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jeudi 17 décembre 2020

LA LANGUE ET LE PEUPLE BASQUE EN 1874 (deuxième partie)

LA LANGUE ET LE PEUPLE BASQUE EN 1874.


Au cours des siècles, de nombreux savants et linguistes ont étudié la langue Basque.




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CARTE LINGUISTIQUE LANGUE BASQUE 1865
PAR LOUIS LUCIEN BONAPARTE



Voici ce que rapporta le journal La République Française, dans son édition du 14 août 1874 :



"...Les légendes en letras desconocidas, tracées sur des médailles assez communes en Espagne et dans le Midi de la France (versant nord oriental des Pyrénées), ont été l'objet de travaux beaucoup plus nombreux, dont nous ne citerons que les principaux. Eu 1752, L. Velasquez publiait son Ensayo sobre los alfabetos de las letras desconocidas, etc. (Madrid, 1752, in-4e), où, paraît-il, il explique ces légendes par le grec. Nous ne connaissons  pas encore cet ouvrage, non plus que ceux, sur le même monnayage, de Florez, Erro et M. de Sanicy. Nous nous bornerons, par conséquent, à dire ici quelques mots des publications plus récentes et plus accessibles de MM. Lorichs, Boudard, G. Phillips, Alois Heiss.   



Il faut écarter à première vue le livre de Lorichs, Recherches numismatiques concernant principalement les médailles celtibériennes (Paris, 1852, in 4e, IV-246 p., 81 pl.). M. Alois Heiss conteste la plupart des légendes monétaires publiées par cet auteur, dont le système de déchiffrement et d’explication est, du reste, des plus fantaisistes. Il consiste à regarder chaque légende comme le résumé d'une cote administrative ; celle, par exemple, lue par Lorichs, "ONEPT", signifie pour lui : "Officina Nummorum Exterioris Provincial Tredecima." 



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LIVRE RECHERCHES NUMISMATIQUES SUR LES MONNAIES CELTIBERIENNES
DE GUSTAF DANIEL VON LORICHS



Les trois autres savants dont nous avons à parler ici ont procédé, il faut le reconnaître, d’une façon très sage et très méthodique. Ainsi M. Boudard, dans son Essai sur la numismatique ibérienne (Paris, 1857, in-4e, VII-319 p., 40 pl.), a pris pour point de départ les légendes bilingues (ibéro - latines) à l’aide desquelles il a obtenu un certain nombre de lettres qui lui ont permis de retrouver la valeur des autres signes dans les légendes unilingues, en recourant à la forme latine on grecque donnée, pour la localité supposée, dont la médaille doit porter le nom, par Strabon ou Pline. Après avoir obtenu de la sorte la forme sensée ibérienne de ce nom, M. Boudard s’est efforcé de l’expliquer par le basque : la plupart de ces traductions sont manifestement inexactes, parce qu’elles supposent des phénomènes linguistiques étrangers à la langue basque et qu’elles sont constituées par des radicaux imaginaires. 


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LIVRE ESSAI SUR LA NUMISMATIQUE IBERIENNE
DE PIERRE-ANDRE BOUDARD


L’étude de M. G. Phillips Ueber das Ibérische alphabet (Vienne, 1870, in 8°, 74 p ) n’est pas plus positive que l’ouvrage de M. Boudard, dont son auteur s'est étroitement inspiré. 



Le professeur autrichien a voulu seulement rectifier quelques lectures du numismate français en cherchant, par la comparaison de l'alphabet ibérien à l'alphabet phénicien son prototype, à déterminer plus exactement la valeur de certains signes. M. Phillipps a consacré d’autres brochures, que nous ne pouvons analyser ici, au développement de sa théorie. 



Dans sa Description générale des monnaies antiques de l'Espagne (Paris, lmp. nat., in-4e (VI)-id 548 p. et. 68 pl ), M. Alois Heiss a suivi une autre voie. Il a recherché quelles sont les localités où les mêmes médailles se rencontrent le plus fréquemment, car il est naturel de supposer que ces médailles doivent avoir été frappées dans la ville aux environs de laquelle elles abondent. Le nom ancien de cette ville étant approximativement donné par les vieux géographes, M. Heiss a dû, par suite, corriger un grand nombre des lectures de M. Boudard. Il a également découvert que ses prédécesseurs avaient commis beaucoup d’erreurs, par suite de moulages fautifs ; c’est ainsi que sur vingt-trois légendes monétaires, publiées par Erro, il y en a dix-huit d’inexactes. Deux faits intéressants résultent en outre des travaux de M. Heiss : le premier, c’est que le monnayage ibérien est restreint au nord et à l’est de l’Espagne ; c’est donc là seulement qu’aurait été parlé l’ibère, à l’époque où remontent les médailles ; il y aurait eu pourtant, au sud, le dialecte turdétan qui avait un système alphabétique particulier, déchiffré pour la première fois par M. Heiss. Le second fait affirmé par M. Heiss, c’est que le monnayage celtibérien, imitation du monnayage italique, a dû être frappé exclusivement entre les années 175 et 39 avant J.- C. 



