juin 1828.
Sur la façade de la rue San-Geronino, je relève une patriotique inscription latine.
Dans les salles, dans les vestibules que nous parcourons se trouvent des tableaux, des gravures, des plans représentant les faits les plus importants de l'histoire locale. Deux belles marines du peintre Antonio de Brigadas, situées dans l'escalier monumental, représentent les faits et gestes héroïques du vaillant marin Oquendo.
ANTONIO DE OQUENDO |
Mais, procédons avec ordre :
On nous rend, "al ayuntamiento", de superbes honneurs : nous sommes reçus dans le grand vestibule d'entrée par l'alcade, ses adjoints et les illustrations plus haut énumérées — précédés des tambours, des porteurs de pique, des gardes municipaux et des massiers qui ont conservé le costume des siècles passés.
Dans le salon principal "de la casa consistorial", décoré avec un goût exquis, M. Lizariturry nous présente au premier alcade, M. Samaniego, qui nous adresse un discours de félicitations et de bienvenue, que nous couvrons d'applaudissements.
M. Sextius Michel, président du félibrige parisien, maire du XIVe arrondissement ; M Henry Fouquier, député, président de la Cigale, répondent à l'alcade.
DEPUTE HENRY FOUQUIER |
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