LA LANGUE ET LE PEUPLE BASQUE EN 1874.
Au cours des siècles, de nombreux savants et linguistes ont étudié la langue Basque.
Voici ce que rapporta le journal La République Française, dans son édition du 14 août 1874 :
"...Les légendes en letras desconocidas, tracées sur des médailles assez communes en Espagne et dans le Midi de la France (versant nord oriental des Pyrénées), ont été l'objet de travaux beaucoup plus nombreux, dont nous ne citerons que les principaux. Eu 1752, L. Velasquez publiait son Ensayo sobre los alfabetos de las letras desconocidas, etc. (Madrid, 1752, in-4e), où, paraît-il, il explique ces légendes par le grec. Nous ne connaissons pas encore cet ouvrage, non plus que ceux, sur le même monnayage, de Florez, Erro et M. de Sanicy. Nous nous bornerons, par conséquent, à dire ici quelques mots des publications plus récentes et plus accessibles de MM. Lorichs, Boudard, G. Phillips, Alois Heiss.
Il faut écarter à première vue le livre de Lorichs, Recherches numismatiques concernant principalement les médailles celtibériennes (Paris, 1852, in 4e, IV-246 p., 81 pl.). M. Alois Heiss conteste la plupart des légendes monétaires publiées par cet auteur, dont le système de déchiffrement et d’explication est, du reste, des plus fantaisistes. Il consiste à regarder chaque légende comme le résumé d'une cote administrative ; celle, par exemple, lue par Lorichs, "ONEPT", signifie pour lui : "Officina Nummorum Exterioris Provincial Tredecima."
LIVRE RECHERCHES NUMISMATIQUES SUR LES MONNAIES CELTIBERIENNES DE GUSTAF DANIEL VON LORICHS |
Les trois autres savants dont nous avons à parler ici ont procédé, il faut le reconnaître, d’une façon très sage et très méthodique. Ainsi M. Boudard, dans son Essai sur la numismatique ibérienne (Paris, 1857, in-4e, VII-319 p., 40 pl.), a pris pour point de départ les légendes bilingues (ibéro - latines) à l’aide desquelles il a obtenu un certain nombre de lettres qui lui ont permis de retrouver la valeur des autres signes dans les légendes unilingues, en recourant à la forme latine on grecque donnée, pour la localité supposée, dont la médaille doit porter le nom, par Strabon ou Pline. Après avoir obtenu de la sorte la forme sensée ibérienne de ce nom, M. Boudard s’est efforcé de l’expliquer par le basque : la plupart de ces traductions sont manifestement inexactes, parce qu’elles supposent des phénomènes linguistiques étrangers à la langue basque et qu’elles sont constituées par des radicaux imaginaires.
LIVRE ESSAI SUR LA NUMISMATIQUE IBERIENNE DE PIERRE-ANDRE BOUDARD |
L’étude de M. G. Phillips Ueber das Ibérische alphabet (Vienne, 1870, in 8°, 74 p ) n’est pas plus positive que l’ouvrage de M. Boudard, dont son auteur s'est étroitement inspiré.
Le professeur autrichien a voulu seulement rectifier quelques lectures du numismate français en cherchant, par la comparaison de l'alphabet ibérien à l'alphabet phénicien son prototype, à déterminer plus exactement la valeur de certains signes. M. Phillipps a consacré d’autres brochures, que nous ne pouvons analyser ici, au développement de sa théorie.
Dans sa Description générale des monnaies antiques de l'Espagne (Paris, lmp. nat., in-4e (VI)-id 548 p. et. 68 pl ), M. Alois Heiss a suivi une autre voie. Il a recherché quelles sont les localités où les mêmes médailles se rencontrent le plus fréquemment, car il est naturel de supposer que ces médailles doivent avoir été frappées dans la ville aux environs de laquelle elles abondent. Le nom ancien de cette ville étant approximativement donné par les vieux géographes, M. Heiss a dû, par suite, corriger un grand nombre des lectures de M. Boudard. Il a également découvert que ses prédécesseurs avaient commis beaucoup d’erreurs, par suite de moulages fautifs ; c’est ainsi que sur vingt-trois légendes monétaires, publiées par Erro, il y en a dix-huit d’inexactes. Deux faits intéressants résultent en outre des travaux de M. Heiss : le premier, c’est que le monnayage ibérien est restreint au nord et à l’est de l’Espagne ; c’est donc là seulement qu’aurait été parlé l’ibère, à l’époque où remontent les médailles ; il y aurait eu pourtant, au sud, le dialecte turdétan qui avait un système alphabétique particulier, déchiffré pour la première fois par M. Heiss. Le second fait affirmé par M. Heiss, c’est que le monnayage celtibérien, imitation du monnayage italique, a dû être frappé exclusivement entre les années 175 et 39 avant J.- C.
Faut-il répéter que le caractère basque des lectures obtenues par ces divers travailleurs n’est rien moins qu’évident ? Le problème est très complexe et d’une gravité exceptionnelle. Si la langue des inscriptions ibériennes est parente du basque, il faudra, pour pouvoir utilement l’en rapprocher, remonter aussi loin que possible dans l’histoire de cette dernière langue; c’est là un travail préparatoire essentiel, mais qui n’est point fait encore. Par conséquent, il convient, avant tout, de s’appliquer à reconstituer par une analyse rigoureuse des dialectes actuels, conformément à la discipline sévère de la science contemporaine, l’état auquel le basque était parvenu avant sa séparation en dialectes.
De plus, il faudra être très sûr que les inscriptions "ibériennes" sont authentiques, qu'elles sont bien lues, que la valeur de chacun des caractères est bien fixée ; il faudra également s’assurer de la fidélité des estampages, des moulages, des empreintes. Les caractères en question ne sont point originaux, car ils sont sensiblement dérivés de l’alphabet phénicien, ce fécond prototype de la plupart des écritures antiques. En s’en tenant aux systèmes adoptés par les idiomes qui ont pu se trouver géographiquement en rapport avec "l’Ibérie", on constate une telle variété de formes pour chacun des signes employés que, souvent des lettres originairement distinctes en arrivent à n’avoir qu’une seule et même figure ; d’autres se trouvent, par la suite des temps, ne plus offrir que de très minimes différences les unes avec les autres, de sorte que la moindre distraction de l’écrivain ou du lecteur peut occasionner de déplorables confusions.
Il est, du reste, regrettable que le déchiffrement de cet alphabet mystérieux ait été commencé par l’étude des légendes monétaires. Celles-ci, en effet, ne sont capables de donner que des noms de lieux isolés, et ne peuvent renseigner que très imparfaitement sur la nature de l’idiome employé. Or, il se trouve que, précisément, l’explication des noms topographiques est ce qu’il y a de plus différent de l’état actuel. Ces noms, toutes les fois qu’ils sont intelligibles, se rapportent tous à des particularités physiques ; ce fait suffit pour repousser certaines traductions de Humboldt, de M. Boudard et autres. Il vient de paraître sur les noms de lieux du pays basque une excellente brochure de M. Luchaire, professeur au lycée de Pau ; l’auteur y rectifie, chemin faisant, dans un sens plus admissible, quelques-unes des étymologies de Humboldt.
LIVRE REMARQUES SUR LES LES NOMS DE LIEUX DU PAYS BASQUE PAR M LUCHAIRE |
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