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dimanche 20 décembre 2020

UN CHARIVARI À HASPARREN-HAZPARNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUIN 1950 (deuxième partie)

 

CHARIVARI À HASPARREN EN 1950.


Le charivari est une démarche symbolique et bruyante des membres d'une communauté villageoise, une démonstration empreinte de violence morale et parfois physique visant à sanctionner des personnes ayant enfreint les valeurs morales et (ou) les traditions de cette communauté.




pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Qui ?, dans son édition du 22 mai 1950, sous la plume 

de Léo Vergez :



"Pour venger sa tante, un jeune Basque, Louis Itchorrotz, déclenche le charivari d'Hasparren 

qui tourne à la tragédie.



Bayonne (de notre correspondant particulier). 



...Et c’est heureux pour eux, car, pendant ce temps, les événements se déroulent à Hasparren. Louis Itchorrotz, qui a pris le commandement de l’expédition, a rassemblé ses troupes dès la nuit venue. Il y a là des parents, trois frères appelés également Itchorrotz : Jean-Baptiste, vingt et un ans ; Jean-Pierre, vingt ans ; Edouard, dix-sept ans. Et puis des voisins : Bernard Lohaïgue, vingt-six ans ; Raymond Iriart-Urruty, vingt-six ans, et Louis Etchart, vingt-deux ans. Tous sont, comme Louis leur meneur de jeu, de braves ouvriers cordonniers d'Hasparren, important centre de la chaussure. N’étant pas directement intéressés à l’affaire, ils ne voient dans ce charivari que l’occasion d’une grosse farce rabelaisienne, qui se trouve par surcroît d’accord avec la morale et avec l’opinion publique.


pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN JUIN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN


Un huitième compagnon avait été pressenti pour se joindre à eux, c’est Darritchon, le propre neveu de Mme Aldax, la trop captivante aubergiste. Il avait tout d’abord promis son concours, mais, par la suite, il a réfléchi et s’est dégagé. Il ne viendra pas. Toutefois, pour témoigner sa sympathie aux manifestants, il leur offre une petite bonbonne de ce vin d’Irouléguy, que chantait P.-J. Toulet, et qui va leur donner du cœur à l’ouvrage.



Les douze coups de minuit ont depuis longtemps sonné. Tout dort dans Hasparren, sauf, en bordure de la ville, sept jeunes gens, tapis dans les fourrés.



A une heure et demie, la bacchanale se déchaîne. C’est l’infernal tapage de chaudrons que l’on tape, de crécelles improvisées qui cliquettent, de sifflets qui stridulent, le tout dominé par le son grave d'une trompe de chasse. Le vacarme, amplifié par le silence nocturne, renvoyé par les échos des collines avoisinantes, éveille dans leurs lits les dormeurs. Parfois, il s’apaise. Alors se détachant du groupe, et armé d’un vieux broc sans fond, en guise de porte-voix, un coryphée improvise une allocution vengeresse, dans laquelle il dénonce pêle-mêle la galante aubergiste, le fermier Jean Itchorrotz, et même bien d’autres villageois, qu’il accuse de débauches dignes de la décadence romaine. Le goût de la farce l’entraîne à de délirantes exagérations. Pendant une demi-heure, cette incantation licencieuse se poursuit, sans autre interruption qu’un solo de trompe de chasse, ou une variation instrumentale sur les culs de chaudron.


pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN JUIN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN


Deux heures du matin ont sonné lorsque le charivari s’arrête, non faute d’entrain, mais parce que le coryphée est phone et les chaudrons défoncés. L’auberge est restée tout ce temps-là silencieuse et sombre, comme inhabitée. Les chahuteurs nocturnes restent maîtres du terrain. Il ne reste plus qu’à finir la bonbonne de vin et à casser joyeusement la croûte. Tous s'y emploient avec l’appétit de leur âge. Puis, la troupe se forme en colonne pour quitter le quartier d’Eliçaberry, avec la ferme intention de rentrer à Hasparren, chacun chez soi, retrouver son lit.



On se met en marche. Tout s’est si bien passé qu’on se promet de revenir le samedi suivant, avec du matériel neuf et des voix reposées. Le groupe, en tête duquel marchent le jeune Edouard Itchorrotz et Bernard Lohaïgue, s’engage dans un petit chemin encaissé et bordé de haies vives. La lune s’étant couchée, l’on n’y voit guère. A un certain moment, Bernard, qui s’était muni d’une lampe électrique, l’allume pour voir où il met ses pieds.