Faut-il répéter que le caractère basque des lectures obtenues par ces divers travailleurs n’est rien moins qu’évident ? Le problème est très complexe et d’une gravité exceptionnelle. Si la langue des inscriptions ibériennes est parente du basque, il faudra, pour pouvoir utilement l’en rapprocher, remonter aussi loin que possible dans l’histoire de cette dernière langue; c’est là un travail préparatoire essentiel, mais qui n’est point fait encore. Par conséquent, il convient, avant tout, de s’appliquer à reconstituer par une analyse rigoureuse des dialectes actuels, conformément à la discipline sévère de la science contemporaine, l’état auquel le basque était parvenu avant sa séparation en dialectes. 



De plus, il faudra être très sûr que les inscriptions "ibériennes" sont authentiques, qu'elles sont bien lues, que la valeur de chacun des caractères est bien fixée ; il faudra également s’assurer de la fidélité des estampages, des moulages, des empreintes. Les caractères en question ne sont point originaux, car ils sont sensiblement dérivés de l’alphabet phénicien, ce fécond prototype de la plupart des écritures antiques. En s’en tenant aux systèmes adoptés par les idiomes qui ont pu se trouver géographiquement en rapport avec "l’Ibérie", on constate une telle variété de formes pour chacun des signes employés que, souvent des lettres originairement distinctes en arrivent à n’avoir qu’une seule et même figure ; d’autres se trouvent, par la suite des temps, ne plus offrir que de très minimes différences les unes avec les autres, de sorte que la moindre distraction de l’écrivain ou du lecteur peut occasionner de déplorables confusions. 



Il est, du reste, regrettable que le déchiffrement de cet alphabet mystérieux ait été commencé par l’étude des légendes monétaires. Celles-ci, en effet, ne sont capables de donner que des noms de lieux isolés, et ne peuvent renseigner que très imparfaitement sur la nature de l’idiome employé. Or, il se trouve que, précisément, l’explication des noms topographiques est ce qu’il y a de plus différent de l’état actuel. Ces noms, toutes les fois qu’ils sont intelligibles, se rapportent tous à des particularités physiques ; ce fait suffit pour repousser certaines traductions de Humboldt, de M. Boudard et autres. Il vient de paraître sur les noms de lieux du pays basque une excellente brochure de M. Luchaire, professeur au lycée de Pau ; l’auteur y rectifie, chemin faisant, dans un sens plus admissible, quelques-unes des étymologies de Humboldt. 



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LIVRE REMARQUES SUR LES LES NOMS DE LIEUX DU PAYS BASQUE
PAR M LUCHAIRE



N’aurait-il pas mieux valu commencer par essayer d’interpréter les inscriptions plus longues, qui contiennent évidemment des phrases complètes et dont par conséquent une seule, bien lue, trancherait définitivement la question ? Personne, jusqu’ici, ne s’en est sérieusement occupé. On possède pourtant une vingtaine d’inscriptions murales ou lapidaires. Plusieurs sont incomplètes ; mais il en est au moins une qui nous est parvenue dans toute son intégrité. C’est celle de la lame de plomb découverte, en 1851, près de Castillon, par M. de Portefaix, consul de France dans cette ville, publiée par Lorichs (Recherches, p. 202-204,pl. 80) et réimprimée par M. Phillips, en 1871, dans les Comptes rendus des séances de l’Académie de Vienne. Cette inscription se compose de vingt-et-un mots, séparés l’un de l’autre par trois points verticaux. 



