LES MINES DE BAÏGORRY EN 1894.
La vallée de Baïgorry possède des mines de fer sphatique, et une mine de cuivre dont l'exploitation remonte à une haute antiquité.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Autorité, le 8 août 1894, sous la plume de Paul de
Cassagnac :
"La mine à l'Etat.
Nous venons de prendre connaissance d'une lettre de M le ministre des travaux publics, qui nous paraît des plus graves, en ce sens qu'elle va donner aux socialistes une satisfaction malsaine, et porter un coup sérieux aux droits de propriété minière.
Cette lettre est adressée par M. Barthou à un de ses collègues des Basses-Pyrénées, et vise la mine de Baïgorry.
La mine de Baïgorry fonctionne dans les conditions normales. Son exploitation est régulière.
Seulement, elle a pour concessionnaire des conservateurs.
Il n'en faut pas davantage pour que le gouvernement lui déclare une guerre à outrance.
Voici le prétexte qu’on a trouvé :
L’Etat fait construire, à proximité de cette mine, le chemin de fer de Saint-Etienne à Bayonne.
Or, M. le ministre des travaux publics exige que l’extraction de la mine soit poussée en proportion des besoins de son chemin de fer.
Puis, quand celui-ci sera construit, la mine sera libre de reprendre son petit train-train.
En un mot, l'exploitation de la mine serait subordonnée aux caprices de l'Etat constructeur de chemins de fer.
Ce ne serait plus la mine des concessionnaires, ce serait la sienne.
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Et c'est lui qui serait maître d'accélérer ou de ralentir les travaux.
Cette théorie abusive et monstrueuse est formulée dans le passage suivant de la lettre ministérielle :
"Il résulte effectivement des constatations auxquelles j’ai fait procéder que les travaux actuellement entrepris ne sont pas convenablement coordonnés pour satisfaire aux conditions nouvelles résultant de l’exécution du chemin de fer de Bayonne à Saint-Etienne, dont l’achèvement est activement poussé. Je viens, en conséquence, d’inviter M. le préfet à mettre les concessionnaires de mines de Baïgorry en demeure de fournir, dans un délai de deux mois, le projet, avec mémoire justificatif à l'appui, des travaux qu’ils se proposent d’effectuer en vue de donner à l’extraction de ces mines tout le développement que comportent les circonstances où elles se trouvent. J’ai prié, en outre, M. le préfet d’avertir les concessionnaires que, faute par eux de présenter, dans les délais impartis, les projets qui leur sont demandés, et faute par eux d’en poursuivre ensuite l'exécution avec l’activité qu’on est en droit de réclamer, l’administration n’hésitera pas à recourir aux mesures de rigueur que la loi met à sa disposition en pareille occurrence."
Il y a dans ce langage de M. le ministre des travaux publics, des façons de satrape, intolérables.
On se croirait déjà arrivé au temps, peut-être prochain, où MM. les socialistes, maîtres du pouvoir, commenceraient à pratiquer le fameux principe de "la mine aux mineurs".
Ici, nous débutons par un autre principe, nouveau celui-là, et non moins odieux, non moins insupportable, de "la mine à l'Etat".*
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Et remarquez que la loi dont M. le ministre invoque la rigueur n’a aucun rapport avec les conditions dans lesquelles se trouve la mine de Baïgorry.
Les circonstances qui permettent à la loi d'intervenir, sont parfaitement prévues et délimitées par elle.
L’Etat n’a le droit d’exercer sa surveillance et la police sur les mines, que dans des cas déterminés soigneusement.
Il faut que les concessionnaires s’abstiennent de toute extraction, et laissent improductives les richesses dont ils ont obtenu l’exploitation.
Ils sont tenus à les faire valoir.
Il faut qu’ils aient suspendu l’exploitation, de manière "à inquiéter la sûreté publique ou les besoins des consommateurs".
L’Etat doit également intervenir "si l’exploitation compromet la sûreté publique, la conservation des puits, la solidité des travaux, la sûreté des ouvriers".
Voilà les prescriptions de la loi. Elles ne vont pas et ne sauraient aller plus loin, sans tomber dans la confiscation ou l'expropriation.
Eh bien, M. le ministre des travaux publics entend abusivement dépasser les limites tracées par la loi.
Il prétend faire intervenir l'Etat, dans l'intérêt temporaire, éphémère, d'un travail de l'Etat.
La mine n’est plus exploitée, dans ce cas, pour les concessionnaires ; elle l’est au seul profit de l'Etat. Elle devient son matériel.
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Une telle prétention doit soulever l'indignation.
Mais elle doit également faire trembler.
Comment ! voilà un gouvernement qui a pour tâche de défendre la propriété contre les attaques furibondes du socialisme, il doit être la digue chargée de repousser l’inondation qui menace de tout submerger, la sentinelle qui a la mission de tirer sur les voleurs.
Et tranquillement, parce qu’il y trouve un avantage électoral et matériel, il se fait l’audacieux contempteur des droits les plus sacrés de la propriété individuelle, invoquant contre eux la rigueur des lois, faites pour les protéger !
Il fait une brèche à la défense sociale et ouvre la porte aux avides revendications des scélérats socialistes !
Il donne l’exemple du vol ; il nous mène tout droit à la "Nationalisation des mines" en attendant la nationalisation des maisons et des champs.
Il y a là une rare inconscience, un étrange oubli des devoirs, une véritable trahison envers la société.
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