Dans la même seconde, deux coups de feu, presque simultanés, trouent la nuit comme un roulement de tonnerre. Surpris, les jeunes gens se jettent à terre. Plus rien... la panique les prend : le tireur invisible est peut-être en train de recharger son arme ? Presque ensemble, ils se relèvent et fuient, tête baissée, à travers les haies épineuses, à travers les labours, s’égayant dans toutes les directions.



Un quart d’heure plus tard, trois d’entre eux se retrouvent dans un ravin, au fond de la vallée. Il y a Edouard Itchorrotz et son frère Jean-Pierre, que rejoint bientôt Bernard Lohaïgue. Et là, ils s’aperçoivent que deux d’entre eux sont blessés : Bernard à la main et Jean-Pierre, plus gravement, à la cuisse.



pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN JUIN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN



Tremblants dans la nuit humide et fraîche, n’osant rentrer chez eux de crainte de se trouver soudain face à face avec le tireur inconnu, ils pansent à tâtons leurs blessures et attendent, tapis dans une haie, les premières lueurs de l'aube. 



Quand, au petit matin, ils quittent leur abri, c’est pour se heurter aux gendarmes, qui sont déjà en campagne et par lesquels ils apprennent le drame : leur frère et ami, Jean-Baptiste Itchorrotz, qu’ils croyaient tout bonnement rentré chez lui, a été ramassé, mort, dans le fatal chemin creux. Il avait été tué sur le coup d’une chevrotine qui, traversant le poumon et le cœur, s’était arrêtée dans la fosse sous-épineuse de l’omoplate. C’est un pêcheur qui, passant par le sentier, trouva son corps déjà froid et donna l’alarme.



pays basque autrefois charivari
CHARIVARI HASPARREN JUIN 1950
PAYS BASQUE D'ANTAN



Tandis que le chef Miremont faisait diriger les deux blessés à Bayonne, sur la clinique du docteur Delay, M. Puech, juge d’instruction à Bayonne — comme nul ne l’ignore depuis la fameuse affaire Da Silva — arrivait sur les lieux. Après ses premières constatations, il délivra commission rogatoire au commissaire Dalas et à l’inspecteur principal Narp, de la Police judiciaire de Bordeaux, dont on a pu voir, la semaine dernière, avec quelle rapidité ils avaient identifié et arrêté, aux environs d’Orthez, l’incestueux assassin de sa belle-sœur.



Mais le nombre de personnes en cause dans cette malheureuse affaire est trop grand pour que les policiers aient la tâche facile, en ce pays basque où les gens sont, d’ordinaire, taciturnes et savent garder un secret.



Ils ont pu établir qu’il s’agissait d’un véritable guet-apens ; le coup a été tiré à une distance de cinquante-quatre mètres. Le tireur s’était caché dans une haie vive, dont il avait élagué les hautes branches afin de poser commodément son arme. Mais même ces constatations matérielles sont matière à discussion. De vieux chasseurs du cru disent en effet que ce créneau de tir avait été ménagé de tous temps pour l’affût du lièvre. L’emploi de chevrotines n’apporte non plus aucun élément de certitude : le tireur mystérieux peut avoir glissé par erreur ces cartouches dans son fusil, croyant y mettre du petit plomb ou du gros sel. Enfin, les témoins ne sont pas d’accord sur le nombre de secondes qui s’est écoulé entre le moment où Bernard a actionné sa lampe électrique et celui où retentirent les coups de feu.



Si les enquêteurs se heurtent, dès le départ, à l’obscurité des circonstances, que dire de l’imbroglio des personnes ! Car il n’est pas prouvé du tout — et nous devons le signaler avec l’objectivité dont Détective se fait une règle — que les relations entre Jean Itchorrotz et l’aimable aubergiste aient été aussi coupables que l'affirment les partisans du charivari. Quant à l’identité de l’assassin, l’enquête ne l’a pas encore établie. Jean Itchorrotz est mis hors de cause, sa présence à Tarnos, à cent kilomètres de là, ayant été constatée. Le mari de l’aubergiste n’a pas bougé de chez lui, non plus que ses deux neveux, MM. Darritchon et Hirigoyen, demeurant tous deux à l’auberge. Tous les fusils de tous les chasseurs du quartier d’Eliçaberry ont été examinés : aucun ne portait les marques d’un usage récent.



Qui a tiré ? Bien sûr, à Hasparren même, chacun a son opinion, qu’il garde d’ailleurs soigneusement pour lui, et prononce tout bas un nom qu’il refuse énergiquement de faire connaître. Car les esprits, maintenant, se passionnent dangereusement. Mais le journaliste impartial se garde de conclure à la légère et fait confiance aux enquêteurs pour démasquer le tireur inconnu qui fit, d’une simple farce de mauvais goût, un drame farouche aux conséquences irréparables."



A suivre...



 






(Source : Wikipédia)



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