En appliquant son système de lecture à cette précieuse inscription, M. Phillips a trouvé onze signes nouveaux inexpliqués et transcrit des mots comme le suivant qui est le dernier de l’inscription, iiosinleaose ; avec le système de M. Heiss, on lirait withsuniekrse. Un savant assyriologue anglais, M. Sayce, qui a fait des études prolongées sur l'alphabet phénicien et ses dérivés, lit à son tour yitksynièarsè (a et r sont douteux) ; M. Sayce regarde d’ailleurs l’inscription comme authentique. Quoi qu’il en soit, il est difficile en basque moderne, où beaucoup des noms actuels de cette espèce, qui échappent à l’analyse immédiate, sont relativement très anciens et représentent un état de la langue sensiblement difficile de voir du basque dans ce mot, quelque lecture qu’on adopte. Il est donc évident que les systèmes de transcription de ces trois savants sont incertains ou qu’il y a là une langue nouvelle. Mais, s’il y avait tant de langues originales en Espagne, laquelle était la mère du basque ? 



Pour en finir avec les argumenta linguistiques ou soi-disant tels, invoqués en faveur de la théorie ibéro-basque, il faut citer celui qui tend à démontrer la grande extension antique de l’idiome pyrénéen, et qui consiste à voir, dans les noms géographiques de pays habités par les Ibères, des mots basques ou d’origine basque. On a longtemps traduit par le basque hiriberri "villeneuve" le nom antique d’Auch, transcrit par les Romains clinberris ou élimberris. Dans sa remarquable étude sur une cité inconnue dont les ruines ont été découvertes près de Plaisance, en 1861, M. Ernest Desjardins, après avoir cité les syllabes "basques" ili en eri, erri, eri "ville, peuple, pays, établissement" rencontrées, dit il, dans des noms de lieux du Roussillon antique (Illiberri) et même du Placentin (Iria, non loin de Velleia), va jusqu’à rapprocher le nom des Ligures, qui deviendraient ainsi de purs ibères, du mot basque liguorra, auquel il attribue le sens de "terre élevée, pays montagneux". Est-il besoin d'insister sur la faiblesse de ces argumentations étymologiques qui ne peuvent avoir, en l’état, aucune portée démonstrative et qui proviennent principalement d’une idée préconçue ? C'est ainsi que Fauriel, dans son Histoire de la Gaule méridionale, a fait de "Vilenave" un composé hétéroclite du roman "ville" et de l’euscarien imaginaire nava "plaine", au lieu du latin "nova", représenté par la forme nave dans tant de noms propres gascons : Casenave, Maisonnave, Bordenave, etc. C’est ainsi, en revanche, que les basquisants absolus n’expliquent que par le basque"Iiion" et "Béthulie" : le premier serait "la bonne ville" et le second "l’endroit aux mouches abondantes". Quant aux arguments tirés des caractères physiques pour prouver que les Basques représentent les Ibères, ils ne nous semblent pas plus décisifs. Les descriptions données par certains auteurs anciens de quelques races ibériennes ou celtibériennes ne sont pas assez précises pour qu’on puisse s’en servir comme d’un point de comparaison utile. Si l’on veut du reste examiner, au point de vue anthropologique, la conformation générale des Basques contemporains, on trouve que cette race est singulièrement mélangée ; les descriptions partielles des divers voyageurs ne s’accordent en aucune façon. Suivant qu’on a traversé telle ou telle région du pays basque, on y a vu des hommes de grande ou de petite taille, aux yeux bleus ou noirs, aux traits distingués ou vulgaires ; des femmes aux mains et aux pieds petits et potelés ou larges et osseux aux cheveux longs ou courts, aux seins amples ou étroits. On attribue généralement à cette population la peau un peu brune, les yeux bruns et les cheveux noirs ; cependant M. le docteur Argellies, de Saint-Jean-de-Luz, a compté dans les campagnes environnantes vingt-six individus aux yeux bruns (plutôt brun-clair que brun), pour vingt-un aux yeux bleus ou verts ; quinze aux cheveux noirs ou châtain foncé, pour dix aux cheveux plus ou moins blonds. Le seul détail qui semble caractéristique d’un type basque a été fourni par l'étude des crânes. M. le docteur Broca a découvert que ces crânes sont dolichocéphales et que leur capacité intérieure est très considérable ; mais ces éléments, qui seraient l'indice d’une intelligence supérieure, perdent en grande partie leur importance par ce fait qu'ils sont dus l’un et autre à un développement particulier de la partie postérieure du crâne : les lobes cérébraux antérieurs sont moindres chez les Basques que chez les Aryens. M. Virchow, de Berlin, partage l’opinion de M. Broca. Mais où est la preuve que cette dolichocéphalie occipitale caractérisait les Ibères antiques, et qu'elle n’est pas le résultat d’un mélange prolongé de races dolicho et brachychéphales ? 



A suivre...



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